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Le Moyen-Orient se presse vers un avenir nucléaire

Les pays du Moyen-Orient qui se pressent pour développer l’énergie nucléaire doivent examiner attentivement les risques de sécurité soulevés par les nombreux conflits dans la région

Une manne de puissance nucléaire se profile au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Suite aux catastrophes dans les centrales de Tchernobyl et de Fukushima, de nombreux pays ont soit annulé soit suspendu leurs projets de centrales nucléaires. Cependant, au Moyen-Orient, au moins 25 centrales sont prévues et bien d’autres évoquées.

Certaines études indiquent que jusqu’à 90 installations nucléaires au total – grandes et petites – sont en projet.

Les partisans de l’énergie nucléaire affirment que les centrales sont essentielles afin d’assurer l’approvisionnement en énergie dans une région où la consommation d’électricité devrait croître de 7 % – le double de la moyenne mondiale – au cours de la prochaine décennie.

Les opposants aux centrales affirment que se lancer dans le nucléaire dans ce qui est l’une des régions géopolitiques les plus volatiles au monde pose de graves problèmes de sûreté et de sécurité. Parmi les autres préoccupations figurent les coûts d’arrosage exorbitants qu’impliquent les programmes de construction nucléaires et les problèmes en suspens concernant l’élimination des déchets radioactifs.

Les représentants du nucléaire ont été occupés dans la région ces dernières années : aux Émirats arabes unis (EAU), la centrale nucléaire de Barakah à Abu Dhabi, construite et exploitée par les Sud-Coréens, devrait entrer en fonction l’an prochain, avec l’objectif de fournir jusqu’à 25 % de l’électricité des EAU.

L’Arabie saoudite prévoit de mettre en service sa première centrale nucléaire en 2022, avec quinze autres installations de tailles diverses en projet. La Jordanie et l’Égypte ont signé des accords avec Rosatom, le conglomérat nucléaire public russe, pour la construction et l’exploitation de réacteurs.

Malgré les récentes tensions entre la Turquie et la Russie, Rosatom poursuit la construction de la première centrale nucléaire de Turquie sur la côte sud du pays.

La Tunisie et l’Algérie sont également engagées dans des discussions nucléaires avec les Russes et d’autres fournisseurs.

La justification de la poursuite de l’énergie nucléaire diffère d’un État à l’autre : pour les EAU et l’Arabie saoudite, diversifier leur approvisionnement en énergie afin de moins dépendre du pétrole et du gaz est primordial dans le cadre des efforts fournis par ces pays pour rééquilibrer leurs économies.

Pour la Jordanie et l’Égypte, qui possèdent peu de sources d’énergie, il s’agit de garantir la sécurité de l’approvisionnement : les pannes d’électricité font partie du quotidien en Égypte.

Les partisans du nucléaire se vantent également que l’énergie nucléaire – qualifiée de « neutre en carbone » – est un élément important de la lutte contre le changement climatique dans une zone considérée comme étant parmi les plus vulnérables au réchauffement climatique.

D’un autre côté, il existe bon nombre d’arguments contre un programme nucléaire aussi important dans la région. Israël, qui n’a jamais divulgué ses capacités nucléaires – que ce soit à usage civil ou militaire, a lancé des frappes aériennes contre des installations nucléaires en Irak et en Syrie.

Si une guerre devait éclater quelque part au Moyen-Orient, les réacteurs nucléaires de la région deviendraient-ils des cibles ? Les conséquences seraient probablement dévastatrices.

Il existe actuellement une controverse sur le programme nucléaire iranien et le potentiel de l’énergie nucléaire à des fins militaires.

D’autres États rivaux dans la région seraient-ils tentés d’utiliser leur savoir-faire nucléaire à des fins militaires ? Ou encore, l’État islamique ou d’autres groupes terroristes pourraient-ils s’emparer de matières nucléaires ou prendre le contrôle d’un réacteur nucléaire, prenant un État en otage ?

Malgré des années de construction et de développement, l’énergie nucléaire est en déclin dans de nombreuses régions du monde, avec sa part dans l’électricité mondiale en baisse de 18 % en 1996 à environ 11 % aujourd’hui, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Le nucléaire est devenu démodé dans plusieurs pays et pas seulement à cause des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima : les nouvelles exigences en matière de sécurité signifient que le coût de la construction des installations nucléaires augmente rapidement.

Le coût de l’installation de Barakah aux EAU est estimé entre 25 et 32 milliards de dollars, la plus grande partie étant payée par des fonds publics. L’estimation du coût initial du programme nucléaire de l’Arabie saoudite – impliquant des entreprises sud-coréennes, argentines, chinoises et françaises pour la construction des installations à la fois en vue de la production d’électricité et du dessalement – est de 80 milliards de dollars.

L’Égypte et la Jordanie ne sont pas en mesure de financer leurs projets nucléaires – plus de 20 milliards de dollars pour le premier et 10 milliards de dollars pour le second. La Russie offre des conditions de prêt généreuses pour les deux projets, mais cela soulève d’autres questions.

D’aucuns supposent que la Russie utilise son industrie nucléaire dans le cadre de sa stratégie géopolitique globale au Moyen-Orient.

En finançant et en fournissant le combustible ainsi que l’expertise pour exploiter des installations nucléaires, Moscou peut exercer une influence politique considérable sur ses clients nucléaires.

Les déchets nucléaires, et le problème encore en suspens de leur élimination, constituent une autre source de préoccupation.

L’élimination des déchets est une entreprise très coûteuse : le démantèlement d’une centrale nucléaire lorsque sa durée de vie est épuisée peut coûter autant que sa construction.

Il y a une longue liste d’autres inquiétudes en ce qui concerne l’énergie nucléaire dans la région. Bien que les Émirats arabes unis et d’autres fassent des efforts pour former leur personnel, il y a un manque chronique d’expertise nucléaire, non seulement dans la région mais dans le monde entier.

Des préoccupations ont également été soulevées au sujet de la disponibilité de l’eau, un ingrédient essentiel dans la plupart des processus nucléaires, dans une zone soumise à des pénuries d’eau aiguës.

Pour beaucoup, la solution aux problèmes énergétiques de la région n’est pas le nucléaire mais un réajustement fondamental des économies nationales, en particulier dans les pays du Golfe.

Pendant trop longtemps, l’Arabie saoudite et d’autres ont encouragé des habitudes de consommation déraisonnables, octroyant de trop généreuses subventions au secteur de l’énergie et encourageant un gaspillage massif.

Les analystes de l’énergie estiment que plutôt que de dépenser des milliards de dollars pour des projets nucléaires de prestige, les subventions devraient être supprimées pour limiter l’usage et des sources d’énergie alternatives devraient être développées.

L’utilisation de l’énergie solaire est encore minime dans de nombreux pays de la région mais cette énergie dispose d’un énorme potentiel.

Selon les experts, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord devraient suivre l’exemple du Maroc, où la centrale solaire géante Noor est récemment entrée en service. Rabat assure que lorsqu’elle sera pleinement opérationnelle, la centrale fournira 15 % de l’électricité du pays.

- Kieran Cooke, ancien correspondant à l’étranger pour la BBC et le Financial Times, collabore toujours avec la BBC et de nombreux autres journaux internationaux et des radios.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des visiteurs se tiennent près du stand d’Emirates Nuclear Energy Corporation, lors de l’ouverture du Forum mondial de l’énergie 2012, au parc des expositions de Dubaï, le 22 octobre 2012 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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