Nucléaire iranien : Netanyahou vs. Obama
NEW YORK – Alors que les négociations sur le programme nucléaire de l’Iran se poursuivaient mardi en Suisse, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou déclarait au Congrès américain qu’il craignait que la Maison Blanche soit proche de parvenir à un « très mauvais » accord.
Benjamin Netanyahou a déclaré aux parlementaires américains que l’accord, très attendu, du président Barack Obama et d’autres grandes puissances avec Téhéran n’empêcherait pas l’Iran de fabriquer des armes apocalyptiques et de transformer le Moyen-Orient en une « poudrière nucléaire ».
Le dirigeant israélien a certes été acclamé et applaudi lors de son discours de 39 minutes, mais l’absence de pas moins de 59 démocrates lors de la séance conjointe du Congrès prouve que son discours de fermeté sur l’Iran divise encore.
Tandis qu’il parlait, des officiels iraniens, américains et leurs partenaires de négociation étaient réunis dans la ville suisse de Montreux pour élaborer un accord-cadre d’ici la fin du mois de mars sur la réduction des activités nucléaires de l’Iran, l’inspection de ses installations et la levée des sanctions pesant sur son économie chancelante.
Middle East Eye revient sur les principaux arguments relatifs à la façon d’aborder le problème iranien.
Le dirigeant israélien
Benjamin Netanyahou a déclaré que l’Iran est dirigé par des théocrates malfaisants qui arment les terroristes, sont prêts au pire pour dominer la région et construisent des armes nucléaires visant à intimider les pays voisins et menacer les Etats-Unis. L’accord envisagé « ne fait que garantir l’obtention de ces armes par l’Iran », a-t-il affirmé.
Selon lui, certains éléments de l’accord qui sont déjà connus comprennent des concessions majeures en faveur de Téhéran. L’Iran conserverait des installations nucléaires et des milliers de centrifugeuses permettant d’enrichir l’uranium. Le pays serait au seuil de l’armement nucléaire avec une « courte période d’incubation » de moins d’un an.
Fait inquiétant, l’accord « expirera dans une dizaine d’années », laissant alors toute latitude à l’Iran de développer ses programmes atomiques.
« Maintenant, je veux que vous y pensiez. Le principal sponsor du terrorisme mondial pourrait obtenir en peu de temps suffisamment d’uranium enrichi pour constituer un arsenal d’armes nucléaires, et ce, avec une totale légitimité internationale », a-t-il déclaré.
Au lieu de cela, il a réclamé des sanctions pour arracher à l’Iran davantage de concessions et un « meilleur accord » dans lequel le pays abandonnerait ses installations nucléaires et ses « fins d’agression ».
La Maison-Blanche
Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale des Etats-Unis, a exposé la position du gouvernement lors de la réunion d’un groupe de pression pro-israélien lundi, décrivant les plans cherchant à « empêcher l’Iran, de manière vérifiable, de produire assez de matériau fissile » destiné à l’armement.
L’Iran a réduit ses activités d’enrichissement d’uranium pendant les négociations, a-t-elle indiqué. L’accord définitif devrait empêcher l’Iran de produire du plutonium de qualité militaire dans des installations à Arak et d’enrichir de l’uranium dans son centre souterrain de Fordow.
Appeler l’Iran à renoncer à l’intégralité de son programme nucléaire « n’est pas une position de négociation viable », a ajouté Mme Rice. La « période d’incubation » de l’Iran devrait au contraire durer « un an minimum » et l’accord devrait durer « plus de dix ans ».
Mardi, un responsable du gouvernement Obama a déclaré que Benjamin Netanyahou n’avait pas offert d’alternatives au Congrès.
« Se contenter de demander la capitulation totale de l’Iran n’est pas un projet et aucun pays ne nous soutiendrait si nous adoptions une telle position », a fait observer ce responsable depuis la Suisse.
Les Iraniens
L’Iran affirme que son programme nucléaire est destiné à produire de l’électricité et des isotopes médicaux, non des bombes.
La demande d’Obama concernant le gel par Téhéran de ses activités nucléaires sensibles pendant au moins dix ans est « inacceptable » d’après les déclarations du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, mardi en Suisse.
« L’Iran n’acceptera aucune exigence excessive ou illogique », a-t-il ajouté, selon l’agence de presse Fars.
L’économie iranienne souffre de la baisse des prix du pétrole et des sanctions, dont l’Iran souhaite la levée. Les exportations pétrolières ont chuté de près de 60 % depuis 2012, ce qui a coûté au pays plus de 200 milliards de dollars, d’après les Etats-Unis.
Les spécialistes
En marge du Congrès, les analystes ont débattu pour déterminer qui de Netanyahou ou Obama a raison sur l’Iran. Certains ont estimé que le dirigeant israélien était persuasif et que le Congrès devrait rejeter un accord insatisfaisant ; ses détracteurs prétendent qu’il essayait de gagner des voix avant les élections du 17 mars en Israël.
« Netanyahou considère réellement l’Iran comme une menace existentielle, mais cette vision manichéenne de l’Iran vient en grande partie de sa personnalité », a confié à MEE Michael O’Hanlon, un spécialiste des questions de défense à la Brookings Institution. « Son point de vue n’est pas compatible avec les intérêts américains : il fait partie du problème au Moyen-Orient et non de la solution. »
L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), un lobby pro-israélien, a mis en garde contre un accord qui ne démantèlerait pas le programme nucléaire iranien. Le Congrès doit « examiner tout accord, et le rejeter s’il n’est pas correct », indique-t-il dans un communiqué. A l’inverse, Trita Parsi, président du Conseil national américano-iranien, a déclaré que le rejet de l’accord par le Congrès serait une « plus grande erreur de politique étrangère que l’invasion de l’Irak ».
Selon William Galston, ancien conseiller de la Maison-Blanche, Benjamin Netanyahou mène une lutte difficile contre l’opinion publique américaine.
« Les preuves suggèrent que les Américains souhaitent que leurs dirigeants parviennent à un accord avec l’Iran, même si celui-ci permet qu’une certaine infrastructure nucléaire reste en place, qu’ils imposent le plus difficile régime d’inspection possible, et qu’ils punissent sévèrement les violations majeures », précise-t-il à MEE. « Les Américains sont prêts à recourir à la force contre l’Iran, mais seulement si un accord négocié se révèle inadéquat. »
Pour Leslie Gelb, président émérite du Council on Foreign Relations, un accord vaut mieux que la guerre.
« Un accord avec l’Iran nous donne une chance d’arranger les choses. C’est une évidence. Cela ne signifie pas que l’Iran commencera à se comporter décemment ou que les Etats-Unis et l’Iran entretiendront de bonnes relations, nous ne le savons pas encore. Mais au moins, cette porte est ouverte sans augmenter les risques », a-t-il signalé à MEE.
Traduction de l'anglais (original).
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