Négocier plutôt que bombarder Daech, dit un haut-commissaire de l'ONU
NEW YORK – Le groupe autoproclamé Etat islamique (Daech) ne pourra être battu seulement grâce à des bombes, et seules des négociations peuvent apporter la stabilité en Syrie et en Irak, a déclaré à Middle East Eye le prince Zeid Ra’ad al-Hussein, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.
Zeid Ra’ad al-Hussein, membre de la famille royale jordanienne, s’est exprimé lundi tandis que le groupe militant sunnite consolidait ses conquêtes militaires dans la ville irakienne de Ramadi ainsi qu’à Palmyre, en Syrie, et que les dirigeants des premières puissances économiques mondiales débattaient en Allemagne de tactiques anti-Daech lors de réunions dudit groupe des sept, ou G7.
Selon M. Zeid, les manœuvres militaires soutenues par les Etats-Unis n’ont pas permis d’endiguer la croissance de Daech depuis ses origines en Irak au cours de la dernière décennie, et, pour vaincre la menace, il faudra des conférences de paix comme celles qui s’étaient tenues avec les talibans d’Afghanistan et les paramilitaires d’Amérique centrale.
« En 2004-2005, le mentor d’Abou Bakr al-Baghdadi, le dirigeant de Daech [l’acronyme pour Etat islamique en arabe], Abou Moussab al-Zarqaoui, combattait en Irak. Il y avait des décapitations, des victimes en combinaison orange, et nous avions d’innombrables réunions au Conseil de sécurité des Nations unies au sujet de leurs actions ; de plus, nous avions fait un investissement presque sans précédent en termes d’argent et de force de frappe militaire », a déclaré Zeid Ra’ad al-Hussein à MEE.
« Le groupe est toujours là, plus puissant qu’il ne l’a jamais été il y a huit ans. Il est donc clair que l’algorithme des bombardements n’est pas une solution efficace. Cela nécessite une réponse bien plus sophistiquée et qui permettra de s’assurer que l’Etat ne pourra pas faire l’impasse sur ses propres obligations en matière de droits de l’homme. »
Les Etats-Unis sont à la tête d’une coalition composée principalement d’Etats occidentaux et arabes contre Daech, qui a lancé son assaut de blitzkrieg au nord de l’Irak voilà un an cette semaine. Dimanche, la Grande-Bretagne a annoncé des plans pour augmenter à environ 900 personnes les troupes du Royaume-Uni présentes en Irak.
Alors que les Etats-Unis affirment que la combinaison d’une force aérienne étrangère et de troupes au sol locales vaincra les extrémistes de la construction califale, des analystes posent la question de la suffisance des effectifs ou de volonté politique pour soutenir la force d’action multinationale.
La coalition comprend des nations arabes à majorité sunnite, à l’instar de la Jordanie, où l’opinion publique s’est raidie contre Daech après que le groupe ait brûlé vif le pilote jordanien Mouath al-Kassaesbah à l’intérieur d’une cage, suite à sa capture en Syrie en décembre.
Selon M. Zeid, ancien ambassadeur de la Jordanie à Washington, un enseignement sur la manière de s’attaquer à Daech est à retirer du conflit avec les talibans, où les négociations avaient laissé place à des changements de comportement du groupe sur le champ de bataille.
« Il y a dix ans, les talibans s’étaient mis à adopter de plus en plus l’idéologie takfiriste, et, il y a dix ans, personne ne voulait parlementer avec eux », a déclaré M. Zeid à MEE lors d’un événement à New York, en faisant référence à une croyance répandue parmi les extrémistes religieux qui justifierait le meurtre des apostats.
« Mais cela a changé. Il est intéressant de noter que les talibans ont maintenant interdit l’usage de certaines armes, ils reconnaissent qu’il y a un certain niveau de souffrance humaine qui n’est pas supportable. Alors qui sait où nous en serons dans dix ans. »
Vaincre Daech fera écho à des exemples historiques de groupes paramilitaires que l’on a amenés à la table des négociations, et aux accords politiques qui en ont résulté dans la zone perturbée de l’Amérique centrale, a ajouté Zeid Ra’ad al-Hussein.
« Le seul cadre par lequel [les médiateurs] on pu pousser à des discussions politiques au Guatemala, au Salvador et au Nicaragua était celui des droits de l’homme. Tous ont pu convenir qu’il y avait certaines limites que l’on ne pouvait franchir en termes de cruauté humaine », a-t-il déclaré à MEE.
« Et s’ils ont pu tomber d’accord sur le fait qu’il y a un cadre normatif des droits de l’homme qu’il est de notre devoir à tous de faire respecter, alors c’était le point de départ de la discussion politique qui s’est ensuivie. »
Traduction de l'anglais (original) par Mathieu Vigouroux.
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