Tunisie : les familles des victimes sèment le chaos lors des commémorations de la révolution
Les commémorations de l’anniversaire de la révolution tunisienne de 2011 se sont terminées plus tôt que prévu mercredi soir et le discours du président tunisien a été interrompu par les protestations des familles des victimes du soulèvement.
Béji Caïd Essebsi, chef du parti Nidaa Tounes élu président de la Tunisie le mois dernier, a pris la parole lors des célébrations organisées dans le palais de Carthage, à Tunis, en commémoration du quatrième anniversaire de la « révolution pour la liberté et la dignité ». « Les jeunes [qui ont mené la révolution] n’avait ni leaders, ni idéologie, tant religieuse que politique. Il n’avait pas non plus de liens avec des puissances étrangères », a déclaré Essebsi au public rassemblé dans le somptueux palace orné de chandeliers.
Dans son discours, Essebsi a promis de continuer à tout faire pour résoudre les problèmes qui ont conduit à la révolution, insistant sur le fait qu’il était dévoué à la « justice transitionnelle » et empêcherait le retour au système à parti unique.
Cependant, Essebsi fut interrompu par les cris des proches de ceux qui ont été tués ou blessés durant la révolution ayant mené au renversement de l’homme fort du pays, le Président Zine el-Abidine Ben Ali.
« Où est la justice pour nos enfants ? », ont hurlé les manifestants alors qu’Essebsi s’efforçait difficilement à poursuivre son discours.
Selon les témoins de la scène, les protestations ont secoué Essebsi, homme politique de 88 ans dont la longue carrière inclue une période au service de Ben Ali.
Tentant de continuer son discours, le président tunisien s’est adressé directement aux manifestants, leur disant que « si les martyrs avaient été présents, ils auraient rejeté un tel comportement ».
Essebsi fut à nouveau interrompu, et opta finalement pour un départ prématuré, lançant aux familles : « Tous les martyrs seront honorés, ce que vous faites n’est pas nécessaire. »
« C’est une imposture », affirme Majbouba al-Nasri, dont le mari a été tué en 2011, au site d’information en langue arabe al-Araby al-Jadid. « Nous ne sommes pas venus pour écouter un discours pompeux mais pour honorer, au moins symboliquement, ceux que nous avons perdus ».
Plus de 300 personnes ont été tuées, et 2 000 blessées, pendant le soulèvement qui a débuté fin décembre 2010 et s’est achevé le 14 janvier 2011, date à laquelle Ben Ali a officiellement démissionné avant de fuir en Arabie saoudite.
Cette manifestation succède de quelques jours la publication d’un rapport de Human Rights Watch révélant que le système judicaire tunisien a « échoué à rendre justice aux victimes » du soulèvement.
Cinquante-trois personnes, dont de hauts fonctionnaires de l’Etat et des membres du ministère de l’Intérieur, ont été jugées par les tribunaux militaires du pays pour leur rôle dans la répression violente des manifestations. Or, selon le rapport de Human Rights Watch, « des problèmes légaux et liés à l’investigation » ont entaché les procès, débouchant sur des acquittements ou des condamnations indulgentes.
Après la cérémonie, le cabinet d’Essebsi a publié un communiqué admettant que les familles des victimes avaient été abandonnées par le système.
Essebsi y affirme qu’il « comprend » leurs revendications et que « certains aspects de leur situation demeurent irrésolus ».
A l’extérieur du palais présidentiel, d’autres manifestations, organisées par différentes factions politiques, ont également eu lieu mercredi dans les rues de la capitale, qui a vu un renforcement prononcé de la sécurité.
Rachid al-Ghannoushi, du parti d’opposition Ennahda, a pour sa part marqué la date en prononçant des discours suivis du chant d’hymnes nationaux. Dans une rue adjacente, ses rivaux politiques du Front populaire protestaient également, demandant à ce que les politiciens d’Ennahda soient mis en examen pour l’assassinat d’un de leurs membres en 2013.
Ennahda est considéré comme la branche tunisienne des Frères musulmans, et avait remporté les premières élections post-révolution en 2011. Le Front populaire est quant à lui une alliance électorale de partis de gauche formée en 2012.
Une troisième manifestation a été organisée pour demander la libération de Yassine Ayari, un blogger populaire accusé de diffamation à l’encontre de l’armée et condamné in absentia à trois ans d’emprisonnement en novembre dernier.
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