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Le travail des enfants en hausse à Gaza

En raison du siège israélien, beaucoup de familles de Gaza envoient leurs enfants travailler
Un enfant palestinien transporte des denrées d’un étal à l’autre du marché (MEE/Mohammed Asad)

Alors que minuit approche, les petits pieds d’Imad Awadallah sont lourds mais parviennent tout de même à le transporter, lui et son sac, à travers la rue vers une allée sombre. Chaque fois qu’il rencontre quelqu’un, il a le choix : soit vendre ses boites de mouchoirs, soit tenter de récupérer quelques pièces de monnaies, sans quoi il devra attendre pour rentrer chez lui, manger et dormir.

« Je dois travailler pour gagner de d’argent – mon père est malade et ma mère n’a pas de nourriture à nous donner », raconte le garçonnet de 7 ans.

A quelques pâtés de maisons, une voiture s’arrête près du grand frère d’Imad qui tente de gagner un peu d’argent en nettoyant les voitures qui passent entre une boulangerie et un magasin de réparation de pneus.

« Je vais souvent travailler dans cette rue, juste après l’école », nous dit le frère d’Imad, Ibrahim Awadallah.

Il est près de minuit mais la journée n’est pas encore terminée pour les deux enfants. Celle-ci a été longue, mais il reste des boites de mouchoirs à vendre et des voitures à laver, malgré la faim et l’épuisement ressentis par les enfants, qui dorment presque debout.

« Je veux dormir », soupire Imad, mais il sait que ce qu’il a gagné aujourd’hui n’est pas suffisant pour sa famille.

Les conditions de vie extrêmes dans la bande de Gaza ont forcé des milliers d’enfants à travailler. Le travail des mineurs a augmenté malgré l’insistance des familles à ce que leurs enfants aillent à l’école et reçoivent une bonne éducation.

Le Dr. Maher al-Tabaa, un économiste de Gaza, explique : « Le travail des enfants en Palestine est devenu un phénomène dangereux, forçant les enfants à abandonner l’école pour nourrir leurs familles ».

« Gaza a subi huit années de siège économique, de blocus commercial et de fermeture des frontières par Israël, et la pauvreté croissante qui en résulte contraint les enfants à travailler, juste pour pouvoir se procurer les produits de nécessité de base. »

Le nombre d’enfants obligés à travailler en raison du blocus et de la pauvreté est en hausse et affecte non seulement ceux qui ont perdu l’un de leurs parents pendant la guerre mais aussi ceux dont les parents sont au chômage ou atteints de maladies ou de handicaps, et qui ne sont pas en mesure de pourvoir aux besoins de leurs enfants.

« Le plus douloureux pour ces enfants est le sentiment que leurs parents ne peuvent plus leur apporter les nécessitées de base de l’enfance », ajoute Maher al-Tabaa.

Zuhair Marouf, un mécanicien de l’est de la ville de Gaza, déclare que les lois du travail empêchent les enfants de travailler à des postes extrêmement dangereux. Cependant, chaque semaine, des dizaines d’enfants lui demandent du travail.

« Les gens n’ont pas d’autres moyens pour survivre, Gaza est scellée, les parents n’ont pas d’emplois et les employeurs comme moi ne peuvent plus embaucher », observe-t-il.

Plus de 65 000 enfants âgés de 7 à 14 ans travaillent dans les territoires palestiniens occupés, en plus des 102 000 enfants de moins de 18 ans, d’après le bureau des statistiques palestinien. Le labeur infantile commence sur les bas-côtés des routes et des rues affairées et finit dans les usines, impliquant souvent des tâches périlleuses et l’utilisation de machines dangereuses.

Le traumatisme social expérimenté au quotidien par les enfants de Gaza du fait du siège et du blocus militaire d’Israël les oblige à partir chercher un revenu de base et à élaborer de nouvelles méthodes de survie. Les médecins de Gaza affirment que la majorité des enfants de la bande côtière souffrent de divers symptômes de stress post-traumatique – parfois de façon continue puisque le traumatisme n’a pas pris fin, prolongé par la récente guerre, à l’été 2014.

Durant le dernier assaut israélien sur Gaza – qui a duré cinquante jours – 547 enfants palestiniens ont perdu la vie, 535 d’entre eux tués directement dans les attaques israéliennes, selon un nouveau rapport publié par Defence for Children International Palestine. Environ 68 % des enfants tués par les forces israéliennes étaient âgés de moins de 13 ans.

Mohammed Abed, de Gaza, indique que c’est devenu la « norme » pour les gens d’envoyer leurs enfants « mendier de façon civilisée » dans les rues.

« Les gens ont leur dignité et n’aiment pas mendier, mais les conditions de vie les obligent à envoyer leurs enfants dans la rue pour vendre des choses simples et gagner un revenu de base. »

Un enfant vend des biscuits sur un trottoir (MEE/Mohammed Asad)

Le revers de la médaille peut être observé chaque jour de la semaine, tôt le matin, quand les enfants palestiniens soigneusement vêtus de leurs uniformes d’écoliers se rendent fièrement dans les écoles gouvernementales ou celles dirigées par l’ONU. Pendant des années, l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine, a joué un rôle important pour tenter de protéger l’accès à l’éducation des enfants issus de familles de réfugiés à Gaza — les experts en éducation à Gaza font d’ailleurs l’éloge de la qualité de l’éducation fournie par l’UNRWA.

De longues heures de labeur pour de maigres salaires

Zuhair Marouf affirme refuser d’employer des mineurs mais indique que d’autres continuent d’embaucher des enfants.

« Je connais des gens qui offrent 30 nouveaux shekels israéliens par semaine, et les font travailler de 7 h du matin à 8 du soir », affirme-t-il.

Il sait que ceci va à l’encontre de la législation sur le travail – mais parfois les employeurs font travailler les enfants pendant de longues heures sans être inquiétés par les autorités locales.

« Faire travailler des enfants et les payer de maigres salaires sont deux actions illégales selon la loi palestinienne », précise Zuhair Marouf, « mais lorsque le gouvernement ne peut pas aider les familles, les gens n’ont pas d’autre option ».

Des enfants préparent des sacs de feuilles de menthe pour la vente (MEE/Mohammed Asad)

Marouf indique que quand un employeur a souscrit à une assurance, tous les adultes sont couverts mais pas les enfants, qui ne disposent pas de dispositifs de protection au cas où quelque chose tourne mal.

Mahmoud al-Seqqali, 12 ans, est l’un de ces enfants qui n’a pas d’assurance. Parfois, il gagne 10 shekels par jour. « Je travaille car je dois manger et m’habiller », explique-t-il.

Une partie de son travail consiste à réparer des moteurs et à retirer les équipements des voitures. Il fait cela depuis qu’il a 8 ans, et il pense que c’est la seule manière de gagner sa vie. Contrairement à de nombreux autres enfants, il n’a pas réussi à trouver un équilibre entre ses besoins éducatifs et financiers, et sa seule option a été de travailler dans un garage.   

« Si j’avais la chance de rester à la maison, je ne ferais pas ça. Mais j’ai dû commencer à travailler tôt », ajoute-t-il, son petit visage dépassant à peine d’une voiture en panne.

Mahmoud al-Seqqali au travail dans un garage de la ville de Gaza (MEE/Mohammed Asad)

En attendant, selon al-Tabaa, il n’y a que très peu de possibilités pour lutter contre le travail des enfants en Palestine. Afin de fonctionner pleinement et d’imposer de nouvelles lois prohibant le travail des mineurs, le gouvernement de consensus doit pouvoir œuvrer sur le terrain.

Cela dit, constate-t-il, « les enfants et leurs familles doivent avoir la possibilité de gagner un revenu et, pour cela, le blocus de Gaza doit cesser complètement et les gens doivent bénéficier de leur liberté de mouvement ».

En moyenne, un enfant de 12 ans comme Mahmoud al-Seqqali a connu trois guerres majeures à Gaza.

Beaucoup d’enfants n’ont plus de maisons, ont été déplacés par les guerres, et sont logés dans des abris publics qu’ils ne considèrent pas comme des foyers sûrs et pérennes – ce qui les oblige à partir travailler.

Selon l’UNICEF, plus de 96 000 maisons de réfugiés palestiniens ont été sérieusement endommagées ou totalement détruites pendant le conflit de l’été dernier, et les enfants continuent de souffrir de l’impact de ces déplacements.

Al-Tabaa explique que pour mettre fin à ce phénomène, les enfants doivent se sentir en sécurité au sein du logis familial. Or, en raison du manque sévère de matériel de construction, la nouvelle génération des enfants de Gaza pourrait bien avoir à rejoindre le marché du travail pour accéder à un quelconque niveau de sécurité humaine.


Traduction de l’anglais (original).

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