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La lutte palestinienne pour l’autodétermination : une nouvelle phase ?

Cette dernière phase de la lutte nationale palestinienne est menée de façon non violente et d’une manière qui concorde avec les plus pures traditions de la démocratie constitutionnelle

Il y a beaucoup de raisons de considérer la lutte palestinienne pour l’autodétermination comme une cause perdue. Israël exerce un contrôle paramilitaire incontesté sur le peuple palestinien, une réalité politique accentuée périodiquement par des attaques brutales contre Gaza qui occasionnent des pertes civiles massives.

La résistance armée palestinienne organisée a presque totalement disparu, ce qui limite la violence anti-israélienne au désespoir d’individus palestiniens qui agissent d’eux-mêmes et courent vers une mort presque certaine en attaquant au hasard avec de simples couteaux des Israéliens qu’ils croisent dans la rue, en particulier des soldats et ceux qu’ils pensent être des colons.

Le dialogue interne en Israël est de plus en plus limité à la question de savoir s’il est préférable de proclamer une solution israélienne à un État ou de continuer à vivre avec les ambiguïtés du statu quo. Ce dernier cas de figure implique le durcissement d’un régime d’occupation qui est déjà quasi-permanent ainsi que de nouvelles extensions des annexions de facto au cœur de l’étendue de territoire palestinien afin que l’archipel de colonies puisse continuer à se développer, mais aussi pour accentuer la judaïsation de Jérusalem et assurer un contrôle sans partage de l’ensemble de la ville.

Israël subit de moins en moins de pressions pour afficher en public une réceptivité à l’idée de négocier une paix aboutissant à la création d’un État palestinien indépendant. Les turbulences régionales au Moyen-Orient sont également utiles à Israël en ce qu’elles détournent l’attention mondiale vers le groupe État islamique, la Syrie et les vagues de migrants qui menacent la cohésion de l’Union européenne. Cette situation donne à Israël un laissez-passer et rend les revendications palestiniennes à peine visibles sur les écrans radar de l’opinion publique.

Pourtant, cette image, aussi exacte soit-elle, ne représente pas l’intégralité de l’histoire. Plusieurs évolutions donnent aux Palestiniens des motifs pour poursuivre leur lutte. L’initiative française visant à relancer des négociations bilatérales a peu de chances de contester efficacement l’unilatéralisme israélien. Néanmoins, celle-ci laisse entendre que l’Europe s’éloignerait potentiellement de l’idée d’accepter que les États-Unis forment l’unique puissance habilitée à agir en tant qu’intermédiaire international. Le cadre d’Oslo qui domine la diplomatie internationale depuis 1993 était voué à l’échec depuis sa création en permettant aux États-Unis de jouer ce rôle d’intermédiaire malgré sa partialité non dissimulée. Comment pouvait-on s’attendre à ce que les Palestiniens confient leur avenir à un « processus de paix » si biaisé ?

Cette diplomatie déficiente a été exposée aux yeux de tous, en particulier en tolérant l’expansion continue des colonies illégales d’Israël malgré l’impasse rencontrée dans les négociations ; et pourtant, cette mascarade diplomatique a pu se poursuivre parce qu’elle constituait « la seule option ».

Une question pour l’avenir consiste à savoir si les Français ou les Européens seront en mesure de créer à un moment ou un autre une diplomatie alternative plus crédible. Une telle possibilité est enfin en cours de test et des signes indiquent même que cela inquiète suffisamment Tel Aviv pour forcer Israël à accepter une nouvelle série de négociations d’Oslo inutiles, dans le seul but de saborder ce stratagème français visant à changer le cadre de la diplomatie israélo-palestinienne.

D’un point de vue réaliste, aucun compromis politique permettant d’aboutir à une paix durable n’est perceptible à l’heure actuelle sans un changement de leadership en Israël associé à un changement de l’équilibre des forces pour le rendre plus favorable aux aspirations palestiniennes.

C’est ici que nous observons les débuts d’une nouvelle phase de la lutte nationale menée par les Palestiniens depuis la Nakba de 1948. Envolés les espoirs de voir la Palestine être secourue par les armées libératrices des voisins arabes ou, plus tard, par une résistance armée palestinienne organisée. Envolé également tout espoir actuel d’une paix négociée qui mettrait un terme à l’occupation et produirait un État palestinien délimité par les frontières de 1967.

L’« État » palestinien

L’Autorité palestinienne (PA) continue de représenter le peuple palestinien sur la scène mondiale, notamment à l’ONU. De nombreux Palestiniens vivant sous l’occupation et en exil considèrent que l’Autorité palestinienne est à la fois inefficace et compromise par la corruption et une quasi-collaboration avec les occupants. L’Autorité palestinienne, après avoir timidement accepté le processus d’Oslo pendant plus de vingt ans, a timidement commencé à suivre une voie plus indépendante pour atteindre ses objectifs.

Au lieu de rechercher l’accord d’Israël pour un État palestinien accompagné du retrait de ses forces militaires et policières, l’Autorité palestinienne se fonde sur un unilatéralisme diplomatique pour créer un État palestinien tout en émettant des menaces de poursuites judiciaires visant à déclarer les politiques et pratiques israéliennes illégales, voire criminelles.

À cet égard, après avoir été bloquée par les États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Autorité palestinienne a obtenu un vote favorable à l’Assemblée générale, qui lui a accordé en 2012 le statut d’« État observateur ». Grâce à cette promotion, l’Autorité palestinienne a pu adhérer en tant que partie à des traités internationaux amplement ratifiés, obtenir son adhésion à l’UNESCO et même rejoindre la Cour pénale internationale. Il y a un an, l’Autorité palestinienne a également acquis le droit de faire flotter le drapeau palestinien aux côtés des drapeaux des membres de l’ONU à son siège new-yorkais.

À un certain niveau, ces mesures semblent être un pont menant nulle part, dans la mesure où l’occupation s’est intensifiée et cette forme d’« État » n’a apporté au peuple palestinien aucun soulagement dans leur quotidien. L’Autorité palestinienne a créé « un État fantôme » avec certains attributs officiels, mais sans aucune des structures de gouvernance liées à la souveraineté nationale.

Et pourtant, Israël, soutenu par les États-Unis, s’oppose énergiquement à chaque étape de ce cheminement et est manifestement exaspéré par les initiatives de l’Autorité palestinienne fondées sur le droit international. L’inquiétude d’Israël est compréhensible dans la mesure où cette approche adoptée par l’AP équivaut à un rejet de l’issue « Washington only » vers une solution diplomatique et place formellement Israël dans la position légalement et moralement embarrassante d’occuper indéfiniment un État reconnu à la fois par l’ONU et par environ 130 gouvernements du monde entier.

Le recours au mouvement BDS

L’autre évolution qui remplace ces phases antérieures du mouvement palestinien est un recours de plus en plus important à la société civile mondiale comme lieu de lutte décisif. Celle-ci se concentre sur divers aspects de la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) qui gagne du terrain partout dans le monde, en particulier en Occident, notamment sur les campus universitaires américains. Ce recours à des tactiques militantes non violentes a le potentiel symbolique et substantiel, si le mouvement se développe, de modifier l’opinion publique à travers le monde, y compris en Israël et aux États-Unis.

Au final, comme cela s’est produit en Afrique du Sud, le public et le leadership israéliens pourraient bien être amenés à recalculer suffisamment leurs intérêts pour s’ouvrir à un véritable compromis politique protégeant enfin de manière égale la sécurité et les droits des deux peuples.

À l’heure actuelle, Israël opte pour une variété de réponses médiatisées. Sa ligne officielle consiste à affirmer que son taux de croissance économique toujours soutenu montre que le mouvement BDS a un impact économique négligeable. Le comportement du gouvernement indique le contraire. Aujourd’hui, les think tanks israéliens et les représentants du gouvernement ne cachent plus leur inquiétude face au mouvement BDS, qui représente la plus grande menace pour l’avenir préféré d’Israël.

Une campagne de diffamation contre le mouvement BDS

Israël a lancé sa propre campagne pour punir et intimider ceux qui soutiennent le mouvement BDS et même pour criminaliser sa défense.

Le lobby israélien a été mobilisé autour de ce programme anti-BDS aux États-Unis, en poussant les législatures des États à adopter des lois sanctionnant les sociétés qui boycottent Israël en leur refusant l’accès au marché intérieur, ou à déclarer que l’activisme au sein du mouvement BDS est une forme de discours de haine pouvant être considérée comme de l’antisémitisme. Israël est même à la recherche d’une cause commune avec le groupe de plaidoyer sioniste libéral J Street aux États-Unis pour coopérer contre le mouvement BDS, une menace qu’il a précédemment rejetée d’un ton railleur.

Bien évidemment, il n’est pas nouveau d’attribuer aux détracteurs d’Israël l’étiquette d’antisémites. Ceux d’entre nous qui ont essayé de témoigner des méfaits d’Israël ont ainsi été attaqués avec un venin de plus en plus puissant au cours de la dernière décennie. L’attaque contre les membres pro-palestiniens du Parti travailliste britannique accusés d’être antisémites s’inscrit dans le cadre de ce refoulement sioniste.

Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que de nombreux dirigeants politiques occidentaux relaient ce genre de sentiments, même l’actuel secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Israël n’a pas de scrupule à attaquer l’ONU en l’accusant d’être hostile et partiale, tout en invoquant au moment opportun l’autorité des Nations unies pour discréditer ses détracteurs.

Il convient de souligner que cette dernière phase de la lutte nationale palestinienne est menée de façon non violente et d’une manière qui concorde avec les plus pures traditions de la démocratie constitutionnelle. Le fait qu’Israël et les extrémistes sionistes doivent s’opposer au mouvement BDS à travers une campagne de diffamation hideuse révèle au grand jour la faiblesse d’Israël en ce qui concerne la légitimité de ses politiques et pratiques et devrait donner aux Palestiniens de l’espoir quant au fait que leur cause est loin d’être perdue.

- Richard Falk est un spécialiste en droit international et relations internationales qui a enseigné à l’Université de Princeton pendant 40 ans. En 2008, il a également été nommé par l’ONU pour un mandat de six ans en tant que Rapporteur spécial sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : un jeune palestinien brandit le drapeau national alors que l’armée israélienne creuse à la recherche de tunnels de contrebande à la frontière à l’est de la ville de Gaza, le 15 mai 2016 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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