Changement climatique : le déni ne sauvera pas le Moyen-Orient
BONN, Allemagne – Comme une cocotte-minute laissée trop longtemps sur le feu, le Moyen-Orient est de plus en plus chaud.
Selon le dernier rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sur l’état du climat dans le monde, les températures à Oman plus tôt dans l’année ont dépassé les 50°C. Bahreïn a enregistré son mois d’août le plus chaud. Au Liban – et dans bien d’autres régions – les gens se demandent si l’automne et son temps frisquet n’ont pas disparu.
Les gouvernements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord semblent s’être engagés à exacerber plutôt qu’à prévenir le changement climatique
Ces jours-ci, des milliers de délégations de partout dans le monde se réunissent à Bonn, en Allemagne, pour assister au sommet annuel des Nations unies sur le climat, plus connu sous le nom de Conference of the Parties (COP).
Cette conférence est une nouvelle tentative pour prévenir, ou au moins atténuer, certains des impacts les plus sérieux sur le changement climatique.
Le Moyen-Orient, un « point chaud »
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Malheureusement, il semble que les délégués de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA) contribuent peu à ces mesures. Lourdement influencés par l’industrie du pétrole et du gaz, la plupart d’entre eux vont faire du lobbying pour que rien ne change – comme si de rien n’était – dans une région du monde décrite par les climatologues comme un « point chaud » du changement climatique où l’impact du réchauffement se fait déjà sentir.
D’abord, le tableau général. Lors d’une rencontre historique à Paris fin 2015, des pays se sont engagés à travers le monde à limiter le réchauffement sous 2°C au-dessus de la moyenne de l’ère préindustrielle. Certains avaient aussi proposé un objectif plus ambitieux de 1,5°C.
La Chine et l’Inde font des efforts pour réduire leurs émissions de carbone. Il y a eu un boom dans les énergies renouvelables
Pour atteindre ces objectifs, l’utilisation des énergies fossiles – principale cause de l’accumulation des gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, dans l’atmosphère – doit être globalement réduite.
Certains progrès ont été faits : la Chine et l’Inde font des efforts pour réduire leurs émissions de carbone. Il y a eu un boom dans les énergies renouvelables. Les coûts de l’énergie solaire et éolienne ont considérablement baissé.
Mais les perspectives restent sombres, les températures mondiales devant augmenter à des niveaux qui rendraient tout changement climatique catastrophique irréversible. Le réchauffement aux pôles implique une fonte des glaces à un taux sans précédent, et une montée du niveau de la mer menace de nombreuses villes parmi les plus importantes – Alexandrie, Tel Aviv et Beyrouth.
La hausse des températures et des niveaux de précipitations erratiques causeront des problèmes de plus en plus aigus de sécheresse et des pénuries alimentaires chroniques. Des millions de personnes seront touchées alors qu’une chaleur de plus en plus importante contribuera à la propagation de maladies telles que le choléra ou la malaria.
« Nous nous retrouvons encore dans une situation où nous n’en faisons pas assez pour sauver des centaines de millions de personnes d’un futur misérable », affirme Erik Solheim, responsable de l’Environnement aux Nations unies. Certains des pays de la région MENA ont fait des efforts pour combattre le changement climatique. Le Maroc, qui a accueilli la COP l’an dernier, a réalisé des investissements significatifs dans l’énergie solaire.
Israël limite l’utilisation des énergies fossiles et se sert de la technologique pour réduire la consommation de l’eau, précieuse.
Mais globalement, les gouvernements de la région MENA semblent s’être engagés à exacerber plutôt qu’à prévenir le changement climatique. Les conflits dans la région supposent que toute action pour lutter contre le réchauffement est suspendue, quand elle n’est pas inversée.
Une récompense « Colossal Fossil »
Un pas en avant a été tenté quand la Syrie – le seul pays dans le monde à ne pas avoir signé l’accord de Paris sur le climat – a exprimé le souhait de rallier le pacte.
Toutefois, l’administration américaine du président Trump – qui a décrit le changement climatique comme une « supercherie » – a annoncé son intention de se retirer de l’accord.
En dépit de toutes les discussions sur la diversification des économies, les États du Golfe restent dépendants du pétrole et du gaz. Dubaï et Abou Dabi peuvent toujours vanter leurs immeubles économes en énergie et leurs projets d’énergie durable, en réalité, ces villes du désert sont des monuments d’excès et de gaspillage d’énergie.
Le soleil est abondant – et gratuit. Mais moins d’1 % des capacités de production en électricité à travers la région est alimenté en énergie solaire
Les Saoudiens en particulier, sont connus pour entraver les progrès lors des rencontres consécutives sur le climat. À Paris, le pays a remporté un prix spécial satyrique « Colossal Fossil » de la part du Réseau Action Climat – un groupe basé à Beyrouth en lien avec des centaines d’organisations environnementales dans le monde – pour ce qui est présenté comme les stratégies d’obstruction de Riyad.
À Bonn, la délégation saoudienne – pendant que des dizaines de personnes ont été arrêtées dans le pays – pourrait avoir autre chose en tête et ne pas être d’humeur à interrompre les procédures. D’un autre côté, avec des relations toujours plus proches qui se tissent entre les dirigeants saoudiens et Trump, Riyad pourrait également annoncer son retrait de l’accord de Paris.
L’ironie dans tout cela, c’est que c’est précisément ces États qui font le moins possible pour lutter contre le changement climatique qui sont le plus à même de perdre le plus. Selon les prévisions actuelles – en clair s’il n’y a pas de réduction radicale dans l’utilisation des énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre – l’essentiel de la région MENA pourrait devenir invivable d’ici à la moitié du siècle et au-delà.
Des températures caniculaires
Des températures caniculaires combinées à davantage de tempêtes de sable et à une plus grande humidité pourrait rendre la vie à l’extérieur virtuellement impossible. Les conditions pourraient compromettre le pèlerinage annuel du hadj.
Les journées dont les températures dépasseront les 46°C pourraient être de plus en plus nombreuses. Les approvisionnements en nourriture et en eau pourraient pourraient se restreindre. La plus grande présence de sable dans l’air – en partie causés par les changements climatiques – aura un impact important sur la santé.
La plupart de ces changements sont déjà en cours. L’an dernier, la température à Koweït City a atteint un jour 54°C, donnant à la ville le titre douteux de ville la plus chaude sur terre.
Pendant ce temps, le Qatar riche en gaz se range parmi les pays dont l’air au monde est le plus gravement pollué.
La région MENA a l’opportunité d’augmenter de manière considérable la production d’énergies durables, en particulier l’énergie solaire. Le soleil est abondant - et gratuit
L’asthme et d’autres affections respiratoires se sont généralisées dans la petite population du royaume. Le bâtiment est en partie responsable de la mauvaise qualité de l’air, mais la consommation rampante des énergies fossiles est une autre coupable.
Selon les chiffres de la Banque mondiale, les émissions de carbone par tête aux États-Unis chaque année sont d’environ 16 tonnes, alors qu’en Europe, elles représentent la moitié. En Arabie saoudite, les chiffres sont de 18 tonnes. Au Koweït, 28 et au Qatar, plus de 40 tonnes l’année, soit le plus élevé au monde.
Ces pays ont besoin d’un changement radical dans leurs politiques et dans leurs styles de vie. Selon les États-Unis, pour prévenir un changement climatique sévère, les émissions par tête, sur une base mondiale, doivent être ramenées à seulement deux tonnes – et cela doit se faire bientôt.
Quand il s’agit de s’attaquer à ces problèmes, il y a un malaise général et un manque de volonté significatif à se confronter au pouvoir des gros producteurs d’énergies fossiles.
Énergies durables
Lors d’une récente rencontre des 57 pays de l’Organisation de la coopération islamique (OIC), les délégués ont fait une déclaration sur « la menace inimaginable » posée par le changement climatique et ont mis l’accent sur les risques pour les États membres de se retrouver à court de terres fertiles et d’eau potable.
Dans le communiqué final émis par l’OIC – dont l’Arabie saoudite est un des plus importants membres fondateurs – toutes ces sombres prédictions ont été retirées et les objectifs de réduction dans le recours aux énergies fossiles étaient extrêmement modestes comparées aux objectifs des Nations unies.
Le changement climatique n’obéit pas aux frontières. Les pays doivent coopérer entre eux. Mais, comme le soulignent les universitaires, il arrive souvent qu’il n’y ait même pas, dans un même pays, de coopération entre les différents départements s’occupant de questions aussi vitales que l’eau, l’énergie et la production agroalimentaire.
La région a l’opportunité d’augmenter de manière considérable la production d’énergies durables, en particulier l’énergie solaire. Le soleil est abondant – et gratuit. Mais moins d’1 % des capacités de production en électricité à travers la région est alimenté en énergie solaire.
Dans un pays moins ensoleillé, comme l’Allemagne, le chiffre est de 7 % et progresse rapidement.
Indéniablement, les délégués de la région MENA feront quelques discours à Bonn, serreront quelques mains et tenteront de rester éveillés lors des rencontres – mais, au regard des résultats passés, la plupart présenteront leurs hommages et partiront, sans que rien – ou bien peu – soit obtenu.
- Kieran Cooke, ancien correspondant à l’étranger pour la BBC et le Financial Times, collabore toujours avec la BBC et de nombreux autres journaux internationaux et radios.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : Un pas en avant a été tenté quand la Syrie – le seul pays dans le monde à ne pas avoir signé l’accord de Paris sur le climat – a exprimé le souhait de rallier le pacte (Reuters).
Traduit de l'original (anglais).
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