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L’étiquetage des produits israéliens imposé par l’UE change la donne politique

La décision de l’UE d’imposer une mention d’origine appropriée a déjà des répercussions sur la perception mondiale de l’occupation

Depuis des années, la Commission européenne débat sur une proposition visant à imposer une mention d’origine sur les produits provenant des territoires occupés illégalement par Israël (désignés par beaucoup comme des colonies). Elle a finalement pris la décision, ce 11 novembre, d’appliquer cette politique. Les entreprises israéliennes ont pour habitude d’étiqueter leurs produits exportés vers l’Europe avec la mention « fabriqué en Israël », même si ces derniers proviennent des territoires occupés illégalement.

Bien que l’UE ne reconnaisse pas officiellement les colonies comme faisant partie de l’état d’Israël, cette procédure, qui s’applique en réalité dans l’ensemble des accords commerciaux israélo-européens, permet aux entreprises opérant dans cette région de payer des droits de douane inférieurs et de recevoir d’autres avantages en exportant vers l’Europe. Cette mention « made in Israel » empêchait également les consommateurs européens de faire la différence entre les produits provenant d’Israël et ceux provenant des territoires occupés.

La logique cachée derrière le principe de l’étiquetage des produits provenant des territoires occupés est d’appliquer systématiquement le droit européen (à savoir, faire la distinction entre Israël et les Territoires occupés palestiniens, ou TOP), afin de respecter le droit d’information des consommateurs concernant l’origine des produits qu’ils achètent, et d’exercer une pression sur le gouvernement israélien pour mettre fin à l’occupation et permettre l’émergence d’un état palestinien indépendant.

Le droit international interdit clairement l’exploitation des ressources (terre et eau par exemple) d’une zone occupée par l’occupant. Dans les faits, une majeure partie des fruits et légumes exportés d’Israël sont cultivés dans la vallée occupée du Jourdain (l’une des régions les plus fertiles de Palestine), et les régions industrielles fortement subventionnées d’Atarot, Mishor Edumim et Barkan (entre autres) divisent en deux la Cisjordanie et polluent les terres et les eaux palestiniennes. Les profits émanant de l’exportation de ces produits sont ce que Shlomo Swirski de l’Institut israélien Adva appelle des « obstacles à la paix ». Tout cela rend également les consommateurs européens de produits provenant des territoires occupés complices d’un crime.

Aspects pratiques

Cette nouvelle politique rejoint une politique existant depuis janvier 2014, un ensemble de lignes directrices que l’UE a publiées pour veiller à ce qu’aucun financement européen ne parvienne aux colonies illégales. Ces lignes directrices ont déclenché un véritable tollé en Israël, mais ont pourtant été facilement contournées par le gouvernement israélien. Le ministre de l'Économie de l’époque, Naftali Bennet, se vantait d’avoir créé des fonds spéciaux qui seraient éligibles aux subventions européennes en promettant que l’argent de ces subventions ne serait pas investi dans les territoires occupés illégalement, tandis que le gouvernement israélien financerait les institutions des territoires occupés sur son propre budget et garantirait qu’elles recevraient un montant identique (voire supérieur) de subventions que celui proposé aux institutions situées au sein de l’état d’Israël.

Le principal projet discuté dans le contexte des lignes directrices de 2014 était Horizon 2020, un projet de recherche pan-européen d’une importance capitale pour les universités israéliennes et les départements de recherche et développement des principales entreprises d’Israël. Parmi les institutions israéliennes ayant décroché une subvention d’Horizon 2020, on compte : (1) Elbit Systems ; (2) Israeli Aerospace Industries (IAI) ; et (3) l’Université Technion. Bien que le siège de ces trois institutions ne soit pas situé dans les TOP, toutes développent des armes pour l’armée israélienne et la police, qui sont utilisées contre les Palestiniens dans les TOP et pour la défense des colonies illégales. Le choix de ces deux entreprises et d’une université par Horizon 2020 était un signal clair destiné à Israël selon lequel les lignes directrices de 2014 n’étaient que de simples paroles, et que l’UE reste complice de l’occupation par Israël.

Malheureusement, la mention d’origine sur les produits provenant des territoires occupés illégalement est une politique qui n’a pas plus d’impact que les lignes directrices de 2014. Il s’agit d’une simple « recommandation » et chaque état doit décider s’il souhaite l’appliquer et comment.

Les entreprises israéliennes opérant illégalement dans les TOP peuvent (1) fabriquer des produits mixtes dans lesquels les composants sont produits en Israël ou importés, et d’autres composants sont produits dans les territoires occupés. Ensuite elles apposent la mention « fabriqué en Israël » et continuent d’exporter les composants produits en Cisjordanie. Ou (2), elles peuvent louer un petit bureau ou entrepôt au sein des frontières internationales d’Israël et utiliser l’adresse de ce lieu comme adresse officielle. Même si les principales installations de production ou les champs agricoles sont situés en Cisjordanie, l’Union européenne n’a aucun moyen de vérifier la validité de la mention d’origine apposée par ces entreprises.

Pour finir, (3) les entreprises israéliennes peuvent choisir de se conformer à la règle et d’étiqueter correctement leurs produits en espérant les vendre à des consommateurs pro-occupation, et par la même recevoir une indemnisation du gouvernement israélien pour les droits de douane supplémentaires qu’elles devront payer.

Accueil en Israël

Bien que la politique visant une mention d’origine sur les produits provenant des territoires occupés illégalement par Israël soit principalement symbolique, ses effets sur le discours politique israélien sont bien réels. Lorsque les lignes directrices ont été approuvées en janvier 2014, les politiciens, hommes d’affaires et universitaires israéliens ont été pris de panique. Naftali Bennet a qualifié ce mouvement « d’acte de terrorisme économique ». Le vice-ministre des Affaires étrangères actuel, Tzipi Hotoveli, a déclaré que cette politique « récompense la terreur », et le membre de la Knesset, David Bitan, a proposé un projet de loi pour attribuer des subventions spéciales aux exportateurs des territoires occupés, un mouvement qui en fait permettrait d’identifier plus facilement ces exportateurs et donc d’étiqueter leurs produits. Benyamin Netanyahou a comparé cette politique aux politiques nazies à l’encontre des Juifs.

Les journaux israéliens ont eu une réaction mitigée. Certains ont considéré cette politique comme étant sans effet, d’autres ont averti d’une potentielle détérioration des relations entre Israël et l’Europe. D’autres journaux sont allés jusqu’à déclarer que cette politique est une pièce du boycott contre Israël, et enfin d’autre l’ont qualifiée d’antisémite.

Par conséquent, même si la portée économique du mouvement de l’UE est négligeable, son impact politique est immense. Les délégués européens qui défendent cette politique ne soutiennent pas (encore) le boycott d’Israël, mais ils agissent en sa faveur en déclenchant un débat au sein de la société israélienne sur la relation entre occupation et violation du droit international d’une part, et la situation économique d’Israël d’autre part.

- Shir Hever, diplômé de l’Université libre de Berlin et économiste au Centre d’informations alternatives.

Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à son auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des côlons juifs affrontent la police israélienne.

Traduction de l’anglais (original) par STiiL.

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