À l’ONU, Abbas est encore passé à côté d’une occasion pour la Palestine
Les rumeurs allaient bon train avant le discours du président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas devant la 70e Assemblée générale des Nations unies mercredi dernier, au cours de laquelle le drapeau palestinien a été hissé pour la première fois. Les spéculations ont été alimentées par Abbas qui aurait promis que son discours serait une « bombe ».
Annoncerait-il sa démission ? Le démantèlement de l’AP ? Son abandon officiel des désastreux accords d’Oslo, dont il était l’un des architectes ? Rien de tout cela. Son discours a été interprété par certains comme l’abandon des accords, mais il ne l’a pas dit expressément.
Il a déclaré que l’AP ne serait plus liée par des accords signés précédemment, mais il avait mentionné les accords d’Oslo avant cette déclaration, de sorte que l’existence d’un lien direct est discutable. Il lui aurait été si facile de clarifier des propos aussi importants que son manque de clarté était probablement intentionnel.
Nous avons eu droit à un discours assez quelconque, semblable à ceux qu’il avait donnés précédemment à l’ONU. Pas étonnant que les médias internationaux l’aient largement passé sous silence, lui préférant sans doute la couverture de la levée du drapeau. Abbas a essentiellement porté des accusations contre Israël et a demandé un soutien international – et voilà à peu près tout. Pas de nouvelle vision ou de nouvelle stratégie pour mener les Palestiniens vers l’autodétermination, un droit qui leur est refusé depuis longtemps.
Ce discours était aussi symbolique et sans conséquence que la levée du drapeau. Ce ne fut pas une surprise – en fait, il est surprenant que quiconque s’attende à autre chose de la part d’Abbas. Il était fidèle à lui-même, non pas que sa prévisibilité ait profité à la cause palestinienne.
La seule chose remarquable qu’il ait dite se trouvait vers la fin de son discours. « Tant qu’Israël refuse de s’investir dans les accords signés avec nous... et tant qu’Israël refuse de cesser les activités de colonisation et de libérer le quatrième groupe de prisonniers palestiniens, conformément à nos accords, ils ne nous laissent pas d’autre choix que d’insister sur le fait que nous ne resterons pas les seuls investis dans la mise en œuvre de ces accords », a déclaré Abbas.
« Nous déclarons dès lors que nous ne pouvons pas continuer à être engagés par ces accords et qu’Israël doit assumer toutes ses responsabilités comme puissance occupante. » Cependant, ses propos sont si vagues qu’il les a pratiquement dénués de sens.
Ce n’était pas le fruit d’une négligence – Abbas se donnait suffisamment de marge de manœuvre pour n’être tenu par aucune promesse ou menace spécifique. Ainsi, il lui sera plus facile de reculer ou de faire volte-face au besoin. À ce titre, Israël et ses alliés se contenteront probablement de l’ignorer.
Une occasion manquée
Abbas avait là une chance – une tribune mondiale – lors d’un anniversaire important pour les Nations unies, où flottait le drapeau palestinien, à un moment où d’autres crises dans la région et au-delà relèguent la cause de son peuple au second plan des priorités de la communauté internationale et des médias. Il ne l’a pas saisie.
En 22 ans d’existence, l’AP a signé de nombreux accords. Auquel Abbas pensait-il renoncer ? Tous ? Évidemment, il ne l’a pas précisé.
En outre, le seul moyen efficace pour contraindre Israël à assumer ses responsabilités comme puissance occupante serait de démanteler l’AP puisque sa création a permis à Israël de sous-traiter de manière efficace l’occupation. Cette possibilité a été évoquée par le passé. Cependant, aucune allusion à cette possibilité, ni aucun détail sur la façon dont Abbas prévoyait de renvoyer la balle à Israël n’a été faite.
Boycott, sécurité et élections
Il a rappelé à son auditoire que « les décisions prises par le Conseil central palestinien en mars dernier sont précises et contraignantes ». Il ferait bien de s’en rappeler. Ces décisions comprennent la suspension de la coordination « sécuritaire » avec Israël, le boycott de « tous les produits israéliens et pas seulement ceux provenant des colonies israéliennes », et la tenue d’élections présidentielle et parlementaire.
Six mois plus tard, Abbas n’a pas encore appliqué une seule de ces décisions. Son discours aux Nations unies ne mentionne ni boycott, ni fin de la coordination « sécuritaire » avec Israël. Il a bien déclaré : « nous voulons organiser des élections présidentielle et législative », mais sans jamais rien faire pour cela (son mandat actuel a expiré il y a six ans), comme s’il suffisait d’en exprimer l’envie.
Abbas n’a rien de nouveau à offrir à son peuple – ce qui est évident depuis trop longtemps. Selon un sondage du mois dernier réalisé par le Centre palestinien de recherche et d’études politiques (CPSR), 65 % des Palestiniens souhaitent sa démission. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il ne s’empresse pas d’organiser ces élections. Ses principales politiques (comme la coordination « sécuritaire », les interminables et vaines négociations et l’opposition à un boycott des produits israéliens) vont à l’encontre des souhaits de son peuple, ce qui ressort sondage après sondage.
Il est temps de partir
Il est grand temps pour lui de démissionner et que des élections aient lieu pour le remplacer, avec entre autres la candidature de Marwan Barghouti, dirigeant du Fatah emprisonné en Israël depuis 13 ans. Le secrétaire général de l’OLP et négociateur en chef Saeb Erakat, qui est un proche d’Abbas, a reconnu la semaine dernière que « dans les sondages, personne ne s’affirme plus » que Marwan Barghouti.
Une victoire de ce dernier placerait Israël dans la situation inédite d’incarcérer un président élu. Cela donnerait enfin aux Palestiniens un réel sentiment d’espoir, dont ils sont privés depuis si longtemps. Cela contribuerait à panser les divisions nationales et politiques, ce qui est crucial pour l’obtention des droits des Palestiniens. Et les Palestiniens auraient enfin un président pour le peuple et du peuple.
- Sharif Nashashibi est un journaliste et analyste primé spécialiste des affaires arabes. Il collabore régulièrement avec al-Arabiya News, al-Jazeera English, The National et The Middle East Magazine. En 2008, il a reçu une distinction de la part du Conseil international des médias « pour avoir réalisé et contribué à des reportages toujours objectifs » sur le Moyen-Orient.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : des Palestiniens brandissent leur drapeau national en regardant la retransmission en direct du discours du président Mahmoud Abbas suivi par la levée du drapeau palestinien au siège des Nations unies à New York, le 30 septembre 2015, dans la ville de Ramallah (AA).
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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