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Israël, l’Iran et l'industrie de l'armement américain

L’industrie d’armement américaine est l’un des principaux bénéficiaires de l’aide militaire à Israël, et dépense encore plus en lobbying politique que l’AIPAC

L'obsession du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, de la « menace nucléaire » de l'Iran est non seulement hypocrite, compte tenu que l'Iran ne serait pas le premier pays à introduire des armes nucléaires au Moyen-Orient, mais découle également en grande partie des besoins de politique intérieure de Netanyahou.

Ayant échoué à fournir une aide économique à la population israélienne, Netanyahou poursuit une politique de peur, menaçant le peuple israélien de devoir choisir entre « la qualité de vie » ou « la vie elle-même ».

C’est la raison de sa stratégie au Congrès américain, où Netanyahou a prononcé son discours controversé mettant en garde contre un accord des Etats-Unis avec l'Iran. L'Iran s’est révélé un bouc émissaire utile pour Netanyahou, qui avait déjà averti en 1992 que l'Iran aurait une arme nucléaire d’ici trois à cinq ans, et a caché le « danger imminent » depuis 23 ans.

Les médias ont couvert la dégradation des relations entre les Etats-Unis et Israël, mais l'aide militaire américaine à Israël n'a pas été réduite. En fait, le président Obama est venu avec un paquet de 1,9 milliards de dollars pour les armes, afin de lisser ostensiblement les plumes ébouriffées d'Israël. Il comprendrait 14 500 kits ordinaires de munitions d'attaque directe (mise à niveau des bombes existantes), 4 150 différents types de bombes antibunker, des centaines de systèmes laser de guidage pour bombes antibunker, 3 000 missiles Hellfire, 250 AIM-120C missiles de milieu de gamme, et plus.L'aide militaire américaine à Israël

L’aide militaire américaine à Israël a commencé en 1949, mais a considérablement augmenté en 1973. Depuis cette année-là, elle a atteint une moyenne d'environ 3 milliards de dollars par an. Aucun autre pays au monde ne reçoit plus d'aide militaire, des Etats-Unis ou de quelqu'un d'autre. Elle a commencé avec deux tiers d’aide militaire et un tiers d'aide civile, et aujourd'hui elle est presque entièrement militaire.

L'aide, cependant, fait très peu pour les citoyens israéliens. Elle fonctionne comme un coupon, et le gouvernement israélien doit en utiliser la plus grande partie pour acheter des armes auprès des fabricants d'armes américains. Par conséquent, l’aide fonctionne comme une subvention aux entreprises d'armes américaines, tout en contribuant peu à l'économie israélienne.

Cependant elle renforce l'armée israélienne. Les militaires israéliens lourdement armés ont utilisé des armes américaines contre les Palestiniens, les Libanais, les Egyptiens, les Syriens, les Irakiens, les Soudanais et d’autres, pour démontrer la létalité des armes et promouvoir leur vente dans le monde.

AIPAC ou Lockheed Martin ?

Si on ne comprend pas le rôle de l'industrie de l'armement, l'engagement des Etats-Unis pour soutenir Israël politiquement et militairement semble déraisonnable, et a tendance à cultiver des théories du complot sur les forces pro-israéliennes qui tirent les ficelles de l'administration américaine dans les coulisses, et même des conspirations antisémites sur la domination du monde par les juifs.

Considérer les intérêts de l'industrie de l'armement dans l'équation offre une analyse beaucoup plus claire. Le tableau suivant est fondé sur les données du lobby Opensecrets.org en 2014. Il démontre combien de dollars ont été dépensés pour le lobbying aux Etats-Unis par diverses sociétés américaines et internationales pour les armes, ainsi que par le lobby du Comité américain pour les affaires publiques israéliennes (AIPAC), qui est le plus grand organisme de lobbying public pro-israélien aux Etats-Unis.

Infographie de Mona Abdallah

Il n’est pas difficile de voir que chacun des cinq plus grandes compagnies d'armes dépensent entre trois et cinq fois plus pour le lobbying aux Etats-Unis qu’AIPAC. Peut-être que l'argent n’achète pas l’influence selon un ratio direct par dollar dépensé, mais il est raisonnable de supposer que plus de 79 millions de dollars dépensés par l'industrie de l'armement ont acheté beaucoup plus d'influence en 2014 que les 3 millions de dollars de l'AIPAC. Mais l’AIPAC a un avantage.

C’est un corps politique légitime aux Etats-Unis, avec lequel des congressistes, des sénateurs et des candidats à la présidentielle n’ont pas honte d'être vus. Barack Obama est apparu devant AIPAC, promettant le soutien indéfectible des Etats-Unis à Israël, mais ce soutien unilatéral pour une puissance occupante au Moyen-Orient assure un conflit constant, et une demande constante pour l’armement américain. En cultivant les intérêts du lobby pro-israélien, Barack Obama consent effectivement aux exigences du lobby des armes.

L'aide militaire américaine à Israël verse 3 milliards de dollars dans l'industrie d'armement américaine chaque année, et en plus de cela, le gouvernement israélien importe pour des milliards de plus dans des armements américains. L'exemple récent le plus frappant est l’avion de combat furtif F-35, produit par Lockheed Martin. Le développement de l'avion est en retard et en proie à des problèmes mécaniques.

En y rajoutant son prix exorbitant, nombre de ses clients potentiels en Europe sont sceptiques quant à dépenser plus de 100 millions de dollars par avion, avant de connaître son efficacité. Israël va acheter quatorze avions pour commencer, non financés par l'aide militaire américaine. Les contribuables israéliens paient eux-mêmes le montant total. Après l’achat des avions par Israël, les chances augmentent que d'autres pays soient intéressés.

L’Iran et les bombes antibunkers

Le soutien américain à Israël a un effet paradoxal sur Israël. Les Israéliens acceptent de soutenir des gouvernements belligérants et des attaques répétées de l'armée israélienne parce que son insécurité a été alimentée pendant des générations. La peur apaise les scrupules concernant un autre bombardement de Gaza. Cependant, ces bombardements assurent un plus grand soutien américain à Israël, parce que les attaques promeuvent les ventes du secteur de l'armement américain.

Trop de soutien des Etats-Unis apaise les craintes de l'opinion publique israélienne, et, sans cette peur, les Israéliens pourraient chercher à élire un gouvernement qui mettrait l'accent sur leurs besoins économiques plutôt que sur la sécurité. Netanyahou maintient donc judicieusement l’idée que les relations américano-israéliennes sont en crise.

De récents changements dans les conditions géostratégiques au Moyen-Orient ont soudainement changé le rôle de l'Iran aux yeux des décideurs américains. L'émergence de Daech, entre autres choses, crée un moment opportun pour les Etats-Unis pour signer un accord avec l'Iran. Cependant, cet accord rend l'attaque contre l'Iran par Israël ou par les Etats-Unis peu probable.

Une attaque a déjà été prévue sur les installations nucléaires et de recherche iraniennes, beaucoup d'entre elles sont bien gardées et protégées par du béton. L'entente irano-américaine a rayé d'un trait de plume la valeur des bombes antibunker, qui ont été développées pour permettre une telle attaque.

Netanyahou dénonce l'accord pour des raisons évidentes. Il avait besoin d'un ennemi pour gagner les élections israéliennes, et il a besoin d'avoir une raison d'attaquer personnellement Barack Obama, pour plaire à ses bailleurs de fonds républicains aux Etats-Unis. La décision d'Obama d’apaiser Israël avec un paquet d'armes est tout aussi peu surprenante.

Le paquet renforce les relations américano-israéliennes, et nous rappelle que ces relations sont basées sur les armes. Les bombes antibunker que les américains ont envoyé à Israël ont perdu beaucoup de leur valeur monétaire, car une attaque contre l'Iran deviendra peu probable, mais le paquet sera comptabilisé dans les livres comme une subvention de 1,9 milliards de dollars. Il est plus probable maintenant que ces bombes soient utilisées pour bombarder des zones résidentielles dans la bande de Gaza, plutôt que des bunkers lourdement fortifiés en Iran.


- Shir Hever est étudiant en master à l'université libre de Berlin, et économiste avec le Alternative Information Centre.

Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : Le Président américain Barack Obama et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou en discussion lors de réunions dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington DC en 2012 (AFP).
 

Traduction de l’anglais (original) par Emmanuelle Boulangé.

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