Préféreriez-vous être esclave sexuel du régime d’Assad ou de l’État islamique ?
Jounieh est une ville au nord de Beyrouth, tranquillement nichée sur les bords de la Méditerranée. C’est le genre d’endroit où l’on va s’accorder un court répit et échapper quelques instants à la cacophonie de la grande ville.
Mais c’est également l’endroit où les autorités ont démantelé le plus grand réseau de trafic sexuel du Liban. L’opération fut un succès dans la mesure où 75 femmes (en grande majorité syrienne) ont été libérées de leurs cachots.
Ces femmes avaient été réduites en esclavage, battues et torturées. Leurs portes n’étaient déverrouillées que lorsqu’un « client » arrivait.
Pendant leur captivité, « la plupart des ressortissantes syriennes ont été soumises à des coups et à la torture psychologique et physique » par leurs ravisseurs, ont indiqué les forces de sécurité libanaises.
Le trafic sexuel au Liban a connu un afflux de réfugiés syriens, tandis que les gangsters s’attaquent aux désespérés.
New MEE newsletter: Jerusalem Dispatch
Sign up to get the latest insights and analysis on Israel-Palestine, alongside Turkey Unpacked and other MEE newsletters
Beaucoup y sont littéralement forcés sous la menace des armes.
Selon des sources telles que le Département d’État des États-Unis, aussi longtemps que la guerre syrienne continue, les réfugiés vulnérables que sont les femmes et les enfants courent de graves risques.
Comme pour la plupart des malheurs du Liban, la piste a rapidement conduit à Damas : un ancien responsable du régime d’Assad a été accusé de diriger le réseau d’exploitation sexuelle de Jounieh. Il s’agissait d’Emad al-Rijawi, un ancien interrogateur des renseignements syriens.
Selon le journal libanais pro-Hezbollah, Al-Akhbar, il était connu comme « le bourreau » pour les actes innommables de barbarie qu’il affligeait aux captives pour s’assurer qu’elles « faisaient leur travail ».
Voilà encore un exemple qui permet une comparaison viable entre les brutalités du régime Assad et des militants de l’EI.
Il existe des montagnes de preuves accablantes qui montrent que l’armée, les forces de sécurité d’Assad et ses mercenaires se livrent à toutes sortes d’actes dépravés de violence sexuelle contre les femmes, les hommes et les enfants.
Human Rights Watch a documenté les cas de femmes qui ont été victimes de viols collectifs et de tortures sexuelles (telles que des chocs électriques sur leurs parties génitales) par les forces de sécurité d’Assad.
« Un garde m’a attaché les mains derrière le dos. Il m’a à nouveau attrapé la poitrine et je l’ai poussé. Puis il m’a attrapée par la poitrine et m’a jetée contre le mur. Je suis tombée et il a commencé à me frapper avec un bâton », se souvient une femme qui a réussi à sortir vivante des cachots d’Assad.
Les crimes sordides que sont l’esclavage sexuel et les viols ne figurent pas seulement dans le code de conduite des laquais d’Assad ; les militants de l’EI y sont également enclins.
Rappelez-vous les Yézidies qui ont été enlevées par l’EI en Irak et retenues comme butin de guerre.
« Il m’a demandé de me déshabiller. Il m’a mis dans une chambre avec les gardes. Ensuite, ils ont commencé à commettre leur crime jusqu’à ce que je m’évanouisse », a rapporté une Yézidie à The Independent.
Réduire le conflit syrien à une question de « Assad ou l’EI » fait abstraction de sa complexité pour chercher une solution rapide, quelles que soient les conséquences.
C’est un discours sinistre qui cherche à étouffer les souffrances des Syriens ordinaires aux mains d’Assad en le présentant implicitement comme la meilleure option.
Nous ne pouvons certainement pas nous considérer comme des êtres humains moralement honnêtes quand nous disons au peuple syrien qu’il est coincé avec le totalitarisme et qu’il n’a qu’à choisir entre le voir imposé par le parti Baas ou par les théocrates de l’EI.
Le régime d’Assad est coupable d’innombrables crimes contre le peuple syrien. Nous devons soutenir le peuple de Syrie en faisant pression pour un gouvernement représentatif et démocratique, pas en réduisant les paramètres de leur avenir politique en approuvant leurs bourreaux.
- Matthew Ayton est journaliste et conférencier spécialiste de la politique et de l’histoire basé à Beyrouth. Il a travaillé dans les territoires palestiniens occupés.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : après avoir fui une maison close où elle était détenue captive au Liban, une victime syrienne du trafic sexuel fume une cigarette dans un lieu sûr quelque part au Liban, le 13 avril 2016 (AFP).
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye delivers independent and unrivalled coverage and analysis of the Middle East, North Africa and beyond. To learn more about republishing this content and the associated fees, please fill out this form. More about MEE can be found here.