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Les pubs Syria Always Beautiful d’Assad ne peuvent dissimuler l’horrible vérité

Le président syrien et ses copains des relations publiques peuvent prétendre que « tout est normal » en Syrie, mais personne ne doit être dupe

Le chef d’un service psychiatrique faisait sa ronde habituelle auprès des différents patients de son service lorsqu’il tomba sur un groupe paradant sur des motos imaginaires, imitant des sons de moteur. Le médecin fut alors surpris de voir l’un des patients assis tranquillement à fumer une cigarette, ne montrant aucun signe de folie.

Heureux de cette découverte, les médecins s’adressèrent à cet homme, l’informant qu’il était guéri et qu’il n’y avait aucune raison pour qu’il reste interné. Il pouvait les accompagner à l’administration où il aurait les papiers pour sa sortie.

Le régime d’Assad a perdu tout contact avec la réalité politique tant au niveau national qu’à l’étranger

Le patient, heureux d’apprendre sa sortie imminente, regarda le médecin, tourna la clé de contact de sa moto imaginaire et répondit : « Pour sûr, montez, je vais nous y conduire. »

Cette anecdote résume l’approche de Bachar al-Assad vis-à-vis de la guerre civile qui a englouti la Syrie ces cinq dernières années. Récemment, deux événements particuliers ont mis en évidence à quel point le régime d’Assad a perdu tout contact avec la réalité politique tant au niveau national qu’à l’étranger.

Dans une initiative désespérée et pour le moins maladroite, le ministère syrien du Tourisme a lancé une campagne pour promouvoir le tourisme et montrer comment, malgré ses divers défis, la Syrie continuera à attirer les touristes du monde entier.

La quasi-totalité des images et des lieux promus par cette campagne porte sur les zones côtières syriennes qui se trouvent au centre de l’enclave alaouite, laquelle reste relativement à l’abri des troubles tout autour.

Les publicités « Syria Always Beautiful », qui ont inondé les réseaux sociaux, surviennent au moment où tous les pays de la Méditerranée, comme la Syrie, entrent dans la basse saison touristique qu’est l’automne.

On se demande bien pourquoi le régime lancerait une telle campagne en sachant pertinemment que plus de 10 millions de ses citoyens ont été transformés en réfugiés dans le pays ou à travers le monde et que nul mortel sensé ne choisira la Syrie comme destination de vacances.

Cependant, à en juger par la promotion de la vidéo, le message qu’Assad souhaite envoyer est clair : en dépit de la mort d’au moins 400 000 Syriens et du fait que plus de 80 % du pays est en ruines, la région alaouite ainsi que Damas, siège du pouvoir, sont encore debout.

Le ministère syrien du Tourisme a intentionnellement ignoré le fait que les deux villes historiques d’Alep et Palmyre ont été toutes deux pratiquement rasées, soit par le régime soit par le tout aussi barbare État islamique.

Cette tentative désespérée du régime de montrer que tout va bien est difficile à poursuivre. Le contrôle d’Assad sur son pays a beaucoup décliné et il a été mis sur la touche par ses alliés russes et les groupes pro-iraniens menant une soi-disant « guerre contre le terrorisme » en son nom.

S’enfoncer toujours plus bas

Cet échec national s’est également étendu à la capacité d’Assad à jouer un rôle régional, en particulier de l’autre côté de la frontière, au Liban, qui, jusqu’en 2005 (date du retrait de son armée), était sous protectorat syrien.

À presque 65 km de la côte syrienne, la ville libanaise de Tripoli a porté un coup politique majeur à Assad plus tôt ce mois-ci lorsque deux responsables de ses services de renseignement ont été inculpés pour le double attentat à la bombe contre les mosquées al-Taqwa et al-Salam en 2013.

Cibler un lieu de culte à l’étranger est bien bas, même pour Assad

La ville de Tripoli, avec sa majorité sunnite, s’était soulevée en soutien à la révolution syrienne, ce qui avait provoqué une série d’affrontements confessionnels entre les habitants du quartier alaouite de Jabal Mohsen et les partisans des soulèvements.

Le point culminant des affrontements a eu lieu le 23 août 2013, lorsque des explosions distinctes ont ciblé deux mosquées sunnites tandis que des fidèles sortaient après la prière du vendredi, tuant au moins 40 civils et en blessant des centaines d’autres.

Naturellement, ce crime odieux a été imputé au régime d’Assad qui cherchait à élargir davantage le fossé entre les confessions dans la ville.

Bien que Tripoli soit un foyer d’activités anti-Assad, cibler un lieu de culte à l’étranger était bien bas, même pour Assad.

Aussi irréaliste que cela puisse paraître sur le plan politique, de nombreux Libanais ont demandé l’extradition de ces deux officiers syriens pour qu’ils soient jugés au Liban ou, sinon, la rupture des relations diplomatiques libano-syriennes marquée par le rappel de la mission libanaise en Syrie et par la déclaration persona non grata de l’ambassadeur de Syrie au Liban.

Prise de conscience

Depuis 1976, date à laquelle l’armée syrienne est entrée au Liban, la plupart des crimes qui portent les marques du régime syrien ont été balayés sous le tapis. Pas une seule fois les autorités judiciaires libanaises n’ont officiellement impliqué un quelconque responsable syrien d’un crime politique perpétré sur le sol libanais.

Cela a néanmoins changé en 2012 avec l’arrestation et inculpation de l’ancien ministre Michael Samaha qui, sous les ordres d’Assad, conspirait en vue de cibler les lieux de culte musulmans et chrétiens, avec l’intention de fomenter des troubles civils.

Abstraction faite de l’aspect judiciaire des deux affaires et de l’étendue du suivi des autorités libanaises en la matière, ces exemples ont durement fait prendre conscience à Assad que le Liban, ainsi que plus de 80 % de la Syrie, sont en dehors de sa portée.

En outre, Assad doit prendre conscience que le Hezbollah ne le laissera pas se servir du groupe comme couverture - surtout lorsque cela concerne la communauté sunnite libanaise, et plus encore lorsque ces actions pourraient déclencher une guerre confessionnelle à grande échelle.

L’assassinat de Libanais et de Syriens par Assad et ses associés ne peut pas être oublié par une vidéo vantant la beauté naturelle de la Syrie, ni en se contentant de rejeter ces allégations en les qualifiant de conspirationnistes et de fausses.

La décision d’Assad de rester parfois ostensiblement silencieux ne devrait pas conduire à sous-entendre qu’il est le plus sensé de la pièce et la communauté internationale ne devrait pas travailler avec lui parce qu’il semble, pendant de courts instants, guéri de sa démence politique.

On doit constamment garder à l’esprit la vraie nature d’Assad afin d’éviter de se retrouver embarqués dans la virée dont d’autres dictateurs de la région et lui profitent depuis des années.

Makram Rabah est doctorant en histoire à l’Université de Georgetown. Il est l’auteur de A Campus at War: Student Politics at the American University of Beirut, 1967–1975, et coopère régulièrement comme éditorialiste pour le site d’information Now Lebanon.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : le président syrien Bachar al-Assad partage l’iftar avec des soldats syriens le 26 juin 2016 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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