Palestine : étude d’un vol historique et culturel
Le vol et l’appropriation de la culture et de l’histoire des peuples autochtones sont des caractéristiques typiques communes aux États colonialistes modernes, qui l’accomplissent généralement une fois que la population autochtone en question a été éliminée, dépossédée ou apparemment vaincue, ce qui permet de le faire sans risque. L’État colonialiste d’« Israël », construit sur les ruines de la Palestine et suite à l’expulsion de la majorité de sa population autochtone en 1948 et après, ne fait pas exception.
Cependant, le vol israélien de tout ce qui est palestinien ne découle pas simplement de notions malavisées de nationalisme ou d’un orgueil enfantin, comme cela est souvent avancé par les apologistes occidentaux, mais plutôt d’une orientation politique consciente de l’État qui cherche à effacer la Palestine de la mémoire historique, en particulier dans le discours occidental. En effet, le nettoyage ethnique continu qui élimine les Palestiniens de leur patrie historique va de pair avec le vol des terres, des maisons, de l’histoire et de la culture palestiniennes. C’est une composante essentielle d’un plus grand projet sioniste à long terme d’éradication totale de la nation palestinienne, l’effaçant littéralement de l’histoire tout en prenant sa place.
Cet effacement a été désigné à juste titre comme un mémoricide par l’historien Ilan Pappé dans Le Nettoyage ethnique de la Palestine. Nur Masalha, développant davantage, écrit : « Les mythes fondateurs d’Israël ont imposé l’élimination conceptuelle des Palestiniens avant, pendant et après leur élimination physique en 1948 [...] La désarabisation de la Palestine, l’effacement de l’histoire palestinienne et l’élimination de la mémoire collective des Palestiniens par l’État d’Israël ne sont pas moins violents que le nettoyage ethnique des Palestiniens en 1948 et de la destruction de la Palestine historique : cette élimination est au cœur de la construction d’une identité collective hégémonique israélo-judéo-sioniste au sein de l’État d’Israël. » (The Palestine Nakba, p. 89).
Ainsi, le vol de la Palestine et de sa culture comporte deux éléments essentiels imbriqués : l’élimination/effacement des Palestiniens et une hypothèse concomitante de nativité ou de « droit de naissance » pensé dans des termes sionistes anglo-européens. Au cours des soixante-sept dernières années, ces pratiques éhontées d’effacement et de vol ont été principalement menées à bien par deux méthodes : la violence brutale (en d’autres termes, le terrorisme) et la propagande médiatique de masse.
La Nakba : destruction physique/vol physique
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Entre 1947 et 1949, au moins 800 000 Palestiniens, dont la majorité de la population arabe autochtone de Palestine à l’époque, ont été chassés de leurs maisons suite à un nettoyage ethnique perpétré par des milices sionistes composées de colons européens et russes, et aidées par les impérialistes britanniques. Les centres urbains palestiniens majeurs de la Galilée au nord jusqu’au Naqab (rebaptisé « Néguev » par les sionistes) au sud ont été vidés de leurs habitants. Au cours de cette période de seulement trois ans, ce sont également quelque 531 villes et villages palestiniens qui ont subi simultanément un nettoyage ethnique, avant d’être rasés par le nouvel État israélien. Moshe Dayan, originaire d’Ukraine, s’en est vanté plus tard :
« Des villages juifs ont été construits en lieu et place de villages arabes. Vous ne connaissez même pas le nom de ces villages arabes, et je ne vous le reproche pas, parce que les livres de géographie n’existent plus. Et non seulement ces livres n’existent plus, mais les villages arabes non plus. Nahalal a été érigée à la place de Mahaloul, le kibboutz Gvat à la place de Jebata, le kibboutz Sarid à la place de Huneifis, et Kfar Yehoshua à la place de Tal al-Shuman. Il n’y a pas un seul endroit construit dans ce pays qui n’a pas eu une ancienne population arabe. » (Haaretz, 4 avril 1969).
On connaît peut-être moins le fait que, pendant cette même période, des dizaines de milliers de livres, de peintures, d’enregistrements musicaux, de meubles et d’autres objets ont également été pillés par les milices sionistes dans les maisons, bibliothèques et locaux gouvernementaux palestiniens. Comme l’ont montré Benny Brunner et Arjan El Fassed dans leur film The Great Book Robbery, au moins 70 000 livres palestiniens ont été volés à leurs propriétaires. Le documentaire montre que ce vol n’était pas un simple sous-produit accidentel de la guerre, mais plutôt un acte délibéré pourvu d’un objectif spécifique :
« Pendant des décennies, la propagande sioniste et israélienne a décrit les Palestiniens comme des "individus sans culture". Ainsi, l’État israélien victorieux s’est chargé de civiliser les Palestiniens qui sont restés à l’intérieur de ses frontières à la fin de la guerre de 1948. Ils ont eu l’interdiction d’étudier leur propre culture ou de se souvenir de leur passé immédiat ; leur mémoire était considérée comme une arme dangereuse qui devait être supprimée et contrôlée. »
1948 n’allait cependant pas être la dernière fois que les forces israéliennes volaient et détruisaient des livres et autres productions culturelles palestiniennes. En 1982, pendant leur occupation du Liban, les troupes d’invasion israéliennes ont pris d’assaut des maisons, des bureaux et des bibliothèques appartenant à des Palestiniens et sont reparties avec des milliers de livres, de films et d’autres documents témoignant de l’histoire palestinienne. Cette pratique courante des forces d’occupation israéliennes se poursuit aujourd’hui, notamment en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza, régions occupées en 1967, tout comme le plateau du Golan syrien et le Sinaï égyptien.
La signification de ce vol n’est pas difficile à comprendre. Incapable d’assimiler l’histoire palestinienne réelle et archivée (qui était et reste le plus souvent en arabe) dans son histoire montée de toutes pièces, Israël choisit tout simplement de la détruire, de la cacher physiquement, tout en inventant et en diffusant simultanément un récit féerique de la Palestine, présentée comme une terre vierge, une « terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Par conséquent, la destruction de villages palestiniens, le nettoyage ethnique de villes palestiniennes, le bombardement aérien des camps de réfugiés palestiniens et le pillage de livres palestiniens mènent tous à la même intersection : ce qui ne peut être absorbé dans la mythologie sioniste doit être éradiqué.
Objets palestiniens : une réécriture de l’histoire
La croyance sioniste selon laquelle les juifs modernes européens et russes (et d’ailleurs tous les juifs du monde entier) sont en quelque sorte les descendants directs d’anciennes tribus de langue hébraïque qui vivaient sur un autre continent il y a environ deux millénaires et peuvent donc revendiquer la Palestine, son histoire et sa culture, serait complètement risible si les conséquences politiques de cette idéologie féerique n’étaient pas si tragiques. Le fait que cette croyance raciste, propagée par les antisémites tout comme par les sionistes, est acceptée comme une vérité évidente qui ne mérite même pas d’être remise en question pour la plupart des grands médias occidentaux, témoigne certainement des décennies de propagande sioniste et du contexte honteux de paresse journalistique et de pensée uniforme qui est désormais devenu la norme.
Un exemple typique apparaît dans l’article du Huffington Post intitulé « Découverte de bijoux anciens israéliens lors de fouilles archéologiques » (« Israel Ancient Jewelry Uncovered in Archeological Dig »). Selon l’article, « des archéologues israéliens ont découvert un trésor rare composé de bijoux datant de 3 000 ans, dont une bague et des boucles d’oreilles, cachés dans une cruche en céramique, près de la cité antique de Megiddo, où le Nouveau Testament prédit la bataille finale d’Armageddon. » Selon les suppositions d’Israël Finkelstein, qui a codirigé les fouilles, « les bijoux appartenaient probablement à une famille cananéenne ». Cela pourrait bien avoir été le cas, mais l’hypothèse incontestée dans tout l’article est que ces bijoux sont en quelque sorte israéliens. (Notez également comment un conte biblique associé à la cité antique palestinienne de Megiddo est mentionné comme si cela était d’une quelconque pertinence.)
En 1919, l’Organisation sioniste mondiale (OSM) a officiellement présenté une carte de son futur État d’« Israël » à la Conférence de paix de Paris. Cette carte comprenait non seulement l’intégralité de la Palestine, mais aussi le sud du Liban, le sud-ouest de la Syrie dont le plateau du Golan, d’importantes parties de l’ouest de la Jordanie, ainsi que des parties du Sinaï en Égypte. Pour les besoins du raisonnement, supposons que ce désir colonial de l’OSM ait été assouvi, au moins dans le cas du Liban. Tous les objets anciens trouvés dans le sud du Liban occupé deviendraient-ils alors « israéliens » ? Qu’en est-il du Golan syrien qui reste aujourd’hui occupé ? Les objets qui y sont trouvés sont-ils aujourd’hui en quelque sorte « israéliens » ? Et que dire du Sinaï égyptien, territoire qu’Israël a occupé de 1967 à 1979 ? Les reliques anciennes découvertes au cours de la période d’occupation étaient-elles « israéliennes » ? Et ont-elles arrêté de devenir « israéliennes » après que l’État sioniste a restitué le territoire volé à l’Égypte ?
Étant donné que toute la Palestine n’a pas moins été volée que le Sinaï autrefois occupé et le Golan syrien actuellement occupé, qu’y a-t-il exactement de si « israélien » dans ces bijoux anciens qui font l’objet de l’article du Huffington Post, outre les affirmations non fondées de son auteur qui ignore complètement l’histoire palestinienne ? La réécriture sioniste/européenne de l’histoire ancienne de la Palestine est si flagrante et omniprésente qu’elle est presque invisible. Non seulement les sionistes réécrivent l’histoire palestinienne, y inventant une place pour eux-mêmes, mais ils éliminent les Palestiniens autochtones aussi bien physiquement que théoriquement. Brandissant l’histoire comme une arme, ce type de propagande utilise la forme de censure la plus courante et la plus paresseuse, celle de la simple omission.
Cette forme particulière de vol culturel ne se limite cependant pas à la Palestine. Contre tout élément de preuve historique, Israël continue de combiner son idéologie politique raciste et sa raison d’être que constitue le sionisme, une création exclusivement européenne, avec le judaïsme, une religion universelle originaire du monde arabe. Ainsi, les sionistes peuvent par exemple justifier le vol d’archives judéo-irakiennes, ou affirmer que des documents juifs vieux de mille ans et originaires d’Afghanistan appartiennent à l’État sioniste. L’hypothèse est que dès qu’un document contient du texte écrit en hébreu ou même en araméen, il doit en quelque sorte appartenir à « Israël », et non au pays où il a été trouvé en réalité. Il ne vient jamais à l’esprit de l’auteur de l’article d’Haaretz qu’un document de mille ans découvert en Afghanistan n’a absolument rien à voir avec un État colonialiste européen créé en 1948 au-dessus de la Palestine. À moins que les frontières non déclarées d’Israël se soient maintenant étendues à l’Afghanistan ?
L’habit palestinien/arabe
Les femmes palestiniennes peuvent à juste titre être fières de l’habit traditionnel arabe, comme quiconque le serait de ses créations. Ces habits, foulards et autres accessoires incroyablement complexes, brodés à la main, sont profondément enracinés dans le monde arabe, en particulier en Grande Syrie. Le savoir-faire permettant d’élaborer ces créations a été transmis de génération en génération, et leur authenticité ainsi que leur caractère artistique ne font aucun doute. La robe palestinienne, en particulier, est si raffinée que l’on peut identifier son lieu d’origine en Palestine uniquement à partir des couleurs et des motifs de la broderie.
Hanan Karaman Munayyer, historienne et scientifique spécialiste des vêtements palestiniens, retrace « les origines des atours protopalestiniens depuis l’époque cananéenne (vers 1500 av. J.-C.), période durant laquelle des peintures égyptiennes représentaient des Cananéens parés d’habits en forme de "A". Cette silhouette distinctive peut être observée dans une gravure en ivoire de 1200 av. J.-C. originaire de Megiddo (Palestine), et est identifiée comme une "tunique syrienne" » (« Sovereign Threads », Pat McDonnell Twair, PalestineHeritage.org). En bref, ce sont des œuvres d’art vivantes qui portent dans leurs mailles des milliers d’années de mémoire culturelle autochtone.
Pourtant, même l’habit palestinien n’a pas été à l’abri des pratiques éhontées de vol et d’appropriation des Israéliens. Dans son superbe ouvrage Hidden Histories: Palestine and the Eastern Mediterranean, Basem Ra’ad écrit :
« Un livre israélien consacré à la broderie, Arabesque: Decorative Needlework from the Holy Land, commence avec l’"époque biblique" et se termine avec des photographies d’adultes et d’enfants israéliens portant les vêtements brodés de villageois palestiniens (qui provenaient pour beaucoup de villages que les Palestiniens ont été contraints de fuir en 1948). Ces Israéliens se sont mis en scène pour ces photos. Le livre ne fait pas que s’approprier une forme artistique palestinienne : il l’imite. L’euphémisme faisant allusion à la "Terre Sainte" aide à camoufler la véritable origine palestinienne de cette forme unique d’art villageois » (p. 128).
Comme Ra’ad le constate dans tout son ouvrage, les œuvres culturelles israéliennes ne comportent souvent aucune mention des Palestiniens, ce qui les rend ainsi invisibles. Une forme plus récente et tout aussi scandaleuse d’appropriation a été relevée dans un article de Ma’an News qui décrit le vol de keffiehs arabes. Bien que répandu dans le monde arabe, le keffieh est devenu un symbole de résistance palestinienne pendant la Grande Révolte arabe de 1936-1939, lorsque la majorité des Palestiniens s’est levée contre l’occupation des Britanniques et de leurs alliés coloniaux sionistes. Le fait que les sionistes choisissent aujourd’hui de s’approprier ce symbole pour tenter lamentablement d’en faire le leur est encore un autre exemple d’une ignorance de l’histoire arabe tout comme d’un manque total d’imagination.
La cuisine palestinienne/arabe
Qu’y a-t-il de plus fondamental pour chaque peuple et sa culture que sa nourriture ? Le vol de la cuisine palestinienne par l’État sioniste est tout aussi éhonté que son vol de la terre palestinienne. En effet, la cuisine étant si intrinsèquement liée à la géographie, ces deux composantes constituent en réalité une seule et même entité. Les oranges de Jaffa, les olives et l’huile d’olive, le houmous, le taboulé, l’arak, les falafels, le kebbeh et presque tout autre type d’aliments, de boissons et d’ingrédients arabes originaires de Palestine, du Liban, de Syrie, d’Égypte, d’Irak et du reste du monde arabe, deviennent tout d’un coup « israéliens » dans les différents médias de l’État et à travers ses défenseurs occidentaux, sans que leurs véritables origines soient reconnues.
Prenez par exemple cet article du Jerusalem Post qui stipule que l’arak est un produit « autochtone israélien ». « Le spiritueux le plus vendu en Israël est peut-être la vodka, mais son spiritueux autochtone est l’arak », affirme l’auteur. Notez également que plusieurs pays de la région sont cités (Turquie, Grèce, Liban, Jordanie), mais que la Palestine reste en quelque sorte hors de la mémoire de l’auteur. Il s’agit là d’une stratégie typique d’appropriation et d’usurpation culturelle des sionistes : faire la liste des pays et des cultures voisines comme s’ils en faisaient partie, sans mentionner toutefois le pays qu’ils ont détruit et dont ils ont volé la culture. Il faut également se demander comment un État colonial établi en 1948 par des Européens peut revendiquer une cuisine arabe autochtone qui existait plusieurs millénaires avant même sa naissance. Peut-être est-ce là un autre exemple des légendaires « miracles d’Israël ».
Prenez également l’exemple du falafel, présenté par Israël comme son plat « national », une affirmation répétée dans d’innombrables livres et blogs de cuisine, et même dans des articles universitaires. « Ce qui distingue le cas du falafel de celui du riz et du vin, c’est notre accès à ses origines historiques, écrit Yael Raviv. Le falafel n’a pas été intégré dans la société israélienne par un processus long, lent et naturel. Sa transformation en une icône de la culture israélienne a au contraire été précipitée et délibérée. Dans sa recherche urgente de symboles d’unité, le mouvement nationaliste a trouvé le falafel et en a fait un signe de fierté israélienne. » Cet extrait est un exemple remarquable de sophisme anhistorique. Comment le falafel, qui existait bien avant « Israël », peut-il exactement être un « signe de fierté israélienne », sauf s’il s’agit d’être fier d’un vol culturel ?
Dans un moment d’honnêteté rafraîchissant, Gil Hovav reconnaît : « Bien sûr que c’est arabe. L’houmous est arabe. Le falafel, notre plat national, notre plat national israélien, est complètement arabe, et cette salade que nous appelons salade israélienne est en fait une salade arabe, une salade palestinienne. Ainsi, nous leur avons plus ou moins tout volé. » Bien qu’il soit toujours appréciable d’entendre des sionistes reconnaître leurs vols divers et variés, enlever la locution apologétique « plus ou moins » nous aurait permis de nous rapprocher considérablement de la vérité.
La défense ou l’apologie habituelle répond cependant qu’il s’agit d’une question futile : ce n’est que de la nourriture, après tout. Malheureusement, les affirmations israéliennes quant à l’invention de la cuisine palestinienne et arabe sont utilisées à des fins nettement politiques, afin de marginaliser, de discréditer et au final de déposséder le peuple palestinien. Est-ce Golda Meir (née Golda Mabovitch), d’origine russe, qui a inventé le houmous ? Est-ce David Ben Gourion (née David Grün), d’origine polonaise, qui a élaboré la recette du taboulé ? Est-ce peut-être la famille de l’actuel Premier ministre Benjamin Netanyahou (à l’origine Ben Mileikowsky) qui a créé le falafel ? Aussi ridicules que soient ces questions, c’est essentiellement ce que les sionistes nous demandent de croire quand ils se réfèrent à de la nourriture arabe en la qualifiant d’« israélienne ».
L’agriculture et la terre palestiniennes
Une invention historique sioniste courante encore diffusée aujourd’hui consiste à affirmer que « les Israéliens ont fait fleurir le désert [palestinien] ». Selon cette histoire à dormir debout, la Palestine était un endroit horrible et stérile jusqu’à ce que les juifs européens arrivent avec leur technologie et leur savoir-faire supérieurs, faisant ensuite fleurir la Palestine. C’est seulement à ce moment-là, poursuit ce récit capillotracté, que ces pauvres Arabes sont arrivés (d’autres pays, bien évidemment) pour trouver du travail dans cette nouvelle terre, verte et florissante. Récemment, lors de la campagne électorale américaine de 2012, des bigots ouvertement anti-palestiniens tels que Newt Gingrich et Mitt Romney répétaient tels des perroquets cette fiction anhistorique pour essayer de marquer facilement des points politiques.
Voici toutefois quelques faits historiques permettant de contrer ce conte de fées raciste. En 1901, le Fonds national juif a été fondé à Bâle (Suisse) dans le but explicite d’acheter des terres en Palestine en vue d’une colonisation juive exclusivement européenne. En 1948, près d’un demi-siècle plus tard, ils avaient réussi à acheter moins de 7 % du territoire palestinien, principalement à des propriétaires absents vivant hors de la Palestine. En d’autres termes, l’entreprise a été un échec : de manière compréhensible, les Palestiniens n’allaient pas abandonner la propriété légitime de leurs terres, quel qu’en fût le prix.
Pourquoi est-ce important ? Lorsque la Grande-Bretagne a envahi et occupé la Palestine de 1917 à 1948, les Britanniques sont venus non seulement avec leur armée et leur sauvagerie caractéristique, mais aussi avec leurs géomètres et leurs chercheurs, dont la tâche principale était de produire des informations sur le pays qu’ils se retrouvaient à occuper. Ces informations permettaient de remplir des volumes importants de livres renvoyés pour être consommés par le public britannique, ainsi que pour justifier les projets impérialistes de son gouvernement à l’étranger. Un de ces volumes est A Survey of Palestine, un ouvrage de 1 300 pages publié en décembre 1945.
Brillamment résumée par le site web Lawrence of Cyberia, cette étude révèle que les Palestiniens ont produit la grande majorité de la production agricole de la Palestine jusqu’en 1948, dont « 92 % de ses céréales, 86 % de ses raisins, 99 % de ses olives, 77 % de ses légumes, 95 % de ses melons, 99 % de son tabac et 60 % de ses bananes ». Sami Hadawi, dans Village Statistics of 1945: A Classification of Land and Area ownership in Palestine, a présenté des résultats similaires. D’un point de vue agricole, cela n’a tout simplement aucun sens d’affirmer que les colons sionistes, qui étaient à l’époque minoritaires, qui étaient des propriétaires fonciers minoritaires et qui n’étaient que récemment arrivés en Palestine, ont transformé d’un jour à l’autre un supposé désert en un lit de fleurs.
La réalité est que ce sont les Palestiniens qui ont fait fleurir la Palestine à travers des siècles de labeur et de travail acharné, et non les colons étrangers récemment arrivés d’Europe, de Russie, et, plus tard, des États-Unis et d’ailleurs. Tels sont les faits enregistrés en 1948 à la fois par les Palestiniens autochtones et par leurs occupants britanniques. Ceux qui croient à la magie et aux contes de fées, par contre, peuvent toujours retrouver le confort des mythes sionistes et d’Hollywood.
Conclusion : la corde du mensonge est courte
Les livres, la musique, l’art, la cuisine et l’habit sont ce qui constitue l’essence de la culture et de l’histoire d’un peuple. Les revendications culturelles d’Israël sur la Palestine sont aussi vides de sens que ses revendications territoriales : Israël s’est emparé de ces deux composantes et continue de s’en emparer par la force et l’invention. Le Dr Fayez Sayegh, intellectuel palestinien, expliquait autrefois qu’« Israël existe parce que la Palestine a été contrainte à ne pas exister ». Sayegh ne parlait pas seulement du territoire, mais aussi de l’ensemble de la nation palestinienne qui, naturellement, comprend également ses productions culturelles. Le sionisme, comme tous les autres mouvements européens colonialistes, utilise le vol culturel et historique comme une arme clé dans sa guerre visant à éliminer les Palestiniens autochtones.
L’illusion d’Israël qui veut que la culture palestinienne lui appartienne ne diffère pas du fantasme selon lequel Israël se trouve en quelque sorte en Europe, et non au cœur du monde arabe. Le vol continu de la culture palestinienne en particulier, et de la culture arabe en général, est un reflet accablant de son propre caractère artificiel, de sa pauvreté d’esprit et, en effet, de son illégitimité même. Un proverbe palestinien dit que « la corde du mensonge est courte » : en d’autres termes, un mensonge finit tôt ou tard par être révélé. Le but du projet sioniste en Palestine, à savoir effacer la Palestine de l’histoire et prendre sa place par tous les moyens possibles, est une évidence pour les Palestiniens quasiment depuis sa création ; il est temps que le reste du monde s’en rende compte. Par souci de justice et de décence élémentaire, il est également grand temps de rendre hommage à ceux qui le méritent.
- Roger Sheety est un écrivain et chercheur indépendant. Il rédige régulièrement des articles pour PalestineChronicle.com. Vous pouvez le suivre sur Twitter : https://twitter.com/ibinfalasteen.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : femmes portant la robe traditionnelle palestinienne lors d’une cérémonie de mariage dans le village de Bir Zeit, Cisjordanie, en juin 2012 (AFP).
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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