Attentats de Paris : nous devons être calmes et réfléchis, ne pas prendre de décisions hâtives
La France et la civilisation ne font qu’un. Les attentats ne sont pas simplement une attaque contre Paris –il s’agit d’un assaut réfléchi, préparé et nihiliste contre l’humanité toute entière. Aujourd’hui, les sentiments que nous ressentons tous sont la peine et la tristesse, le tout accompagné d’un profond traumatisme.
Au cours des prochains jours et des prochaines heures, le traumatisme va laisser la place à la colère et à l’envie de voir les choses bouger. De nombreuses personnes vont tenter de comprendre comment de tels événements peuvent se produire et chercher un coupable. Elles auront soif de représailles.
Il y aura ceux qui souhaiteront expulser tous les musulmans de France. Il y en aura d’autres qui souhaiteront que les musulmans soient marginalisés, ou catalogués comme une communauté suspecte en permanence. Certaines personnes demanderont que les musulmans de France se dissocient de ces actes horribles, comme s’ils avaient joué un quelconque rôle de premier ordre dans ces attentats.
Le sentiment selon lequel des mesures doivent être prises, et ce, rapidement, est tout à fait compréhensible. Mais les événements récents montrent que cette attitude peut être aussi dangereuse. Défier le groupe de l’État islamique est un jeu qui comporte de nombreux risques.
Nous savons désormais qu’après le 11 septembre, les États-Unis ont adopté la mauvaise attitude en réaction à l'acte abominable perpétré contre les tours jumelles du World Trade Center, mais également ceux survenus après.
Le groupe de conseillers néo-conservateurs constituant l'entourage de George W. Bush considéraient l'Irak et l'Iran comme des cibles avant le 11 septembre. Lorsque l'occasion parfaite s'est présentée, Bush Junior a pris les devants, sans réfléchir et ignorant les conséquences de ses actes, en envahissant l'Irak, au grand désarroi, nous le savons désormais, de son père bien mieux informé.
Sans l'invasion de l'Irak, l'État islamique n'existerait pas, alors que le groupe revendique désormais l'horreur perpétrée la nuit dernière.
Il convient de savoir ce que le groupe de l'État islamique attend maintenant de nous. Et de prendre cet élément en compte : la branche française de l'État islamique s'appuie exactement sur la même tactique que celle utilisée par les djihadistes pour asseoir la scission entre sunnites et chiites en Irak.
Ils souhaitent susciter des réactions visant à aliéner les musulmans français de leurs compatriotes. Une vidéo, publiée par l'État islamique, montre un groupe de jeunes lourdement armés brûlant leurs passeports français tout en demandant aux musulmans français de, soit rejoindre le groupe de l'État islamique et d'émigrer – soit de rester en retrait et de combattre les kafirs (non-croyants) en France.
Ils ne cessent de dire : « Qu'attendez-vous ? Il faut réagir. Empoisonnez-les, roulez-leur dessus avec vos véhicules ».
Si l'Europe (nous sommes tous concernés par les événements en France) réagit de la mauvaise manière, nous pourrions contribuer à la concrétisation de ces actes. Réagir de la mauvaise manière pourrait avoir des conséquences désastreuses dans la mesure où nous réaliserions simplement les souhaits des terroristes, à savoir détruire l'État français et les incroyables valeurs qu'il incarne. Il existe des éléments puissants à l'Ouest qui pourraient apprécier cette réponse.
C'est pourquoi, j'estime qu'il y a des enseignements plus importants à tirer des réactions de la Norvège après les horribles attaques terroristes survenues à Oslo et Utoya le 22 juillet 2011.
Les attaques menées par Andres Breivik, un loup solitaire, ont coûté la vie à 77 personnes, principalement des enfants, et ont blessé des centaines d'autres personnes. Cela fut, de loin, l'attaque la plus dévastatrice connue par la Norvège depuis la Seconde guerre mondiale.
Les Norvégiens ont réagi avec un calme incomparable et ont mené des actions réfléchies. Voici ce que Jens Stoltenberg, le premier ministre norvégien, a dit ce jour-là : « Nous sommes toujours choqués par les événements survenus aujourd'hui, mais nous ne remettrons jamais en question nos valeurs. Notre réponse repose sur une démocratie plus forte, avec plus d'ouverture et plus d'humanité. »
M. Stoltenberg a poursuivi : « L'amour sera notre réponse à la haine. »
Suite à la catastrophe, M. Stoltenberg a demandé qu'un rapport soit établi. Il ne rejetait pas la faute sur les services de sécurité de l'État et mettait un point d'honneur à ne pas recommander la mise en œuvre d'un programme de représailles.
Les Norvégiens n'ont pas modifié leurs lois relatives aux armes. Ils n'ont pas stigmatisé la section de la population, de laquelle M. Breivik, un raciste blanc aux tendances fascistes, était originaire. Les Norvégiens n'ont pas amplifié la menace. Ils se sont assurés que les valeurs de la société soient préservées.
Cependant, il est inutile de prétendre que les atrocités perpétrées à Paris peuvent être comparées à celles survenues en Norvège, il y a quatre ans.
Les attaques de vendredi à Paris n’ont pas été organisées par un simple individu dérangé. Il s’agissait d’un assaut militaire soigneusement coordonné à l’encontre de civils. L’objectif de ces actes était de susciter le chaos et la peur. Ce point a été mis en avant, à de nombreuses reprises, dans la vidéo montrant des hommes autour d’un feu de camp dans une forêt. Ils insistaient sur l’importance de semer la terreur en France, et sur le fait que les Français devaient avoir peur de sortir de chez eux pour aller faire les boutiques. Voilà ce qu’est le terrorisme, au sens premier du terme. Il se nourrit de la guerre et de la peur.
C’est pourquoi, il est tout à fait normal de penser que des attaques similaires seront de nouveau organisées –soit à Paris soit dans n’importe quelle autre ville européenne, dont Londres.
La principale tâche de tout gouvernement est d’assurer la protection de ses citoyens et le président français, François Hollande, se doit de considérer les attaques de vendredi comme une menace mortelle à l’encontre de l’État français alors que cela n’a pas été le cas de Jens Stoltenberg.
Je pense qu’il est néanmoins terriblement important pour la France prenne exemple sur l’attitude de la Norvège après le 22 juillet. Le pays doit trouver le moyen de protéger ses valeurs républicaines tout en protégeant ses citoyens.
C’est pourquoi, il est essentiel de replacer les attaques de Paris dans le contexte d’une vague d’attaques menées par l’État islamique au cours des dernières semaines – les terribles attentats à la bombe à Ankara, Beyrouth, Bagdad et ailleurs, sans oublier la destruction de l’avion russe au-dessus du Sinaï.
L’État islamique mène une guerre mondiale dans laquelle les musulmans sont leur principale cible. Pas simplement la France, la Grande-Bretagne et l’Europe. Il a déclaré la guerre au monde entier. Il commet des atrocités en Syrie, en Irak, au Liban et en Afrique du Nord.
Il est désormais clair que le groupe est prêt à tuer des personnes innocentes, peu importe leur nationalité, race ou religion. Il incarne le mal dans sa forme la plus pure. Il doit être affronté et détruit.
Jusqu’à présent, le monde refusait l’idée de déclarer à la guerre à l’État islamique.Les puissances régionales du Moyen-Orient ont été profondément affaiblies par leurs propres rivalités, aidées et soutenues par les États-Unis et la Russie, qu’elles ont été tentées d’utiliser l’État islamique pour mener à bien leurs propres actions.
En tant qu’individus, que pouvons-nous faire ? Voici une idée. Nous pouvons nous rendre personnellement à Paris afin de dire aux Français que nous les aimons et que nous partageons leur peine tout en les soutenant.
- Peter Oborne a été élu Chroniqueur britannique de l’année en 2013. Il a récemment démissionné de son poste de Chroniqueur politique en chef du Daily Telegraph. Il a publié de nombreux livres dont Le triomphe de la classe politique (The Triumph of the Political Class) ; The Rise of PoliticalLying; et Pourquoi l’Occident à tort sur le nucléaire iranien (Why the West isWrong about Nuclear Iran).
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : Des policiers déposent des fleurs en l’honneur des personnes tuées à Paris (AA) .
Traduction de l'anglais (original) par STiiL.
New MEE newsletter: Jerusalem Dispatch
Sign up to get the latest insights and analysis on Israel-Palestine, alongside Turkey Unpacked and other MEE newsletters
Middle East Eye delivers independent and unrivalled coverage and analysis of the Middle East, North Africa and beyond. To learn more about republishing this content and the associated fees, please fill out this form. More about MEE can be found here.