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Les véritables racines du conflit entre l'Iran et l'Arabie saoudite

Cette région est ébranlée par un violent conflit sectaire qui ne peut être ignoré

Quelques heures à peine après son exécution, le cas du cheikh Nimr al-Nimr, ressortissant saoudien et opposant chiite au gouvernement saoudien, s'est transformé en une crise régionale qui a attisé le conflit entre l'Iran et ses ennemis parmi les États arabes voisins. De nombreux ressortissants saoudiens sunnites ont été exécutés en même temps, mais le cas de Nimr al-Nimr montre comment l'appartenance sectaire est devenue une force omniprésente au Moyen-Orient. 

L'Iran et ses alliés dans la région, qui ont organisé des manifestations contre l'Arabie saoudite, n'étaient pas bouleversés par la sentence de mort en elle-même, ni par le nombre de Saoudiens chiites exécutés en même temps. Ils n'étaient pas non plus préoccupés par le processus judiciaire ayant mené à l'exécution.

Ce qui les a poussés à prendre d'assaut l'ambassade saoudienne à Téhéran et son consulat à Mechhed est l'exécution de Nimr al-Nimr. L'appartenance chiite de Nimr al-Nimr, censée n'être qu'un élément insignifiant de sa qualité de citoyen saoudien, est devenue un élément fondamental de son identité non seulement en Iran, mais aussi en Irak et au Liban.

Cette région est ébranlée par un violent conflit sectaire qui ne peut être ignoré.

L'Iran est peut-être le principal responsable de l'utilisation accrue de l'argument sectaire pour la réalisation d'objectifs politiques. L'Iran soutient le processus de transformation du discours des forces politiques opposées à l'ancien régime irakien en un discours purement chiite au moins depuis les années 1990. Il s'est démené pour générer des groupes d'opposition chiites, et purement chiites, afin de défier les États du Golfe abritant des minorités chiites.

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Et bien que le soutien iranien au régime de Bachar al-Assad soit motivé par de nombreuses raisons, il est difficile d'ignorer la dimension sectaire qui se cache derrière cet engagement irrationnel pour la préservation d'un régime despotique et fasciste qui fait face à une révolution menée par la majeure partie de son peuple. 

Le gouvernement de la République islamique d'Iran, issu d'une révolution majeure du peuple islamique, s'est tout d'abord exprimé au moyen d'un discours islamique universel. Mais il a connu une transformation considérable au cours des dernières décennies.

Tout comme dans n'importe quel État se targuant de posséder un héritage historique majeur et se considérant comme un acteur régional et international de premier plan, la politique étrangère iranienne est alimentée par différents moteurs. L'un d'entre eux est l'affiliation islamique universelle. Un deuxième est lié aux intérêts nationaux et géopolitiques de l'Iran. Un troisième concerne l'identité sectaire chiite et l’ambition de l’Iran de devenir un État de premier plan pour tous les chiites du monde. 

Pour des raisons qui ne peuvent être divulguées à présent, il semblerait que l'affiliation islamique universelle ait sensiblement reculé à la fin de la guerre Iran-Irak pour être remplacée, de façon assez constante, par des ambitions géopolitiques et sectaires.

Les musulmans chiites et sunnites de toutes dénominations se sont affirmés à mesure que les concepts spécifiques à chaque dénomination ont pris forme aux troisième et quatrième siècles après la naissance de l'islam. Être chiite est une chose, mais considérer l'affiliation chiite comme un facteur fondamental de la sensibilité politique ou de la position sociale est complètement différent. 

Des centaines voire des milliers de jeunes hommes chiites ont pris les armes et combattu dans les rangs du Fatah et d'autres factions de l'Organisation de libération de la Palestine au nom de la résistance et sous la bannière d'objectifs liés à la liberté et à l'indépendance des Arabes. Aujourd'hui, des milliers d'autres jeunes Libanais chiites prennent eux aussi les armes au nom de la résistance, mais dans le but de mettre leur secte en avant et de lui donner la préséance.

Même en Irak, il semble évident que des dizaines de milliers de jeunes chiites recrutés dans les rangs des Unités de mobilisation populaire combattent principalement pour des motifs sectaires liés à l'hégémonie chiite en Irak et à ses ressources, et non dans le but de libérer l'Irak ou de préserver son unité nationale et son indépendance. 

Ces motivations sectaires sont exactement les mêmes que celles qui ont conduit des milliers de jeunes chiites, Irakiens ou non, à combattre la révolution du peuple syrien et ses forces armées en Syrie.

Toutefois, le conflit sectaire n'est pas le seul symptôme du déclin politique et social grandissant en Orient.

Depuis des décennies, les Kurdes ont combattu en Irak, puis en Turquie et en Iran et, enfin, en Syrie dans le but d'établir une entité nationaliste kurde. Face aux États nationalistes arabes, iranien et turc, une part importante de la population kurde considérait qu'elle avait le droit d'établir son propre État nationaliste.

La principale variable du mouvement nationaliste kurde armé est qu'il ne s'agit désormais plus d'un phénomène confiné aux frontières des pays du Kurdistan. En vérité, la plupart des organisations et des partis nationalistes kurdes créés séparément au sein de ces pays a décliné, voire disparu, pour être remplacée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui opère sous différents noms en Turquie, en Syrie et en Iran avec un même horizon stratégique.

Évidemment, l'importance accrue de l'identité n'est pas un phénomène purement oriental. Dès l'effondrement du bloc de l'Est et la fin de la guerre froide, des conflits nationalistes ont éclaté dans les Balkans, déclenchant une série de guerres sanglantes. Quoique de manière plutôt pacifique, la Tchécoslovaquie a été divisée en deux États. L'Irlande du Nord, où les appartenances ethniques et religieuses ont joué un rôle majeur dans le conflit, a subi une guerre dévastatrice des années 1960 jusqu'aux années 1990. En Grande-Bretagne, l'un des plus anciens États centraux modernes, l'Écosse a failli quitter le Royaume-Uni il y a quelques mois. 

Le problème en Orient est que l'intensification du conflit d'identité a lieu alors que les États eux-mêmes sont très affaiblis. 

Au Maroc, où l'État a en grande partie conservé sa cohésion, les Marocains ont trouvé une solution appropriée et satisfaisante à la question des Berbères. Il semble que l'Algérie suive la même voie. Cependant, les pays du Moyen-Orient ne bénéficient pas de la même légitimité et des mêmes facteurs de cohésion et d'existence. Et il semblerait que la faiblesse de l'État et le conflit d'identité s'alimentent mutuellement.

Suite à l'invasion et à l'occupation, l'État irakien fait face à une profonde crise de légitimité depuis sa création. La classe politique irakienne s'est montrée si pathétique et irréfléchie qu'elle a laissé la crise de légitimité de l'État s'éterniser.

Peut-être que l'État islamique ne se serait pas emparé de plus d'un tiers du pays si les millions de sunnites des provinces d'al-Anbar, de Ninive et de Salah ad-Din adhéraient à leur État et le considéraient comme leur représentant. Il est très peu probable que l'armée, dernier bouclier de l'État établi après l'invasion et l'occupation de l'Irak, ait adopté la doctrine d'appartenance réelle à son État et à toutes les communautés qui y vivent. 

La situation de l'État syrien est bien pire que celle de l'État irakien. Le contrôle exercé par Damas sur les territoires et les frontières de l'État syrien est désormais très limité et le rôle de l'armée syrienne dans la défense du régime syrien a décliné au profit du rôle régional joué par l'Iran, la Russie et les chiites. Il est évident que la majorité de la population syrienne ne voit plus aucune légitimité ni perspective d'avenir pour le régime de Damas. 

La situation du Liban n'est guère plus enviable. Malgré des signes illusoires de stabilité, les Libanais échouent depuis des mois à trouver un accord pour élire un nouveau président pour leur pays où les milices armées, qui sont entièrement indépendantes de la structure étatique, disposent de capacités qui surpassent celles de l'armée gouvernementale et des organismes de sécurité.

Les guerres d'identité contribuent à l'affaiblissement et au déclin des États. Plus l'État s'affaiblit, plus la souveraineté s'érode, et plus ces guerres s'intensifient et jettent une ombre grandissante sur l'ensemble de la région.

– Basheer Nafi est chargé de recherche principal au Centre d'études d'Al-Jazeera.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des collégiennes libanaises participent à une manifestation contre l'exécution par les autorités saoudiennes de l'éminent cheikh chiite Nimr al-Nimr (sur les affiches) le 13 janvier 2016 dans la ville de Nabatieh au sud du Liban (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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