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Les élections britanniques feront-elles une différence pour la Palestine ?

Les deux principaux partis du Royaume-Uni refusent de tenir compte des appels à une action énergique contre l'apartheid israélien

Le soutien à Israël est solidement implanté dans l’élite dirigeante britannique.

Les deux partis en lice pour former - ou de façon plus réaliste, pour dominer - le prochain gouvernement portent une responsabilité dans la souffrance infligée aux Palestiniens. En 1917, le conservateur Arthur James Balfour, à l’époque ministre des Affaires étrangères, avait pris l’engagement formel de permettre aux colonisateurs sionistes d’obtenir des avantages plus grands que la population indigène de la Palestine. Et en 1944, la conférence du Parti travailliste donna sa bénédiction au déplacement forcé de 750 000 Palestiniens, qui advint quatre ans plus tard, en approuvant une déclaration officielle stipulant : « que les Arabes soient encouragés à partir tandis que les juifs s’installeront ».

David Cameron a montré qu’il était un gardien fidèle de l’héritage toxique de Balfour. S’adressant à la Knesset en 2014, il s’était vanté de la façon dont il avait protégé les criminels de guerre israéliens en vidant de sa substance une loi portant sur la « compétence universelle » qui les aurait exposés à une possible arrestation s’ils se rendaient au Royaume-Uni.

A de nombreuses occasions, Cameron a fait mention de son dévouement envers Israël, essayant ainsi de marquer des points contre ses rivaux. « Contrairement au Parti travailliste, notre parti s’oppose aux boycotts », avait-il déclaré en décembre dernier lors de l’annuel « déjeuner d’affaires » organisé par le groupe des Amis conservateurs d'Israël.

L’idée que le Parti travailliste aurait été pris en otage par des militants d'extrême gauche solidaires de la Palestine est probablement assez répandue parmi les piliers du Parti conservateur. Pourtant, cela est largement inexact. David Cameron et Ed Miliband ont adopté des positions quasi identiques vis-à-vis d’Israël.

Certes, les deux hommes ont parfois critiqué Israël. Cameron a ainsi décrit Gaza comme un « camp de prisonniers ». Et peu de temps après être devenu le leader du Parti travailliste, Ed Miliband a déclaré : « [le siège de Gaza] doit être levé et nous devons concentrer tous nos efforts pour que cela se produise ».

Mais Miliband a rapidement fait défection. Au lieu de chercher à mettre fin au blocus, il a caressé dans le sens du poil l'Etat qui précisément l'impose. Une « priorité majeure » pour un gouvernement travailliste serait de « collaborer davantage » avec la « puissance économique » d'Israël, a-t-il promis.

Contrairement à ce que Cameron a prétendu, le Parti travailliste a refusé de tenir compte des appels palestiniens en faveur d’une action énergique contre Israël. Ed Balls, le chancelier de l'Echiquier du cabinet fantôme, a annoncé : « Nous refusons d’être associés aux menaces de boycott ».

Le vote travailliste en faveur de la reconnaissance d'un lambeau de la Palestine historique pour faire office d’Etat palestinien a constitué une réponse dérisoire aux massacres qu’Israël a commis à Gaza l'été dernier.

Israël avait déjà attaqué Gaza en novembre 2012. Moins d'un an plus tard, Jim Murphy, un dirigeant travailliste, avait visité le Moyen-Orient afin de discuter de la façon dont la coopération militaire de la Grande-Bretagne avec Israël pouvait être approfondie.

La plupart, sinon la totalité des travaillistes de premier plan ont cédé aux caprices du lobby sioniste. Prendre part aux activités organisées par les Amis travaillistes d'Israël (LFI) semble être devenu le passage obligé pour les élus les plus ambitieux du parti. Comme le livre Blair Inc. l’explique, il existe un enchevêtrement important entre le LFI et les efforts entrepris pour affaiblir les liens entre le Parti travailliste et les syndicats. Les militants du LFI ont joué un rôle important au sein du groupe de pression The Progress, consacré au maintien du Parti travailliste dans les voies blairistes.

Bien que Tony Blair puisse être considéré par la base du parti comme un fardeau, ses paroles ont été citées avec assentiment par Douglas Alexander, chargé des questions internationales pour le Parti travailliste, lors des rassemblements du LFI. Cette révérence à un homme profusément vilipendé par le Britannique de base (et à travers le monde) contredit la volonté d’Ed Miliband de créer un parti ayant appris des « erreurs » de Blair - comme si l'invasion illégale de l'Irak n’avait été rien d’autre qu’une erreur stratégique.

La seule preuve de cette volonté qu’Ed Miliband puisse apporter est qu'il a aidé à empêcher une offensive planifiée contre la Syrie. Or ce même Ed Miliband a soutenu la guerre de l'OTAN contre la Libye en 2011. Cette attaque a été motivée par le désir de garder les ressources du Moyen-Orient et de l’Afrique sous le contrôle occidental. Comme on pouvait s'y attendre, ses conséquences se sont avérées désastreuses pour les Libyens et les pays voisins.

En tant qu’Irlandais, je n’ai aucune intention de conseiller mes amis britanniques sur la façon dont ils doivent voter la semaine prochaine. Je cherche plutôt à mettre en évidence comment une mentalité impérialiste imprègne encore l'establishment britannique. Il faudra beaucoup plus qu’une élection pour changer cet état d'esprit.

La présence du Parti national écossais (SNP) dans une coalition gouvernementale pourrait être symboliquement importante, mais on ne sait pas encore quelle différence cela fera. Le ministre des Affaires étrangères de l'Ecosse a appelé l'année dernière à un embargo sur les armes à l’encontre d’Israël. Mais le SNP agira-t-il vraiment afin d’empêcher que le géant de l’armement Raytheon fabrique les composants de la « bombe intelligente » dans son usine de Fife ? Serait-il prêt à placer l'éthique avant les investissements ?

Le soutien de la Grande-Bretagne aux crimes israéliens est sans doute devenu encore plus indéfectible au cours des dernières décennies. Margaret Thatcher avait condamné les massacres de réfugiés palestiniens au Liban en 1982 par les hommes de main d'Israël comme étant un « acte de pure barbarie ». Plus de 2 200 personnes ont été assassinées par Israël dans la bande de Gaza l'été dernier, dont au moins 547 enfants. Or, dans une interview parue dans le dernier numéro du Jewish Chronicle, David Cameron a tenté de transformer ce massacre en un acte de légitime défense.

L'annulation récente par l'université de Southampton d'une conférence critique envers Israël est symptomatique des tentatives visant à calomnier les militants solidaires avec la cause palestinienne. Michael Gove, le chef du groupe de la majorité gouvernementale, a accusé le mouvement palestinien Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre Israël d'être un « retour du virus pernicieux de l'antisémitisme ».

Si Gove avait pris la peine de faire quelques recherches, il aurait vu que le mouvement BDS rejette toutes les formes de discrimination raciale et religieuse. Voilà ce qui le rend différent de l'Etat d'Israël, qui demeure profondément attaché à l’idée que certains êtres humains ont plus de valeurs que d'autres.

Le sionisme, l'idéologie sur laquelle Israël a été bâti, a été fortement influencé par le colonialisme britannique. Max Nordau, l’un des fondateurs de l'Organisation sioniste mondiale, a ainsi déclaré : « Nous nous efforcerons de faire au Proche-Orient ce que les Anglais ont fait en Inde. Notre intention est de venir en Palestine en tant que représentants de la culture et de déplacer vers l’Euphrate les frontières morales de l’Europe ».

Pourquoi l'establishment britannique dénonce-t-il les militants solidaires avec la Palestine en des termes aussi acerbes ? L’une des explications pourrait être que nombre de ces militants nient les mythes que les responsables politiques du pays souhaitent propager.

Utilisées intelligemment, les stratégies du mouvement BDS peuvent être un outil puissant pour sensibiliser sur la façon dont l'Occident soutient le régime d'apartheid israélien. La Grande-Bretagne ayant joué un rôle dans la création de ce régime, personne ne devrait s’étonner du fait que son élite souhaite cacher la vérité.
 

- David Cronin est un journaliste et activiste vivant à Bruxelles. Il est l'auteur de l’ouvrage Europe-Israël : une alliance contre nature (Pluto, 2011). Son livre le plus récent s’intitule How Big Business Sets Policies on Food, Climate and War (Pluton, 2013).

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : le Premier ministre britannique David Cameron (Wikimedia Commons).

Traduction de l’anglais (original) par Hassina Mechaï.

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