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Ne faites pas l’amalgame entre le terrorisme du PKK et le peuple kurde

La presse internationale passe son temps à présenter à tort la guerre menée par la Turquie contre les militants du PKK comme une bataille contre la communauté kurde de ce pays

C’est la troisième fois en cinq mois qu’Ankara, la capitale turque, est visée par des attentats. Deux de ces attaques ont été le fait de groupes militants kurdes, que l’on a qualifiés de terroristes. La troisième provenait du groupe État islamique, que la Turquie range également parmi les organisations terroristes. Cependant, tout comme Daech ne représente pas véritablement l’islam, il ne faut pas considérer les terroristes kurdes comme représentatifs de la communauté kurde, qui est majoritairement pacifique.

La presse internationale passe son temps à présenter à tort la guerre menée par la Turquie contre les militants du PKK comme une bataille contre la communauté kurde de ce pays. De plus, il n’y a eu que peu d’exemples de solidarité internationale envers la Turquie, qui doit faire face à cette violence horrible et inhumaine. Même sur la scène diplomatique, les premiers États à condamner officiellement les attaques de dimanche dernier ont été les actuels ennemis de la Turquie – la Russie et Israël – et non ses alliés au sein de l’OTAN.

Ces alliés – ainsi que leur presse hostile – ont tout oublié des multiples attaques terroristes qui ont visé la Turquie. Le double attentat-suicide perpétré par Daech à Ankara le 10 octobre a tué 102 personnes, devenant l’attentat le plus meurtrier dans l’histoire de cette république.

Le 17 février, la Turquie a été victime d’un nouvel attentat, organisé cette fois par un membre des Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), une faction dissidente constituée de militants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

L’assaillant, qui a rejoint les rangs du groupe syrien affilié au PKK connu sous le nom d’Unités de protection du peuple (YPG) – soutenu à la fois par les États-Unis et la Russie – s’était présenté aux services de l’immigration de Gaziantep en tant que réfugié kurde syrien. Il a tué 29 personnes à seulement quelques mètres du quartier général de l’état-major et du ministère de la Défense à Ankara.

La troisième et dernière attaque d’Ankara a été perpétrée par le PKK. En moins de 24 heures, plusieurs organes de presse ont rapporté que cet attentat avait pour responsable Seher Çağla Demir, âgée de 24 ans. Elle était étudiante à l’université de Balıkesir et, selon le témoignage de son père, elle avait coupé les ponts avec sa famille il y a trois ans. Il est également important de noter qu’elle faisait l’objet d’un procès pour son appartenance au PKK et pour actes de propagande. Son avocat était maître Hüseyin Boğatekin, qui représente le dirigeant du PKK Abdullah Öcalan, actuellement en prison.

Le PKK avait annoncé l’attentat

Suite à l’attaque d’Ankara du 17 février, Duran Kalkan, l’un des principaux dirigeants du PKK, avait déclaré que la Turquie affronterait encore des milliers d’attentats à la bombe similaires à celui d’Ankara. « Nous sommes témoins de cette colère qui règne à Ankara. Il pourrait y en avoir des milliers d’autres ou bien aucun… Le mois de mars 2016 marque le début d’une résistance à grande échelle », a-t-il annoncé, en ajoutant que le printemps à venir deviendrait le « printemps kurde ».

Ce dirigeant du PKK qui parle d’un printemps kurde – comme beaucoup d’autres figures militantes de ce groupe – n’est pas kurde lui-même, et, s’il a intégré cette organisation, c’est uniquement pour l’idéologie communiste qu’elle véhicule.

Deux jours seulement avant l’attaque de dimanche, le PKK avait annoncé unir ses forces avec celles de huit autres groupes communistes afin de former une nouvelle alliance sous le nom de « Mouvement révolutionnaire uni des peuples » (HDBH). Dans une vidéo publiée par le groupe, on peut entendre Duran Kalkan annoncer que cette alliance a été mise en place pour « rassembler notre puissance afin de donner plus de force à la révolution », qui comprend « la lutte armée contre la Turquie ».

L’hebdomadaire allemand Der Spiegel a interviewé des militants du PKK du sud-est de la Turquie, et a rapporté que la région attend le printemps : « c’est à ce moment que la véritable guerre aura lieu ». Sous le coup des frappes aériennes touchant ses refuges secrets au milieu des montagnes du nord de l’Irak ainsi que des opérations menées dans les districts où le couvre-feu est imposé, le PKK se prépare pour une guerre totale au printemps : elle sera son dernier recours.

Qui est responsable de la fin du cessez-le-feu et du déplacement du conflit vers les villes ?

Prenant pour prétexte les problèmes syriens et la menace de Daech, le PKK a officiellement déclaré qu’il mettait fin au cessez-le-feu avec le gouvernement le 11 juillet dernier, avant de débuter sa campagne armée à Şanlıurfa par le meurtre de deux agents de police à leur domicile pendant leur sommeil.

Depuis l’expansion de Daech, de nombreux organes de presse présentent le PKK et ses affiliés de Syrie et d’Irak comme des « combattants pour la liberté ». Du fait de sa dimension laïque et de son grand nombre d’affiliés aux noms variés, ce groupe disposait de toutes sortes d’occasions de s’attirer des soutiens au nom du combat contre Daech en Syrie. Les YPG ont alors commencé à recevoir d’importantes aides militaires de la part des États-Unis.

Les violations du cessez-le-feu par le PKK – et notamment les 720 attaques à la bombe qui ont eu lieu pendant le processus de réconciliation – lui ont ouvert la voie pour entamer une nouvelle guerre contre la Turquie, et, cette fois, pas seulement dans les zones rurales et montagneuses, mais aussi dans les zones urbaines, où des fossés sont creusés et des barricades érigées.

Le gouvernement a pris des mesures sérieuses pour éloigner les militants des districts du Sud-Est, et il a commencé à imposer des couvre-feux dans certaines régions en décembre. Plusieurs districts avaient alors été débarrassés du PKK, et le couvre-feu est toujours imposé dans certains secteurs. Depuis le 2 décembre, les forces de sécurité ont tué de nombreux militants du PKK et détruit des milliers d’explosifs en leur possession ; ils ont également démantelé leurs barricades et rebouché leurs fossés.

Apparemment, du 7 juin 2015 au 19 février 2016, le PKK et ses affiliés ont appelé au moins 118 fois au lancement d’un printemps kurde sans obtenir le soutien de l’opinion publique.

Les Kurdes de Turquie, dont beaucoup sont des musulmans pratiquants, ont toujours gardé leurs distances avec le PKK, à cause non seulement de son idéologie extrémiste, mais aussi de ses attaques lancées au hasard qui n’ont aucune explication rationnelle possible. Depuis l’époque où il n’était même pas permis d’avoir une cassette de musique kurde dans sa maison, la démocratie turque a progressé au cours des dernières décennies, et, pour les Kurdes, il est à nouveau possible de comprendre ce que c’est qu’être un citoyen de ce pays.

Le HDP sur la sellette

Les sondages montrent que l’opinion publique perçoit le Parti démocratique des peuples (HDP), un parti pro-kurde qui dispose de sièges au parlement, comme un allié du PKK. Environ la moitié des députés du HDP sont issus d’organisations extrémistes marxistes « révolutionnaires » sans être kurdes eux-mêmes. En raison de leur attitude indulgente vis-à-vis du terrorisme imposé par le PKK, ils ont perdu en novembre dernier plus d’un million d’électeurs au profit du Parti de la justice et du développement (AKP), qui est le parti au pouvoir. En cas de nouvelle élection, il est très probable qu’ils perdent encore plus de sièges.

Les gens, et principalement ceux qui vivent hors de la Turquie, ne savent pas ou ne veulent pas savoir à quel point l’AKP bénéficie du soutien des Kurdes de Turquie.

Au lieu de faire pression pour aboutir à une solution politique au sein du parlement et de condamner le PKK, le HDP a choisi de se comporter comme le porte-parole indirect de ceux qui ont envoyé des kamikazes dans les villes. Suite à l’attaque de février, le HDP a refusé de signer une déclaration conjointe condamnant le terrorisme, qui avait été signée par chacun des trois autres partis politiques siégeant au parlement.

En dehors de l’acte de condamnation, une parlementaire du HDP, Tuba Hezer, a participé à la cérémonie en mémoire de l’auteur de l’attentat-suicide du mois dernier, Abdülbaki Sönmez. « Le PKK a le pouvoir de mettre la Turquie au pied du mur », a déclaré au cours d’un meeting de campagne le député HDP de la province de Hakkari, Abdullah Zeydan. Ziya Çalışkan, député HDP de la province de Sanlıurfa, au Sud-Est, a assisté à l’enterrement de l’un des deux terroristes du PKK qui s’en sont pris au poste de police d’Adana.

Quant à l’attaque de dimanche, le HDP a condamné l’attentat mais pas ses auteurs. Cette condamnation a néanmoins reçu une couverture médiatique internationale plus importante que la participation aux enterrements de membres du PKK, ce qui suit la logique de l’histoire d’amour qu’entretiennent les médias occidentaux avec le HDP. Cependant, ce mardi, le HDP a de nouveau refusé de signer une « déclaration conjointe » contre le terrorisme qui avait été signée par tous les autres partis représentés au parlement.

Les enfants soldats kurdes

En Turquie, l’opinion publique n’est pas très indulgente à l’égard du co-président du HDP, Selahattin Demirtaş, qui, en septembre, a remis en cause la politique antiterroriste turque en posant la question suivante : « Que pourra-t-on résoudre en bombardant l’ensemble des provinces sous le prétexte que quelques jeunes ont pris les armes ? ». Il a fait l’objet de sévères critiques au sein de l’opinion, qui lui a reproché de légitimer le fait que des jeunes puissent parcourir les rues avec des armes.

Par ailleurs, Selahattin Demirtaş ne s’est pas exprimé lorsque plus de 350 mères kurdes ont manifesté devant un bâtiment municipal pour réclamer que le HDP contraigne le PKK à relâcher leurs enfants prisonniers qui sont privés de leur vie et de leur avenir.

Contrairement à Daech, pour lequel le monde entier condamne à juste titre le recrutement d’enfants soldats, la communauté internationale semble moins se préoccuper du fait que des enfants kurdes puissent recevoir la mission de combattre au service du PKK et des autres groupes qui en dépendent. Les responsables mondiaux pensent rendre service à la cause kurde en passant sous silence les violences subies par les enfants kurdes livrés aux mains des dirigeants activistes du PKK.

La seconde coprésidente du HDP, Figen Yüksekdağ, s’est également exprimée en faveur du PKK, le décrivant comme « un mouvement de libération nationale ainsi qu’une organisation qui se bat pour la démocratie et l’égalité ». Ertuğrul Kürkçü, député HDP d’Izmir, a refusé de condamner les attaques terroristes du PKK contre les forces de sécurité turques.

Les Kurdes qui ont voté pour le HDP n’avaient pas pour objectif que ce parti soit l’outil du PKK, ils voulaient plutôt qu’il les représente au parlement avec dignité.

Les Kurdes irakiens se rangent du côté de la Turquie

Le quartier général du PKK est installé au nord de l’Irak, mais il n’est pas non plus le bienvenu pour les Kurdes de la région. Massoud Barzani, président du Gouvernement régional du Kurdistan, a reproché au PKK d’avoir mis fin au processus de paix ; il a également réclamé que le groupe quitte sa région.

Le Gouvernement régional du Kurdistan irakien a aussi accusé le PKK d’entraver son combat contre Daech et a violemment condamné les tentatives du PKK d’établir l’autonomie de la province irakienne de Sinjar. Le PKK s’attaque sans relâche à l’oléoduc reliant le Gouvernement général du Kurdistan à la Turquie, infligeant aux Kurdes irakiens la perte de millions de dollars chaque mois.

Tous les Kurdes syriens ne soutiennent pas les YPG

Quant à la situation des Kurdes syriens, le PYD, groupe syrien affilié au PKK, et son bras armé, les YPG, ont profité de l’atmosphère chaotique qui règne dans le pays pour repousser treize partis kurdes syriens hors du pays et ainsi prendre le contrôle des zones kurdes.

On pense que ce groupe représente environ 15 % des Kurdes, et ceux qui s’élèvent contre lui sont emprisonnés, quand on ne les contraint pas à quitter le pays. Le professeur Mustafa Müslim, qui est le frère du dirigeant du PYD Salih Müslim, fait partie des milliers de personnes qui ont dû fuir leur ville de Kobané pour leur rejet de l’idéologie du PKK.

Salih Müslim, qui accuse en permanence la Turquie de soutenir Daech, s’est lui-même contredit lorsqu’on a découvert que le responsable de la première attaque d’Ankara était un militant du PKK qui s’était battu aux côtés des YPG. Il avait alors déclaré que son groupe n’avait aucune responsabilité dans cette attaque, avant de la rattacher au « combat de la Turquie contre Daech ».

Pourquoi ?

Dans les semaines à venir, la Turquie prévoit de poursuivre ses opérations militaires dans les districts du Sud-Est tandis que les militants creusent toujours plus de fossés et que les soutiens du PKK publient dans leurs journaux des gros titres comme « Le printemps arrivera bientôt, rien ne peut plus l’empêcher » quelques heures seulement après l’attentat d’Ankara.

Des milliers d’habitations ont subi de lourds dégâts lors des opérations des quatre derniers mois, et l’on rapporte que beaucoup d’entre elles ont été pillées par les militants. Le gouvernement a annoncé qu’il n’oublierait pas ce secteur et qu’il donnerait compensation à ceux qui ont souffert du terrorisme dans la région.

Les citoyens kurdes de Turquie – comme toutes les autres composantes du pays – ont le droit légitime de vouloir de meilleures conditions de vie et des droits plus importants, mais ce n’est pas pour cela que se battent le PKK, ses affiliés et leurs porte-paroles. Pour quelle cause risquent-ils leur vie, exactement ? Peut-être pour une idéologie étrangère, mais certainement pas pour les droits du peuple. Si vous vivez dans une région contrôlée par ces militants, vous savez qu’ils ne permettent que peu de droits et de libertés. Et que Dieu vous aide si vous ne partagez pas leurs opinions.

-Mehmet Solmaz est un journaliste turco-britannique qui couvre l’actualité en Turquie et la région avoisinante pour le journal Daily Sabah. Il apparaît fréquemment dans les médias internationaux pour commenter la vie politique et la diplomatie turques.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : la famille de Destina Peri Parlak, victime de l’attaque terroriste d’Ankara, se recueille auprès de son cercueil lors d’une cérémonie funèbre dans la mosquée du cimetière Karşıyaka, le 15 mars 2016 à Ankara, en Turquie (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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