Syrie : premier anniversaire de la prise de pouvoir de l'Etat islamique à Raqqa
La mauvaise gestion et l'autoritarisme de l l'Etat islamique font craindre une crise humanitaire dans la ville
Des passants se croisent devant un bâtiment qui aurait été pris pour cible par la coalition menée par les Etats-Unis dans la ville de Raqqa, contrôlée par l'EI (AFP).
Published date: 9 September 2015 13:33 BST
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Last update: 9 years 2 months ago
Lundi marque le premier anniversaire de la prise de pouvoir totale par l'Etat islamique (EI) de la ville de Raqqa, située au nord-est de la Syrie.
Au cours de cette année, Raqqa est devenue la principale place forte et base d'opérations de l'EI, qui l'avait arrachée aux forces du gouvernement du président syrien Bachar Al-Assad en janvier 2014 à l'issue d'une longue bataille ayant probablement entraîné la mort de milliers de civils.
Si l'EI est parvenu à repousser les forces gouvernementales hors de la ville, la situation demeure cependant extrêmement précaire à Raqqa et se dégrade sur le plan humanitaire, entre les frappes aériennes de la coalition menée par les Etats-Unis et les bombardements des forces de Bachar Al-Assad qui continuent de causer d'importants dégâts.
Dans une récente interview pour The Guardian, Abu Ibrahim Raqqawi, fondateur et militant du groupe « Raqqa est massacrée en silence » (RIBSS), a déclaré que « la ville est frappée par la pauvreté et la maladie ».
« L'un des problèmes majeurs est la forte augmentation des prix dans l'enceinte de la ville suite aux frappes aériennes de la coalition. Il n'y a plus d'électricité et tout le monde dépend entièrement des générateurs. »
La ville a été bombardée à la fois par la coalition dirigée par les Etats-Unis et le gouvernement de Bachar Al-Assad. La mort de civils et l'absence de réponse adéquate de la part de l'EI ont attisé les tensions dans la ville.
« Lorsque les raffineries de pétrole internes à la ville ont été détruites par les frappes aériennes de la coalition, les prix ont été multipliés par trois », a indiqué Abu Ibrahim Raqqawi. « Les gens n'ont pas suffisamment d'argent pour acheter de la nourriture, qui est devenue très chère. »
Selon le Réseau syrien des droits de l'Homme (SNHR), une organisation favorable à l’opposition syrienne basée au Royaume-Uni, les forces gouvernementales auraient ôté la vie à plus de 1 495 civils à Raqqa entre mars 2011 et la prise de pouvoir de l'EI en janvier 2014.
Bien que certains Syriens se soient réjouis de la défaite des forces de Bachar Al-Assad, Abu Ibrahim Raqqawi met en garde contre la rancœur grandissante suscitée par les disparités de niveau de vie qui existent entre les civils syriens de Raqqa et les dirigeants de l'EI, qui récoltent des millions de dollars grâce à la vente de pétrole sur le marché noir.
« L'EI ne fait rien pour les habitants ou les réfugiés », a déclaré samedi Abu Ibrahim Raqqawi lors d'une séance de questions-réponses sur le site web de RIBSS. « A Raqqa, la seule chose qui fonctionne pour les civils déplacés est la "cuisine de secours" tenue par un pharmacien local. »
« On y distribue un repas gratuit par jour, et elle est financée par des locaux et des étrangers. »
La situation désespérée décrite par les militants se trouve à des années-lumière de l'image soigneusement cultivée par l'EI depuis sa prise de pouvoir à Raqqa, le groupe publiant régulièrement sur Internet des photos dépeignant une réalité prospère dans le soi-disant Etat islamique.
Plus tôt ce mois-ci, l'EI a même annoncé qu'il s'apprêtait à inaugurer une nouvelle école de médecine à Raqqa.
Des affiches publicitaires détaillant les conditions d'admission à l'école précisaient que les candidats devaient être âgés de 18 à 30 ans et être titulaires d'un diplôme d'études secondaires, et que l’inscription était également permise aux femmes, selon un rapport de l'agence Anadolu.
Cependant, de nombreux militants et spécialistes soutiennent qu'il ne s'agit là que d'une propagande créée avec soin pour dissimuler la précarité de la situation, qui menace de se transformer en catastrophe humanitaire en raison de la mauvaise gestion et de l'autoritarisme de l'EI.
« Cette situation est insoutenable, catastrophique, et de nombreux Syriens sont désormais privés de tous soins médicaux », a déclaré Oubaida Al-Moufti, médecin franco-syrien et membre de l'Union des organisations syriennes de secours médicaux (UOSSM), lors d'une conférence de presse organisée à Paris la semaine dernière.
Un autre membre de l'UOSSM a signalé qu'il n'existait « aucun service d'obstétrique, de gynécologie ou de pédiatrie » à Raqqa.
D'autres mettent en garde contre la crise qui pourrait survenir suite à la fermeture de l'ensemble des structures éducatives de la ville et au placement des enfants dans des écoles religieuses où on leur enseigne l'idéologie de l'EI.
« Ceci affecte profondément la scolarité d'environ 670 000 étudiants », a indiqué la semaine dernière Christophe Boulierac, porte-parole de l'UNICEF, lors d'une conférence de presse à Genève.
« Selon moi, [l'EI] n'a rien fait de bien. Le seul point positif est que les bombardements ont cessé », a déclaré Abu Ibrahim Raqqawi. « Ils ne cherchent pas vraiment à gagner les cœurs et les esprits ici. Ils ont mis en place les tentes de la Dawa pour les enfants [dans lesquelles ont leur délivre un enseignement religieux], mais ceci est dangereux. »
« Ils ont convaincu de nombreux enfants de rejoindre l'EI à l'insu de leurs parents. C'est du lavage de cerveau », a-t-il ajouté.
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