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Gaz palestinien : la boîte noire

Qu’est-ce qui empêche les Palestiniens de revendiquer les zones maritimes, riches en gaz, qui pourraient leur revenir ? MEE mène l’enquête
Forages de gaz visibles la nuit au large de la côte de Gaza (MEE/Mohammed Asad)

Les Palestiniens pourraient prétendre à 6 600 kilomètres carrés de territoire maritime – cinq fois plus qu’ils n’en contrôlent actuellement, révèle une enquête menée par Middle East Eye.

Cette revendication palestinienne potentielle s’étend sur 200 miles (320 km) en Méditerranée et inclut le bassin du Levant qui, selon les estimations de l’US Energy Information Administration, détient six fois plus de gaz naturel que les réserves actuelles des pays limitrophes.

MEE est en mesure de publier que l’un des gisements, le Mari-B, exploité par des sociétés sous licences d’exploitation israéliennes et épuisé en 2012, pourrait se trouver au beau milieu de l’espace revendiqué par les Palestiniens. Le Mari-B contenait 43 milliards de m3 de gaz naturel, ce qui suffisait aux besoins palestiniens pendant au moins quinze ans.

Au lieu de cela, Noble-Energy, une compagnie basée à Houston (Etats-Unis), et Delek Group, une société israélienne, ont vendu le gaz à la compagnie nationale Israel Electric Company qui, à son tour, a vendu aux Palestiniens 85 % de leur électricité, selon la Banque mondiale.

L’éventualité de cette revendication palestinienne est un sujet tellement sensible que personne, les entreprises pas plus que les gouvernements impliqués, n’est disposé à indiquer les coordonnées GPS des gisements de gaz existants, ni leur volume. Une source bien informée en géologie a indiqué à MEE qu’Israël a bien cartographié la zone, mais qu’une grande partie de ces informations n’a pas été rendue publique.

https://www.youtube.com/watch?v=wLnfNwD3VnU

Etonnamment, les Palestiniens n’ont pas annoncé publiquement leur intention de lancer une action en justice pour revendiquer ce territoire maritime.

Ils se sont plutôt contentés d’acheter du gaz à Israël, au grand dam du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). En mars, un accord est tombé à l’eau entre la société palestinienne de production d’énergie, Power Generation Company (PPGC), et ses partenaires exploitant le plus grand gisement de gaz que possède Israël, le Léviathan. Cet accord aurait permis aux Israéliens de fournir du gaz à la Palestine Power Generation Company (PPGC) pendant vingt ans.

Des organisations de la société civile estiment que les dirigeants palestiniens sont restés très discrets sur leurs transactions et stratégie gazières. Depuis l’annulation de l’accord, les responsables palestiniens n’ont communiqué qu’une seule fois publiquement, pour dire que le gaz qu’Israël aurait pu fournir au titre de l’accord suspendu sera compensé par le gaz du domaine maritime de Gaza Marine.

Découvert en 1999, ce gisement s’étend sur 1 321 km2 de territoire marin au large des côtes de Gaza ; il a été alloué aux Palestiniens par l’Accord Gaza-Jéricho de 1994, avant la découverte du gaz en Méditerranée orientale.

Ce champ reste inexploité parce que l’accès à Gaza Marine est impossible : il se trouve entre 17 et 21 miles (27 et 33 km) au large de la côte, et les forces israéliennes imposent à tout navire de rester à six miles (10 km) des côtes d’Israël, en violation des accords d’Oslo.

Exprimer une revendication

Selon le droit international, estiment les experts, les Palestiniens pourraient revendiquer un territoire maritime cinq fois plus vaste qu’actuellement.

MEE publie une carte dessinée par James Stocker, professeur adjoint en Relations internationales à l’université Trinity de Washington, montrant l’étendue potentielle d’une zone économique exclusive (ZEE) – zone que tous les pays côtiers ont le droit d’explorer afin d’en exploiter les ressources naturelles – qui pourrait revenir aux Palestiniens, sur la base des principes de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

D’après le droit de la mer, les Etats côtiers ont un droit sur 200 miles (320 km) d’eaux territoriales à partir de leurs côtes ou d’une ligne de base tracée au large de ces côtes. Toutefois, en raison de la forme concave de la Méditerranée orientale, il existe un chevauchement territorial de 200 miles (320 km) au large de la côte de chaque pays, ce qui exige de négocier et de trouver un compromis.

James Stocker prend comme point de départ la zone d’activité de Gaza Marine, allouée aux Palestiniens par l’Accord Gaza-Jéricho en 1994, et étend sa limite sud jusqu’à un point convenu entre Chypre et l’Egypte en 2003 (appelé Point 12), puis par Chypre et Israël en 2010 (appelé Point 8a).

James Stocker étend également la limite nord de la zone d’activité à la ligne israélo-chypriote, mais accorde aux Palestiniens 17 % de cette ligne, ce qui est cohérent avec les 17 % de côte israélo-palestinienne qui bordent Gaza.

La carte de J. Stocker n’est que le point de départ de l’éventuelle revendication palestinienne. Il lui faut encore être approuvée bilatéralement par ses voisins et, en l’absence d’accord, par un tribunal international.

« Le fait est que tout cet espace au large d’Israël et de la Palestine n’a pas encore été correctement réparti entre eux », a déclaré J. Stocker. « C’est pourquoi l’on n’en connaît pas les vraies limites. »

En omettant de déposer une réclamation, les Palestiniens risquent de perdre leurs droits sur le territoire qui leur revient légalement et les ressources naturelles qui s’y trouvent, a averti J. Stocker.

« Faute d’exprimer ses revendications sur les limites de ces zones, et donc sur les ressources qui s’y trouvent, on perd ses droits sur l’ensemble. Tant que vous ne revendiquez pas vos droits, d’autres pays peuvent prétendre à ces zones et dire : ‘’Eh bien, comme personne n’avait formulé de revendications, on a considéré qu’elles nous appartenaient’’ », a-t-il expliqué.

La Palestine serait en droit de déposer une revendication immédiate sur ce territoire, en en faisant l’annonce simplement dans les médias, a-t-il dit. Ou encore, en faisant savoir à Israël et à l’Egypte qu’elle revendique cette zone.

Martin Pratt, directeur de recherche à l’unité de recherche sur les limites internationales de l’université de Durham, n’est quant à lui pas convaincu que les Palestiniens aient intérêt à faire une demande de ZEE en bonne et due forme. Certes, dit-il, si les Palestiniens estiment que Mari-B, ou tout autre gisement faisant à leurs yeux partie de leur future ZEE, est exploité, ils doivent faire valoir leur droit.

« Il est important, au minimum, de faire constater ces activités industrielles, en affirmant qu’elles se déroulent dans une zone qui vous revient », a-t-il déclaré.

Mais il précise qu’en vertu du droit international coutumier, tous les Etats peuvent revendiquer 12 miles (19 km) d’eaux territoriales et 200 miles (320 km) de plateau continental. Les Palestiniens vont probablement affirmer, prévoit-il, que puisqu’ils ont droit au statut d’Etat, ces principes devraient s’appliquer aux territoires palestiniens occupés.

« Il n’est pas nécessairement avantageux de faire connaître une revendication quand on sait qu’un différend sera inévitable, d’autant plus avec des voisins difficiles », a ajouté M. Pratt.

« Une fois qu’un élément a été publié, poursuit-il, il est très difficile de revenir à la charge avec une autre revendication, même si un gouvernement nouvellement élu veut déposer une revendication différente ou adopter une façon plus agressive de la défendre. »

Quelle que soit la décision des Palestiniens, leurs voisins sont tenus de respecter les droits potentiels d’un futur Etat palestinien, a expliqué Donald Rothwell, professeur de droit international à l’université nationale australienne de Canberra et expert en droit maritime.

« La meilleure façon de présenter le problème, a-t-il précisé, serait peut-être de dire que les pays voisins ne sont pas autorisés, en vertu du droit international, à s’approprier les ressources de cette zone simplement parce que l’Etat palestinien n’a pas été en mesure de revendiquer dans les règles de l’art une zone économique exclusive. »

Les dessous de l’affaire

Tant qu’elle ne sera pas exploitée, on ne connaîtra pas la quantité exacte de gaz présent sous les eaux d’une potentielle ZEE palestinienne, ni sa valeur. Cependant, en 2010, un rapport incontestable de l’US Geological Survey (USGS) portant sur le bassin oriental de la Méditerranée – où se trouverait la ZEE – a estimé les réserves à au moins 3 455 milliards de m3 de gaz naturel.

Selon l’autorité américaine responsable des donnés énergétiques, les réserves actuelles de gaz naturel en Syrie, Jordanie, Liban, Israël, Chypre et dans les territoires occupés sont de 515 400 milliards de m3, ce qui signifie que les réserves du bassin multiplieraient ce chiffre par six, à un moment où l’on estime que, d’ici quelques années, le gaz représentera 25 % de la consommation mondiale d’énergie.

Lorsque MEE a demandé à Chris Schenk, géologue et rédacteur principal du rapport de l’USGS de 2010 sur le bassin du Levant, combien de gaz pouvait contenir la zone décrite sur la carte de Stocker, il a fermement rappelé que l’USGS n’évalue pas les réserves des eaux territoriales par pays ou entité politique.

« Nous pensons que le bassin recèle d’énormes quantités de gaz. Nous ne pouvons pas en dire plus ; je n’ai pas d’autre commentaire », a-t-il dit.

Chris Schenk a précisé que l’USGS avait établi son évaluation sur la base de toutes les informations disponibles sur le bassin, dont celles fournies par les entreprises et les gouvernements, et qui sont réputées confidentielles et donc inaccessibles au grand public. Les Israéliens, a-t-il cependant observé, sont parmi ceux qui ont publié le plus de données sur ce bassin.

Fuite de gaz

Pendant que les Palestiniens retardent le moment de revendiquer ce qui leur revient, Israël s’apprête à devenir le principal fournisseur de gaz de son voisin, dont une partie pourrait bien provenir du gisement susceptible d’appartenir à la future ZEE palestinienne.

« Cela n’est pas arrivé par hasard, en fait », a déclaré Mika Minio-Paluello, analyste en énergie, à propos du centre de production gazière de Mari-B. Le gouvernement israélien, a-t-il dit, a su que les Palestiniens risqueraient de déposer une revendication et ils ont agi sans délai, sans leur laisser le temps de réagir. Bientôt, il sera trop tard ».

MEE a demandé à Noble et à Delek, les deux entreprises produisant le gaz de Mari-B, ainsi qu’au ministère israélien des Infrastructures, qui délivre les licences aux sociétés pétrolières et gazières, de commenter ces allégations.

Noble n’a pas souhaité s’exprimer ; Delek a dit qu'il n’avait aucun commentaire à faire et a exhorté MEE à contacter le gouvernement israélien. Le ministère des Infrastructures a renvoyé la question au ministère des Affaires étrangères.

MEE a posé plusieurs questions au ministère des Affaires étrangères, y compris s’il avait envisagé la possibilité que Mari-B fasse bientôt partie des eaux territoriales palestiniennes, et sur quels critères il déterminait si les gisements se trouvaient en territoire israélien.

Le porte-parole du ministère, Emmanuel Nashshon, s’est contenté de répondre par courriel : « Les opérations d’Israël sur ces gisements de gaz naturel sont menées en totale conformité avec le droit international. Cela  n’a fait l’objet d’aucune contestation. »

« Nous serions très heureux de coopérer sur la question avec tous nos voisins, y compris les Palestiniens. Malheureusement, certains de ces voisins semblent plus enclins à investir du temps, de l’argent et de l’énergie à répandre la terreur et la violence, plutôt qu’à développer les ressources naturelles de cette région. »

L’Oxford Institute for Energy Studies a rapporté en 2012 qu’Israël avait découvert au moins neuf gisements de gaz depuis 1999, pouvant contenir au moins 1 195 milliards de m3 – soit 34 % des ressources en gaz naturel présentes dans le bassin levantin, d’après l’USGS.

Grâce à ces nouvelles découvertes de gaz naturel, Israël et Chypre sont devenues les puissances énergétiques émergentes de la Méditerranée orientale et, à ce jour, Israël a signé des contrats tant avec l’Egypte que la Jordanie, pour un montant total d’environ 16 milliards de dollars, et avec la bénédiction du département d’Etat américain.

On ne sait pas si le contrat d’1,2 milliard de dollars mis en veilleuse en mars, qui aurait permis à Israël d’approvisionner les Palestiniens en gaz, est encore à l’ordre du jour.

« Pas moyen de savoir ce qui se passe dans les coulisses, c’est ça le gros problème », a déclaré l’expert en énergie Tareq Baconi, qui s’oppose à ces contrats. « Ce sont des tractations secrètes, précisément pour éviter toute répercussion politique ; nous ne savons donc pas nécessairement si ces négociations risquent de progresser, alors même que [la société de production d'électricité] donne l’impression d’y avoir renoncé ».

Silence à Ramallah

A Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne (AP), des questions fondamentales ont été délibérément balayées sous le tapis : quelle est la politique gazière de l’AP ? Qui en est responsable ? Et les fonctionnaires palestiniens ont-ils vraiment tenté de revendiquer une ZEE ?

L’Autorité palestinienne de l’énergie (PEA) et le ministère de l’Economie nationale partagent cette responsabilité : la première parce qu’elle supervise les questions relatives à l’électricité ; ce dernier parce qu’il est responsable des ressources naturelles.

MEE a pendant trois mois sollicité les responsables palestiniens, dont le vice-Premier ministre, Mohammed Mustafa, qui cumulait les fonctions de ministre des Affaires économiques nationales et de président du Fonds d’investissement palestinien (PIF) avant de démissionner le 31 mars, ainsi qu’Omar Kettani, chef de la PEA : aucun n’a souhaité s’exprimer.

Omar Kettani a décliné par courriel et téléphone de répondre aux questions de MEE, prétextant que MEE avait une compréhension erronée du rôle de la PEA.

Cependant, MEE a eu entre les mains le mémo d’une réunion tenue l’an dernier entre Omar Kettani et une ONG palestinienne, la Coalition pour une gouvernance intègre et responsable (The Coalition for Accountability and Integrity, AMAN), durant laquelle Kettani donnait l’impression de parler de la politique palestinienne en toute connaissance de cause.

Il y affirmait que le contrat bi-décennal d’importation de gaz en provenance d’Israël permettrait, à long terme, de réduire la dépendance palestinienne à Israël et n’excluait pas le développement du gisement de Gaza Marine. Il a admis cependant que, puisqu’Israël a le contrôle des pipelines partant de Gaza, ce gisement « n’apporterait aucun avantage » à la Cisjordanie.

Le gaz israélien, a-t-il affirmé à cette occasion, n’est que l’un des nombreux moyens mis en œuvre pour diversifier les sources d’énergie palestiniennes. « Le marché palestinien aura besoin de quantités de gaz supérieures à celle prévue dans cet accord », a conclu Omar Kettani, selon le compte-rendu de la réunion.

Lors d’une conversation téléphonique, Tayseer Amro, ministre-adjoint de l’Economie nationale, a déclaré à MEE qu'il n’avait guère de chances de connaître les détails de la stratégie gazière palestinienne, mais qu’il s’efforcerait de répondre dès que possible aux questions posées dans nos courriels. Nous attendons encore.

La population est tenue à l’écart

Analystes et dirigeants palestiniens de la société civile – dont plusieurs comparent les questions gazières à « une boîte noire » – expriment leur frustration de voir que le public palestinien semble être le dernier au courant du sort des ressources naturelles qui lui appartiennent.

« Très franchement, nous n’avons pas réussi à obtenir d’informations sur la question », a déclaré Omar Shaban, économiste et président de PalThink, un groupe de réflexion basé à Gaza. « J’aimerais bien savoir ce qui se trame dans notre dos ».

Omar Shaban rappelle qu’il en a toujours été ainsi. Lorsqu’en 2013, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, se démenait pour faire signer son plan de paix israélo-palestinien, les Palestiniens n’avaient aucune idée de ce qui était sur le tapis, sauf le cercle intime de l’AP, explique-t-il.

« Pourquoi refusent-ils de nous informer ? Pourquoi s’obstinent-ils à nous tenir à l’écart ? », s’interroge Omar Shaban.

De même, quand en octobre dernier une conférence des donateurs s’est tenue au Caire afin de lever des fonds pour reconstruire Gaza après la guerre de l’été dernier, aucun leader de la société civile palestinienne n’était dans la salle, indique Omar Shaban.

« Je suis tellement déçu, confie-t-il. Ce qui me met hors de moi c’est que nous, les premiers concernés, n’avons pas accès aux informations dont dispose la communauté internationale. »

Firas Jaber, co-fondateur et chercheur à al-Marsad, un think tank spécialisé dans les questions politiques, sociales et économiques basé à Ramallah, affirme avoir essayé à plusieurs reprises d’obtenir du Fonds d’investissement palestinien des informations sur les contrats gaziers.

Les locaux du PIF se trouvent dans l’immeuble faisant face à son propre bureau. Il laisse entendre, en montrant le PIF du doigt, qu’il sait d’habitude bien s’y prendre pour soutirer des informations, mais que dès qu’il est question du gaz, toute son ingéniosité reste vaine.

« Je connais quelqu’un qui y travaille et il m’a dit, ‘’Je pourrais être licencié’’ ; personne ne veut toucher à ce contrat. Il est très sensible et n’importe qui n’y a pas accès. »

Firas Jaber a le sentiment que, si ce contrat sur le gisement de Gaza Marine est top-secret, c’est que les fonctionnaires palestiniens se font graisser la patte pour l’attribution des contrats gaziers.

« La corruption est effarante. C’est ça la raison. On le sait parfaitement mais pas question de se risquer à la dénoncer sans preuves », regrette-t-il. « On en est donc réduit à attendre d’avoir plus d’éléments sur ces investissements énergétiques en Cisjordanie et à Gaza ; on essaie bien de provoquer ces gens pour les faire réagir, mais pas moyen. »

Une économie captive ?

En Méditerranée orientale, Israël est en train de devenir l’un des plus grands exportateurs de gaz, alors que les territoires palestiniens occupés – qui n’ont aucune raffinerie de pétrole ou de gaz ; seulement une centrale électrique à Gaza, et qui a subi des dégâts importants pendant la guerre 2014 – restent dépendants des importations pour satisfaire leurs besoins énergétiques.

La Banque mondiale a estimé en 2012 que 85 % de l'électricité palestinienne est fournie par la compagnie nationale Israeli Electric Company (IEC). Lorsqu’il a annoncé la suspension de l’accord gazier avec les Israéliens, Mohamed Mustafa, alors vice-Premier ministre, a également indiqué que les Palestiniens versent à Israël 2,5 milliards de dollars par an – soit 7 millions par jour – pour régler leurs factures énergétiques.

Le secteur énergétique palestinien est pratiquement à la merci d’Israël, écrit Omar Jabary Salamanca, géographe urbain et chercheur au Groupe de recherche sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, installé en Belgique.

« En l’absence de capacités de production, nous n’avons aucun contrôle sur le coût de l’électricité israélienne, et sommes toujours connectés au réseau électrique national israélien », écrit Salamanque. « Les nouvelles infrastructures régionales électriques [palestiniennes] sont cantonnées à prendre le relais des municipalités dans leur rôle traditionnel d’agents intermédiaires de collecte et de transfert des sommes dues à l’IEC. »

En mars dernier, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a déploré qu’à Gaza, où seulement 46 % des besoins en électricité étaient satisfaits avant la guerre de l’été dernier, les autorités sont désormais réduites à programmer les pannes de courant, qui peuvent durer jusqu’à seize heures par jour.

Des enfants palestiniens lisent à la bougie pendant une panne d’électricité dans le camp de réfugiés d’al-Shati à Gaza, en janvier (AFP)

Le Dr. Maged Abu Ramadan, ancien maire de la ville, a déclaré à MEE qu’à Gaza, les hôpitaux, l’approvisionnement en eau ainsi que son dessalement, et le traitement des eaux usées ne sont que quelques-uns des services publics clés durement touchés par les pannes d’électricité, et que les besoins énergétiques des résidents ne sont plus assurés depuis bien longtemps.

« La solution à nos problèmes énergétiques, il fallait la trouver hier », a plaisanté Abu Ramadan. « Ce n’est plus à prendre ou à laisser : on doit s’y faire ou mourir ».

« Les gens souffrent. Certains vivent dans des tentes. Pas d’électricité. Pas de bois. Les enfants sont tués », s’est indigné Abu Ramadan. « Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’attendre le gaz ou l’électricité. Si l’on survit, ce sera déjà bien ; les négociations, on verra plus tard ».

« Ces gens-là, qui discutent s’il faut ou non accepter le contrat gazier israélo-palestinien, qu’ils viennent vivre seulement trois jours à Gaza, ça devrait les mettre tous d’accord », dit-il.

La nuit, raconte l’ancien maire, on voit une lumière rougeoyante au large de la côte, et ils sont nombreux à croire comme lui qu’il s’agit de la torchère d’un puits de gaz.

« Et ces coupures de courant, on doit les supporter alors qu’au même moment notre gaz brûle au-dessus de la Méditerranée, regrette Omar Shaban, l’économiste basé à Gaza. « Tous les matins et tous les soirs, il se rappelle à notre bon souvenir. On peut voir les lumières et les flammes de notre gaz au loin à l’horizon. C’est surréaliste ».

Mais quels sont les volumes de gaz disponible ? Quels pays vont en bénéficier et qui en est le vrai propriétaire ? Toutes ces questions restent aussi obscures que les ténèbres de la nuit palestinienne.

Traduction de l’anglais (original) par Dominique Macabies.

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