Avec la fin de la guerre contre l’EI, les économies du Moyen-Orient redémarrent
La situation s’améliore au Moyen-Orient.
Malgré la longue guerre contre le groupe État islamique (EI), les perspectives semblent meilleures pour la plupart des pays de la région.
Selon les analystes, trois grands facteurs sont à l’origine de cette évolution : la hausse des prix du pétrole à des niveaux soutenables, la victoire contre l’EI et l’amélioration de la disponibilité du crédit. Certains facteurs sont spécifiques à chaque pays.
Le pétrole, bouffée d’oxygène pour la région
« Le plus important ? Si tout s’arrange, c’est grâce au pétrole », explique Win Thin, responsable mondial de la stratégie monétaire des marchés émergents chez Brown Brothers Harriman, à New York. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a maintenu les réductions de production, et un prix du baril à plus ou moins 60 dollars convient à tout le monde », importateurs autant qu’exportateurs.
L’OPEP a récemment décidé de contribuer à soutenir les prix et accepté par conséquent de réduire sa production de pétrole brut.
« Le plus important ? Si tout s’arrange, c’est grâce au pétrole »
- Win Thin, responsable mondial de la stratégie devises sur les marchés émergents chez Brown Brothers Harriman
De telles réductions ont permis de stabiliser le prix du brut qui, début 2016, se négociait à moins de 30 dollars le baril. Le prix du Brent (prix de référence européen) s’établissait récemment à 63 dollars, niveau suffisamment élevé pour contenter les principaux exportateurs, mais pas assez pour commencer à porter préjudice à l’économie des principaux pays importateurs.
Les pays le plus immédiatement bénéficiaires sont les plus gros exportateurs, qui ont tendance à dépendre fortement de leur manne pétrolière. En volumes, par ordre décroissant, voilà quels sont ces pays : l’Arabie saoudite, l’Irak, les Émirats arabes unis (EAU), le Koweït, l’Iran et enfin le Qatar (données tirées du CIA World Factbook). Ces recettes pétrolières supplémentaires devraient se déverser directement dans les coffres de ces gouvernements, les premiers de la liste devant en profiter encore plus que les derniers.
Cependant, lorsque les revenus pétroliers augmentent dans la région, les pays qui ne sont pas les principaux exportateurs de pétrole en bénéficient également, parce que le commerce transfrontalier tend à s’améliorer lorsqu’affluent les pétrodollars. Le commerce international tire également partie de la défaite de l’EI.
Meilleure sécurité
« La sécurité s’améliore et la guerre contre l’EI est terminée », se félicite Garbis Iradian, économiste en chef pour la région MENA à l’Institute of International Finance (IIF) de Washington DC. Selo lui, cela devrait participer à la réouverture des routes commerciales entre la Syrie et l’Irak.
Cela signifie que le commerce transfrontalier devrait augmenter dans la partie de la région ayant souffert de la guerre contre l’EI. De fait, une loi économique stipule que le développement du commerce a tendance à profiter à toutes les économies concernées. La plupart des économistes sont également convaincus qu’à long terme, la guerre n’améliore aucune économie. C’est bon signe, tant que se maintient la paix relative en Irak et dans les régions environnantes.
« La sécurité s’améliore et la guerre contre l’EI est terminée »
- Garbis Iradian, économiste en chef pour la région MENA à l’Institute of International Finance
Iradian, l’économiste de l’IIF, n’exclut pas une attaque occasionnelle ou l’explosion de quelques bombes, mais il est confiant : « Le pire est derrière nous ».
Selon les données gouvernementales, l’économie du Yémen est à la fois pauvre et de relativement faible importance. Pour mettre les choses en perspective, l’économie saoudienne représente 646 milliards de dollars contre 27 milliards pour celle du Yémen. L’économie saoudienne est plus de vingt fois supérieure à celle du Yémen. Et le Yémen est un pays pauvre – 2 400 dollars par an et par habitant, sur la base des prix d’achat locaux. Bien que la guerre constitue effectivement une crise humanitaire, elle a eu peu d’effets sur les économies des pays voisins, car c’est une économie de faible envergure.
Meilleur crédit
Un récent rapport de l’IIF montre que la situation générale du crédit s’améliore au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. On y observe notamment une nette amélioration du financement du commerce extérieur.
« Dans l’ensemble, les conditions des prêts devraient s’améliorer pendant le quatrième trimestre de 2017 », indique le rapport. Il ne fournit pas une ventilation des données par pays.
La meilleure disponibilité du crédit est liée à deux facteurs. Premièrement, la hausse du prix du pétrole, qui profite à certaines économies clés de la région. Deuxièmement, les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux marchés émergents en général. C’est ce qu’on constate sur les marchés financiers. Au cours des six derniers mois, les actions des marchés émergents ont surclassé le S&P 500 (indice boursier basé sur les 500 grandes sociétés cotées sur les bourses américaines). Deux facteurs en partie liés, mais pas complètement.
Si la crise financière de 2008-2009 a enseigné quelque chose au monde, c’est que le monde des affaires a besoin de crédit pour fonctionner. Lorsque le crédit circule librement, l’activité économique augmente. Or, plus important encore pour qui veut connaître les tendances économiques dans la région, la disponibilité du crédit est un indicateur de premier plan. Cela signifie que, lorsque le crédit sera plus facilement disponible, l’activité économique aura des chances d’augmenter peu après.
Ce rapport favorable devrait se traduire par une probable amélioration du crédit dans toute la région, accompagnée de davantage de prêts accordés aux entreprises – qui vont alors développer leurs activités actuelles et relancer ainsi l’économie.
Autres facteurs propres à chaque pays
L’Iran profite toujours de la levée des sanctions économiques, décision prise en 2016 par les États-Unis.
« Grâce au pétrole, l’économie [iranienne] a enregistré en 2016 une forte reprise, avec une croissance annuelle globale à 13,4 % (contre une contraction de 1,3 % en 2015) », indique un rapport d’octobre 2017 de la Banque mondiale. « Le secteur industriel fournit la plus forte contribution à la croissance (environ 25 %), tandis que la production pétrolière et gazière ont augmenté de manière stupéfiante de 62 %, principalement en raison de l’allègement des sanctions. De plus, le secteur non pétrolier a connu une croissance de 3,3 %, soit le taux le plus rapide en cinq ans, ajoute le rapport.
Toutefois, on ne sait toujours pas avec certitude si la récente poussée de croissance se poursuivra.
« L’Iran dépend de la décision du Congrès [américain] : imposera-t-il de nouvelles sanctions, ou non ? », demande l’Irakien au service de l’IIF. Cependant, l’administration Trump risque fort de réimposer des sanctions en début d’année prochaine.
Une telle décision entraînerait très probablement une contraction de l’économie iranienne. Elle pousserait également les prix mondiaux du brut à la hausse, ce qui profiterait alors aux autres exportateurs de la région.
Pendant ce temps, l’économie égyptienne bénéficie des réformes économiques imposées par le Fonds monétaire internationale (FMI), en échange de l’octroi d’un prêt.
Au début du mois dernier, le gouvernement égyptien et le FMI sont parvenus à un accord sur un programme de prêts de 12 milliards de dollars sur trois ans, par tranches de 2 milliards. Cela porte à 6 milliards de dollars le montant total reçu du FMI. Les versements futurs dépendent de la poursuite des réformes économiques. Le pays a déjà laissé flotter son taux de change, introduit des taxes sur la valeur ajoutée et considérablement réduit les subventions à l’énergie.
La Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont accordé d’autres prêts au secteur public. La Grande-Bretagne a elle aussi participé.
Il en a résulté une augmentation des flux de liquidités du secteur privé dans l’économie, selon Thin de BBH. Les prêts du FMI, entre autres, renforcent la confiance des investisseurs – confortée par ailleurs par le rendement élevé de la monnaie égyptienne. Le taux des dépôts à un jour, fixé par la Banque centrale égyptienne, est aujourd’hui à 18,75 %, rendement beaucoup plus élevé qu’avec le dollar américain. Le taux de référence de la Réserve fédérale était quant à lui de 1,16 % en novembre.
L’augmentation des flux de capitaux devrait continuer à stimuler l’économie égyptienne, qui, pour la première fois depuis 2015 a vu son secteur industriel se développer.
Photo : la disponibilité du crédit s’est améliorée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (AFP).
Traduction de l’anglais (original) de Dominique Macabies.
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