Netanyahou est face à une possible guerre civile
Ces dernières semaines, Israël s’est interrogé : les récents événements meurtriers sont-ils le début d’une nouvelle intifada ou une simple explosion périodique de violence ? Le meurtre de deux colons près de Naplouse jeudi et celui de deux Israéliens dans la vieille ville de Jérusalem samedi, associés à des affrontements à grande échelle dans toute la Cisjordanie et à Jérusalem, ont apporté une réponse. Israéliens et Palestiniens entrent dans une nouvelle phase de leur conflit, qu’on la qualifie d’intifada ou non.
Lors du Conseil des ministres prévu lundi, le Premier ministre Benjamin Netanyahou fera certainement l’objet de critiques. Le parti du Foyer juif, dirigé par le ministre de l’Éducation Naftali Bennett et la ministre de la Justice Ayelet Shaked, prétendra certainement que sa soi-disant approche modérée envers les Palestiniens a conduit à l’actuelle escalade de la violence. Des voix similaires se font entendre au sein de son propre parti, le Likoud.
Les revendications de Bennett et Shaked sont vagues ou difficiles à appliquer. Ils voudraient que les soldats et policiers « aient les mains plus libres » vis-à-vis des Palestiniens ; pourtant, le meurtre d’une Palestinienne la semaine dernière à Hébron suggère que les soldats n’ont pas vraiment les mains liées. Ils voudraient également que de nouveaux quartiers juifs soient construits en Cisjordanie ; mais même si une telle décision venait à être prise, il faudra des années pour que cela se concrétise. Et ils veulent renvoyer en prison les Palestiniens libérés il y a deux ans lors de l’accord pour la libération du soldat israélien Gilad Shalit, mais cette démarche soulève de graves problèmes juridiques.
Pourtant, même si Netanyahou résiste à cette pression politique, il doit faire aujourd’hui des choix vraiment difficiles. Dans une certaine mesure, son gouvernement est confronté à une situation plus difficile et plus compliquée que l’été dernier avant le lancement de l’opération « Bordure protectrice » à Gaza. Israël a dans sa manche une réponse militaire aux roquettes lancées depuis Gaza : réagir de manière disproportionnée contre la bande de Gaza contrôlée par le Hamas.
L’ennemi à l’intérieur
Cette fois, l’armée israélienne n’a pas en face d’elle une zone facilement définie comme « territoire ennemi ». L’attaque de jeudi près de Naplouse a eu lieu sur une route dans la zone C de Cisjordanie, c’est-à-dire entièrement sous contrôle israélien. L’attaque dans la vieille ville de Jérusalem s’est produite dans une ville qu’Israël a annexée il y a 48 ans et dans laquelle l’Autorité palestinienne et ses forces n’ont pas leur mot à dire.
Israël ne peut pas envoyer ses F-16 bombarder la vieille ville de Jérusalem, à quelques centaines de mètres du Mont du Temple/Haram al-Sharif. Il ne peut non plus les envoyer attaquer al-Bireh, la ville palestinienne d’où venait l’agresseur de Jérusalem, puisque al-Bireh borde la colonie de Psagot. Alors que le retrait israélien de la bande de Gaza en 2005 y a facilité le recours à une force excessive par l’armée israélienne contre ses cibles présumées, la situation en Cisjordanie et à Jérusalem (comprenant 600 000 colons) est complètement différente.
Même les appels à une nouvelle « opération Rempart », nom donné à la réoccupation par Israël de villes palestiniennes en Cisjordanie en 2002 dans le but de réprimer la seconde Intifada, semblent plutôt vains. Comme peuvent en témoigner les habitants de Ramallah, Bethléem et Jénine, les forces israéliennes pénètrent régulièrement dans les villes et villages palestiniens en Cisjordanie. Nul besoin de réoccuper des zones où l’armée israélienne est déjà présente.
Dans des cas similaires par le passé, Israël brandissait la menace de l’effondrement de l’Autorité palestinienne si ses dirigeants ne se soumettaient pas aux exigences de sécurité d’Israël. Aujourd’hui, après le discours du président Mahmoud Abbas à l’Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière, dans lequel il déclarait lui-même qu’il ne serait désormais plus lié par les accords d’Oslo avec Israël, même cette menace semble vide de sens.
Israël a plus que jamais besoin de l’Autorité palestinienne
Israël veut éviter à tout prix l’effondrement de l’Autorité palestinienne car il devrait alors assumer la responsabilité de millions de Palestiniens. Israël va y réfléchir à deux fois avant d’aider Abbas à mettre en œuvre ses menaces, dont la crédibilité est de toute façon mise en doute par de nombreux Palestiniens.
Depuis sa réélection en 2009, Netanyahou est un fervent partisan du statu quo. Mis à part l’opération « Bordure protectrice » l’été dernier, il s’est abstenu de tout mouvement militaire ou politique spectaculaire à l’égard des Palestiniens. Son ministre de la Défense, Moshe Ya’alon, essaie de manœuvrer entre un processus politique au point mort, une main de fer contre les Palestiniens et une légère amélioration de la liberté de circulation des Palestiniens en Cisjordanie. Le calme relatif qui y régnait encore récemment semble suggérer qu’ils avaient raison.
Toutefois, les derniers événements semblent rendre le maintien du statu quo très difficile, voire impossible. Évidemment, Netanyahou est responsable de ce qui se passe au Haram al-Sharif/Mont du Temple, mais l’initiative de renforcer la présence juive sur le Mont vient des militants de droite et des colons, pas de son gouvernement. De même, les militants palestiniens qui s’opposent aux colons et les affrontent à Jérusalem ne sont pas envoyés par Abbas ou ses hommes. Ils sont davantage motivés par la colère et la peur de voir les juifs prétendument prendre le contrôle d’al-Aqsa.
Le cycle de violence actuel ressemble davantage à une guerre civile entre juifs et Palestiniens qu’à une confrontation organisée entre des guérilleros armés et une armée régulière. L’ampleur des attaques de colons contre les Palestiniens ce week-end indique clairement que les événements s’engagent dans cette direction très dangereuse.
Étant donné que les négociations de paix sont au point mort, que les Palestiniens perdent confiance en Abbas et sa capacité à apporter un changement et que le gouvernement d’extrême-droite est le plus extrémiste de l’histoire d’Israël, il n’est pas facile de savoir qui peut servir de médiateur entre Israéliens et Palestiniens et les convaincre de revenir au statu quo. Netanyahou va faire de son mieux pour laisser la situation en l’état. Cependant, il pourrait très bien avoir raté sa chance.
- Meron Rapoport, journaliste et écrivain israélien, a remporté le prix Naples de journalisme grâce à une enquête qu’il a réalisée sur le vol d’oliviers à leurs propriétaires palestiniens. Ancien directeur du service d’informations du journal Haaretz, il est aujourd’hui journaliste indépendant.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : des manifestants palestiniens affrontent les forces de sécurité israéliennes sur le site de la mosquée al-Aqsa dans le quartier d’Issawiya à Jérusalem-Est, le 4 octobre 2015 (AA).
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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