Les adversaires de l'accord entre l'Iran et les États-Unis restent sur leurs positions, mais ne sont pas nombreux
New York - Les partisans américains de la ligne dure, qui ont longtemps argumenté contre la négociation avec l'Iran, sont restés sur leurs positions après l’annonce mardi de l’accord sur le nucléaire, mais il semblait peu probable qu'ils pourraient faire échouer la ratification de l’une des réalisations phare de la politique étrangère du président Barack Obama.
Presque aussitôt l'accord annoncé à Vienne, dans lequel des sanctions imposées par les États-Unis, l’Union européenne et les Nations unies seront levées en échange de l’acceptation de l'Iran de restrictions à long terme sur son programme nucléaire, les conservateurs américains soulevaient déjà des objections.
« Ce n’est pas seulement un accord sur le nucléaire pour l'Iran. C’est une bonne affaire pour relancer son idéologie de mort, stabiliser le régime, financer le terrorisme et dominer la région tout en préservant sa capacité d'armes nucléaires », a dit Ryan Mauro, analyste de la sécurité de droite à Middle East Eye.
« Si j’étais un stratège iranien cherchant le chemin le plus efficace vers l'obtention d'une arme nucléaire et la domination régionale, je recommanderais un accord de ce genre. Il ne parvient pas à désarmer l'Iran, permet à Téhéran de garder sa capacité d'armement nucléaire et efface la capacité de Washington à mettre en œuvre des sanctions efficaces ».
Les principaux membres du parti républicain étaient tout aussi prompts à dénoncer l'accord. Mike Huckabee, ancien gouverneur de l'Arkansas ayant des ambitions sur la Maison Blanche en 2016, a fustigé l'équipe d'Obama d’avoir « accepté un accord qui autorise un régime iranien malfaisant de mettre à exécution sa menace de ‘rayer Israël de la carte’ ».
Bob Corker, le président républicain de la commission des relations étrangères au Sénat, a exposé son « profond scepticisme » sur l'accord et a accusé Obama de franchir « ligne rouge après ligne rouge » avec des concessions aux négociateurs iraniens.« Dans les prochains jours, le Congrès devra examiner cet accord et dire si sa mise en œuvre vaut la peine de démanteler notre régime de sanctions laborieusement construit pendant plus d'une décennie », a déclaré Corker.
Le Congrès dispose de soixante jours pour examiner l'accord, s’il le rejette, Obama peut utiliser son droit de veto. Mardi, le président a confirmé qu'il « mettrait son veto à toute législation qui empêcherait la mise en œuvre réussie de cet accord ».
« Nous ne devons pas accepter une spirale inévitable du conflit. Et nous ne devrions certainement pas le chercher », a déclaré Barack Obama dans un discours télévisé. « Et précisément parce que les enjeux sont si élevés, ce n’est pas le temps de la politique ou des gesticulations. Le discours musclé de Washington ne résout pas les problèmes ».
Les deux tiers des députés sont requis pour passer outre à un veto présidentiel, ce qui signifie que certains des membres démocrates d'Obama devraient se rebeller contre la ratification du Président afin de torpiller l'accord.
« La suite ne sera pas facile pour les États-Unis et l'Iran », a déclaré Suzanne DiMaggio, une anciennes fonctionnaire des Nations unies. « L'accord sera scruté à la fois par les opposants et par les partisans de l'engagement des États-Unis avec l'Iran. Le processus d'examen du Congrès devrait être particulièrement difficile ».
Alors que les républicains peuvent examiner l'affaire et soulever des objections au Congrès, s’opposer au veto impliquerait l’élaboration d’une législation sapant spécifiquement l'accord qui devrait alors passer à la fois à la Chambre des représentants et au Sénat à l'épreuve de la majorité des deux tiers.
Aaron David Miller, ancien conseiller du département d'État, a déclaré qu'il s’attendait à ce qu’Israël et l'Arabie saoudite - alliés de longue date des États-Unis au Moyen-Orient qui argumentent avec véhémence contre les négociations avec Téhéran – usent de leur influence au Congrès pour faire capoter l'accord.
« Il faudra plusieurs mois pour déterminer si cet accord va fonctionner. Il fait face à des obstacles au Congrès, où il doit obtenir l'approbation, et fait face à l'obstruction des républicains», explique Miller, expert du Moyen-Orient au groupe de réflexion Wilson Center à MEE.
« Les Saoudiens et les Israéliens vont essayer de persuader les démocrates du Congrès que c’est un accord fondamentalement vicié. Je n’exclus pas l'idée d’une cyberguerre des Israéliens et d’opérations spéciales contre l'Iran ».
Mais l'accord a aussi des partisans, et Obama est soutenu par l’opinion d'un public las de la guerre. En mars, le Pew Research Center, un institut de sondages, a révélé que plus d'Américains approuvent (49 %) que désapprouvent (40 %) que les États-Unis négocient avec l'Iran sur son programme nucléaire.
De même, il y a aussi beaucoup d'Américains qui acceptent l'argument d'Obama selon lequel les États-Unis ont dû faire des compromis afin de parvenir à un accord qui arrête le projet d'armes nucléaires présumé de l'Iran, obtienne le ralliement d'autres pays et évite des frappes militaires.
« Il y a deux ans, la diplomatie était à l'arrêt et la guerre semblait inévitable. Les négociations étaient bloquées et la voie diplomatique a manqué de soutien. Aujourd'hui, la diplomatie a triomphé et la guerre est écartée », a déclaré Trita Parsi, président du National Iranian American Council à MEE.
« Avec un accord sur le nucléaire entre les mains, nous avons eu raison d’exhorter les États-Unis et l'Iran à donner une chance à la diplomatie. La paix était possible, à condition que les bonnes politiques soient adoptées et soutenues avec une volonté politique suffisante. »
Hillary Clinton, ancienne secrétaire d'État d'Obama et favorite pour l'investiture démocrate dans la course présidentielle de l'année prochaine, a décrit une « étape importante qui met un plafond aux programmes nucléaires de l'Iran ».
« Cela va nous permettre de tourner alors notre attention sur ce que nous pouvons faire avec nos autres partenaires dans la région, et d’aller au-delà de prévenir et de contenir d'autres mauvaises actions de l'Iran », a-t-elle dit.
Les réactions américaines mitigées à l'accord faisaient écho aux réactions à l'échelle mondiale, une grande partie du monde tombant dans l'un des deux camps. L'UE l’a qualifié de « signe d'espoir pour le monde entier », tandis qu'Israël, ayant peur depuis longtemps des ambitions régionales de l'Iran, le considère comme une « capitulation historique ».
Pour Obama, cet accord représente une victoire politique, comparable à la normalisation des relations américaines avec Cuba en tant que symbole d’ouverture vers d'anciens ennemis et de lutte contre l’héritage de relations ayant envenimé la politique mondiale pendant des décennies.
Obama le premier tendit la main aux Iraniens dans son discours au Caire en 2009, quelques semaines seulement après son élection, leur offrant un « nouveau départ » et dans lequel il a affirmé le droit de l'Iran à l'utilisation pacifique de la technologie nucléaire, insistant pour que les deux pays ne soient pas « encore pris dans le piège du passé ».
Pour le président iranien Hassan Rouhani, l'accord représente l'aboutissement d'un marathon diplomatique épuisant qui a commencé dans le secret, après que le politicien pragmatiste ait été élu il y a deux ans pour mettre fin à l'isolement diplomatique du pays et aux difficultés économiques.
Alors que les principales négociations se passaient entre les États-Unis et l'Iran, les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine, la Grande-Bretagne, la France et la Russie, ont également participé à l'accord, tout comme l'Allemagne. Dans l'ensemble, les négociations ont duré plus d'une décennie.
Le dernier tour des pourparlers à Vienne a entrainé près de trois semaines de dépassement de délais et d'intenses négociations entre le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif avant que l'accord final de 159 pages ait été atteint à Vienne, la capitale autrichienne.
C’était quelque chose qui était impensable jusqu'à récemment pour les deux pays, ennemis depuis la révolution islamique de 1979 et le siège de l'ambassade américaine à Téhéran, et les politiciens des deux bords se lançant des insultes telles que « le grand satan » et « l'axe du mal ».
Alors que le texte de l'accord est détaillé, Hussein Ibish, un académique de l'institut des États arabes du Golfe à Washington, reste préoccupé par le fait que les États-Unis et l'Iran pourraient encore polémiquer pour savoir si l'autre partie est à la hauteur de ses promesses sur la levée des sanctions et le libre travail des inspecteurs nucléaires.
« Un accord ne restructurera pas l'équation stratégique. Plutôt que d'entrer dans une nouvelle ère d'harmonie et de coopération entre Téhéran et ses alliés et Washington et le reste de l'Occident, un accord pourrait céder rapidement la place à un échange sans fin et de plus en plus amer d'accusations sur sa mise en œuvre », a déclaré Hussein Ibish à MEE.
« La pression pour finaliser un accord pourrait conduire les parties à négliger le fait que, si elles sont d'accord sur l'ensemble des termes spécifiques, elles ne l'interprètent pas tous de la même manière. Cela pourrait resurgir dans le cadre des inspections, mais aussi en ce qui concerne l’allégement des sanctions et d'autres questions de mise en œuvre. »
Photo : Le Président de la commission des relations étrangères du Sénat américain Bob Corker parle avec les journalistes au Capitole cette semaine au sujet des négociations avec l'Iran (AFP)
Traduction de l’anglais (original) par Emmanuelle Boulangé
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