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Syrie : des volontaires américains et britanniques décrivent leur combat aux côtés des Kurdes

Trois combattants volontaires ayant rejoint les Unités de protection du peuple kurde (YPG) ont témoigné devant une assemblée majoritairement kurde à Londres
Des réfugiés syriens fuient en direction de la frontière turque lors d’affrontements entre les YPG et l’État islamique à Tal Abyad en juin dernier (MEE/Ibrahim Khader)

LONDRES – À mesure que les trois hommes s’avancent vers la scène du centre communautaire kurde, un tonnerre d’acclamations, de sifflements, de cris d’allégresse et d’applaudissements emplit la salle. Tous les membres de l’assemblée, jeunes et vieux, se tiennent debout, et les chants remplacent progressivement le bruit : « Vive la résistance des YPG ! Vive la résistance des YPJ ! ».

Un large sourire se dessine sur les lèvres des hommes, tout juste rentrés du combat aux côtés des Unités de protection du peuple (YPG) à Kobané, et c’est dans un silence solennel que les membres de l’assemblée, toujours debout, baissent la tête pour un moment de recueillement en mémoire de leurs proches et de leurs camarades tombés au champ d’honneur.

En 2012, peu après l’éclatement de la guerre civile en Syrie, les Kurdes étaient parvenus à imposer leur autorité à Kobané, une ville syrienne, appelée Aïn al-Arab en arabe, située juste au sud de la frontière turque. Elle devint la capitale officieuse du Rojava, nom donné par les Kurdes syriens aux territoires du nord de la Syrie dont ils ont repris le contrôle depuis le début de la guerre.

L’année dernière, les médias du monde entier se sont tournés vers Kobané lorsque la ville a été assiégée par l’État islamique (EI). À la fin du mois de janvier, les forces des YPG et des YPJ (Unités de protection des femmes) ont chassé l’EI de la ville, et ont continué depuis à repousser le groupe des territoires syriens.

« C’était un honneur de combattre aux côtés des YPG »

Le combat des Kurdes a attiré l’attention de la communauté internationale et des combattants du monde entier. En octobre 2014, les YPG ont créé une page Facebook intitulée les « Lions de Rojova » afin de recruter des combattants étrangers. On ignore combien de combattants étrangers sont actifs au sein du groupe, mais celui-ci est parvenu à attirer des Américains, des Australiens et des Européens.

L’un des hommes sur la scène, un Britannique âgé de 28 ans connu sous le nom de guerre de Macer Gifford, a quitté l’Angleterre en décembre 2014 et a passé cinq mois à combattre l’EI aux côtés des YPG.

« C’était la décision la plus facile de toute ma vie », a-t-il déclaré tandis que les applaudissements emplissaient à nouveau la salle.

Macer Gifford a rejoint le front en février à Tal Hamis, une ville du nord-est de la Syrie dont les Kurdes ont ensuite pris le contrôle le 11 mars avec l’aide des frappes aériennes menées par la coalition dirigée par les États-Unis contre l’EI.

Il a fait les gros titres grâce à une interview pour le Daily Mail dans laquelle il a juré que l’EI ne le prendrait jamais vivant.

« J’ai quitté ma famille et une vie confortable en Grande-Bretagne pour risquer d’être tué de la manière la plus horrible qui soit par l’EI », avait-il indiqué. « J’ai une grenade dans la poche, je me ferai sauter et ils mourront avec moi. »

Le deuxième homme, Jac Holmes, originaire de Bournemouth et âgé de 22 ans, a été touché par balle et blessé par l’EI alors qu’il combattait dans le nord de la Syrie.

« C’était un plaisir et un honneur de me battre à leurs côtés et d’être intégré à leur mode de vie », a-t-il déclaré. « Je suis très heureux d’être allé au Rojava. Je ne pense que du bien des YPG et du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan]. »

En vertu de la législation britannique, tout citoyen quittant le pays pour combattre avec des « groupes terroristes » doit être arrêté dès son retour. Cependant, il en a été autrement pour les combattants des « Lions de Rojava », et ce, malgré les liens idéologiques existants entre le Parti de l’union démocratique (PYD), le parti politique kurde syrien avec lequel les YPG sont associées, et le PKK.

La double attaque

La double campagne militaire menée par la Turquie à la fois contre l’EI et le PKK a exacerbé les tensions avec les Kurdes. Le gouvernement turc et le PKK ont indiqué récemment que le cessez-le-feu effectif depuis mars 2013 pourrait prendre fin.

De nombreux Kurdes accusent depuis longtemps le gouvernement turc de conspirer activement avec l’EI à leurs dépens. La Turquie a récemment annoncé son intention de participer activement aux frappes aériennes de la coalition menée par les États-Unis en Syrie après la mort de 32 personnes lors d’un attentat dans la ville frontalière de Suruç. L’attentat avait pour cible un groupe de jeunes activistes qui s’apprêtait à se rendre à Kobané, à seulement 10 km de Suruç, pour participer à sa reconstruction.

Certains analystes pensent que la Turquie est davantage résolue à anéantir le PKK, qui est considéré comme un groupe terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et l’OTAN, qu’à vaincre l’EI.

Hussein Ibish, de l’Institut des États arabes du Golfe à Washington D.C., a indiqué à Middle East Eye que l’« un des premiers objectifs [de la Turquie] sera de retirer aux YPG le contrôle de vastes territoires contigus dans la zone la plus vulnérable de la Turquie, à proximité de zones kurdes qu’elle a elle-même du mal à contrôler ».

« La Turquie comptait sur l’EI pour priver le PKK de ce territoire en l’occupant. Or, non seulement l’EI attaque désormais à l’intérieur des territoires turcs mais, plus important encore, il ne parvient pas à y freiner l’expansion du PKK, principal ennemi d’Ankara », précise Hussein Ibish.

« La Turquie se prépare donc à évincer l’EI pour accomplir elle-même cette tâche », a-t-il conclu.

Un combat pour « l’humanité toute entière »

Jordan Matson, un Américain originaire du Wisconsin, a indiqué à l’assemblée réunie au centre communautaire qu’il avait combattu durant dix mois avec les unités de l’YPG après les avoir rejointes en septembre dernier. Il a expliqué qu’il était l’un des premiers à ouvrir un corridor de sécurité pour les Yazidis assiégés par l’EI dans le mont Sinjar, au Kurdistan irakien.

« Les YPG sont le seul groupe laïque qui combat en Syrie », a-t-il précisé.

À propos des journées qu’il a passées avec les Kurdes sur le terrain, il déclare : « nous combattons, nous nous asseyons, nous buvons du shay [thé], et c’est à peu près tout ».

Alan Semo, représentant du PYD au Royaume-Uni, a rendu hommage aux trois hommes pour avoir risqué leur vie pour le peuple kurde.

« Nous apprécions les efforts et les sacrifices qu’ils ont fait non seulement pour les Kurdes mais pour l’humanité toute entière », a-t-il indiqué.

Toutefois, les trois combattants ont également été mis à l’épreuve dans la soirée avec des discussions autour d’activités plus litigieuses de leurs forces de combat adoptives.

Une question de l’un des membres de l’assemblée à propos d’allégations selon lesquelles les YPG auraient été impliquées dans des actions d’épuration ethnique et dans le recrutement d’enfants soldats a tout d’abord été ignorée. Devant l’insistance du membre du public, les trois hommes ont donné une réponse similaire, affirmant qu’ils n’avaient jamais été témoins de tels actes.

Jordan Matson est même allé jusqu’à accuser l’Observatoire syrien des droits de l’homme, une organisation basés au Royaume-Uni qui avait signalé, comme d’autres organisations internationales, que les Kurdes avaient procédé à une épuration ethnique parmi les Arabes, d’être « allié au régime syrien ».

Macer Gifford estime que les groupes arabes rebelles à l’origine de ces accusations les ont émises « par jalousie car les YPG reçoivent davantage de soutien de la part des États-Unis ».

Jac Holmes a par ailleurs précisé que, bien qu’il ne l’ait pas constaté par lui-même, de nombreux éléments prouvent que la Turquie collabore avec l’EI.

« La Turquie serait capable d’éclairer aux projecteurs les positions des YPG [sur la frontière] afin que l’EI puisse les localiser », a-t-il indiqué.

Les trois combattants volontaires ont donné des conseils aux plus jeunes membres de l’assemblée qui leur ont demandé quel rôle ils pourraient jouer pour soutenir les YPG en Syrie.

« Les YPG n’ont pas besoin que les jeunes Kurdes britanniques partent au combat », a répondu Macer Gifford. « Elles ont besoin qu’ils se mobilisent pour sensibiliser l’opinion. »

Aucun regret

Lorsqu’on leur demande pourquoi ils sont rentrés, ils expliquent que l’objectif de « libération des cantons » à Kobané a été atteint et qu’ils souhaitent y retourner dans un mois ou deux.

« Nous avons libéré de nombreux territoires », a indiqué Jac Holmes, portant une veste de camouflage par-dessus son pull rouge et un keffieh sur la poitrine. « Nous avons passé beaucoup de temps sur les routes, ce qui est assez épuisant mentalement. Ils nous ont toujours dit de partir dès que nous le souhaitions. »

« J’ai prévu de rencontrer de nombreux sénateurs et lobbyistes américains », précise Jordan Matson, ajoutant qu’il est impératif de « faire pression pour obtenir le soutien des Républicains » et de collecter des fonds pour les forces kurdes.

Les hommes ont affirmé que la raison pour laquelle les YPG étaient parvenues à reprendre davantage de territoires à l’EI que tout autre groupe rebelle malgré le manque de sophistication de leurs armes résidait précisément dans les causes pour lesquelles elles se battent, à savoir une nouvelle idéologie non exclusive et un mode de vie. Ils ont également rendu hommage aux forces des YPJ pour leur progressisme dans une « région qui oppresse les femmes ».

« Si je regrette d’avoir combattu aux côtés des YPG ? » demande Jordan Matson, « non ! », s’écrie-t-il.

L’assemblée est en liesse.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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