À Paris, une conférence pour la paix sans la paix
Les discours de célébration de la Conférence pour la paix au Proche-Orient, en prévision d'un changement positif, étaient une parodie totale de justice.
La lassitude suscitée par ces conférences s’intensifie alors que celles-ci réitèrent les efforts des propositions de Clinton de 2000 et de la Feuille de route pour la paix de 2003 – mais de manière crispée et rétrograde, en particulier sur les questions des réfugiés, de Jérusalem et des frontières.
Elle ne fait que contribuer à priver encore plus le public palestinien de tout pouvoir d’action dans le cadre d’une promotion d’une solution à deux États virtuellement morte
L'impulsion de la conférence de Paris, à l'instar des efforts internationaux similaires qui l’ont précédée, n'était pas d'aborder la réalité palestinienne et les racines du problème, mais plutôt de contenir une énième nuisance au Moyen-Orient.
C'est l'approche d'une communauté internationale traitant d'un désagrément, plutôt qu’un effort visant à corriger l'injustice commise contre les Palestiniens en tant que population autochtone.
Le fait que la conférence de Paris ait délibérément choisi de ne pas tenir compte de la véritable voix de ceux qui subissent les conséquences de l'oppression illustre le refus continu de la communauté internationale d’être en contact avec la réalité du terrain.
Il s'agit d'une attitude condescendante que les responsables palestiniens considèrent comme un pas en avant, alors qu’elle ne fait que contribuer à priver encore plus le public palestinien de tout pouvoir d’action dans le cadre d’une promotion d’une solution à deux États virtuellement morte.
La lutte palestinienne est donc réduite à une vision établie par des puissances qui croient être mieux à même que nous de décider de notre destin.
État perpétuel de symbolisme
Telle une sorte de métaphore filée dans un roman tragique, la Palestine demeure dans une impasse toujours aussi inextricable.
La tombe de Yasser Arafat, qui voit s’allumer en soirée une lumière pointant vers Jérusalem, est l'emblème de nos éternels vœux pieux, sans le travail nécessaire pour réaliser nos aspirations.
Le seul véritable corollaire de la conférence de Paris sera qu’Israël aura de nouveau exposé les limites du monde face au lobbying et à la corruption
Simultanément, la direction palestinienne agit en contradiction avec la vision originale de la lutte pour la libération complète, la dignité et la justice pour tous les Palestiniens.
Le danger inhérent à la conférence de Paris, à l'instar des initiatives occidentales qui l'ont précédée, est lié au fait qu'elle ne prend pas en compte de manière approfondie les différentes facettes de cette occupation coloniale.
Le cadre et les lois relatifs aux droits des Palestiniens sont déjà évoqués dans les résolutions de l'ONU, le droit international et même diverses déclarations étatiques. La question qui se pose n'est pas la légitimité de l'autodétermination palestinienne, mais l'incapacité de la communauté internationale à faire respecter ce qu'elle a concédé en matière de droits de l'homme et à tenir Israël pour responsable.
Il est difficile de croire à la sincérité de telles conférences après l'échec à l'infini des pourparlers de paix bilatéraux promus par les États-Unis, ainsi que l'incapacité des Nations unies à donner suite à la mise en œuvre de ses décisions. Une fois de plus, la scène est montée pour la débâcle publique d'Israël en matière de respect de la législation et des lois internationales. Le seul véritable corollaire de la conférence de Paris sera qu’Israël aura de nouveau exposé les limites du monde face au lobbying et à la corruption.
À l'instar des précédents efforts de paix, qu'il s'agisse des accords de Camp David de 1978, de l'effort de l'administration Obama de 2010 à Washington ou du plan de la Feuille de route du Quatuor (États-Unis, Union européenne, Fédération de Russie, ONU), la coordination n'est pas assurée par les véritables parties prenantes.
De plus, ces conférences successives représentent virtuellement un retour à la structure de l'accord de Camp David de 1978. Discuter des termes qui étaient déjà pratiquement convenus il y a 39 ans est un simulacre de justice et une insulte envers les vraies aspirations à résoudre la question palestinienne.
Ce qui est inquiétant, c'est l'euphorie momentanée qui gagne les représentants lorsqu’ils s’imaginent qu'ils font la différence, tout en permettant par la suite la dépossession et l'asservissement incessants des Palestiniens par l'intermédiaire du régime d’apartheid.
Jouer aux dés avec la question palestinienne
Si le fait que la demande palestinienne de libération n’est pas abandonnée constitue un élément positif, il n’en reste pas moins que notre lutte a toujours été détournée par d'autres pour diverses raisons qui ne sont pas liées à notre combat pour la reconnaissance et la dignité.
Notre lutte a toujours été détournée par d'autres pour diverses raisons qui ne sont pas liées à notre combat pour la reconnaissance et la dignité
Nous devons sans plus tarder mieux contextualiser l'effort français vis-à-vis de la sphère politique américaine et israélienne. Alors que le président élu Donald Trump vient de prendre ses fonctions, un sentiment de désespoir et de colère règne déjà à la perspective de ce qui attend le Moyen-Orient.
Avoir une emprise sur le milieu politique de la Palestine et d’Israël, c'est gagner une plus grande influence au Moyen-Orient. Notre cause a été constamment utilisée comme un catalyseur de pouvoir par des États, des individus et des organisations. Pour les Français, prendre une initiative de premier plan dans la tentative de résoudre le problème revient à essayer de freiner davantage la mainmise des États-Unis sur la région.
Cependant, le résultat de la conférence doit encore s’aligner sur les efforts de Trump. Quoique plus implicite que l'appui manifeste de Trump à l'égard d'Israël, ce qui a été établi à Paris ne traite pas de la notion de justice et encourage encore davantage l'aliénation des Palestiniens vis-à-vis de leurs dirigeants autoproclamés.
Le fondement même de la conférence de Paris n'est pas la divulgation de la vérité inconfortable et terrifiante de l'occupation et de l'apartheid, mais une partie de dés jouée dans l'espoir que s'arrêtent les cris et le bruit incessants.
Ce que Paris signifie pour les Palestiniens
Il n'est pas surprenant que l'Autorité palestinienne se réjouisse de la tenue de la conférence bien qu’il s'agisse, en substance, d'un acte d'absolution d'Israël comme de la communauté internationale de toute responsabilité.
Il est important de se rappeler que 50 % de la population palestinienne est dispersée à l'extérieur des territoires. Leur voix, ainsi que la voix du million et demi de Palestiniens au sein d'Israël, est ignorée dans la discussion d'une solution à deux États qui ne les sert pas.
Alors que l'Autorité palestinienne continue de se détacher du peuple palestinien, la promesse d’injecter dans cette solution encore plus d'argent n’est autre qu’un frein pour les Palestiniens
La déclaration de la conférence note dans une partie que « les deux parties » doivent « réaffirmer officiellement leur engagement envers la solution à deux États, se dissociant ainsi des voix qui rejettent cette solution ».
Cette déclaration masque le fait que de nombreux Palestiniens ne demandent pas la solution à deux États. Par ailleurs, alors que l'Autorité palestinienne continue de se détacher du peuple palestinien, la promesse d’injecter dans cette solution encore plus d'argent n’est autre qu’un frein pour les Palestiniens.
En revanche, c'est un résultat positif pour Israël dans la mesure où il favorise la rupture entre l'AP et les Palestiniens, assurant que la lutte ne progresse jamais véritablement. Dès lors, on donne à Israël la chance de continuer à construire des colonies de peuplement et de faire pression sur la communauté internationale pour qu’elle lui apporte son soutien – surtout avec l'arrivée de Trump au pouvoir.
En résumé, les résultats de la conférence de Paris réaffirment les limites de la communauté internationale pour parvenir à une véritable justice, car elle est détachée des ambitions des Palestiniens qui souffrent des conséquences quotidiennes du colonialisme.
Cette réticence à aborder la question palestinienne comme une réalité d’occupation coloniale dans de telles conférences parle d'elle-même, car elle fait insidieusement l’amalgame entre l'oppresseur et l’opprimé. Aucune solution réelle ne sera obtenue si ce modèle persiste.
- Mariam Barghouti est une auteure et commentatrice palestinienne originaire de Ramallah. Ses travaux sont parus dans le New York Times, Al Jazeera English, le Huffington Post, Middle East Monitor, Mondoweiss et International Business Times entre autres.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : le président français François Hollande prononce un discours lors de la conférence de paix du Moyen-Orient à Paris le 15 janvier 2017 (AFP)
Tarduit de l'anglais (original) par Monique Gire.
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