Un remake du Hamas ?
Au cours des dix dernières années, le Mouvement de résistance islamique (Hamas) a été la cible de trois guerres majeures lancées par Israël pour réduire à néant ses capacités militaires. Le partenaire de paix d’Israël, l’Autorité palestinienne basée à Ramallah, voulait plus : elle voulait que le mouvement soit délogé de la bande de Gaza afin de reprendre le contrôle de cette enclave perdue au profit du Hamas en juin 2007.
À mon avis, la charte du Hamas de 1988 était un document mal rédigé qui n’exprimait pas ce que représente le mouvement ou ce en quoi ses dirigeants et sa base croient
Du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009 a fait rage ce que les Israéliens ont appelé l’opération « Plomb durci ». La deuxième offensive a été appelée opération « Pilier de défense ». Elle a été déclenchée le 14 novembre 2012 avec l’assassinat par les Israéliens d’Ahmed al-Jaabari, un haut dirigeant du Hamas à Gaza. Cette guerre n’a duré que huit jours. Ensuite, Israël a lancé l’opération « Bordure protectrice » le 8 juillet 2014, laquelle a duré sept semaines.
Outre ces guerres dévastatrices et le siège incapacitant imposé par Israël sur Gaza depuis que le Hamas en a pris le contrôle, le mouvement a considérablement souffert de l’impact des événements tumultueux des révolutions du Printemps arabe.
En raison du refus de se ranger du côté du régime d’Assad et de cautionner sa répression brutale du soulèvement populaire, le mouvement a été contraint de quitter la Syrie et, peu de temps après, a perdu le soutien de l’Iran.
Ce qui, pendant un bref instant, a semblé être un nouvel et puissant allié en Égypte avec l’élection de Mohamed Morsi, a été rapidement renversé par la contre-révolution financée par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, faisant intervenir l’armée égyptienne pour renverser le premier gouvernement civil démocratiquement élu en Égypte.
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Brefs échanges officieux
Au cours de la première moitié de la dernière décennie, le mouvement a suscité un intérêt croissant chez divers acteurs internationaux qui voulaient voir la fin du conflit israélo-palestinien. Peu de choses se sont concrétisées parce qu’Israël n’était tout simplement pas intéressé.
Toutefois, lorsque la révolution égyptienne a mis fin au règne du principal allié d’Israël dans le monde arabe, l’ancien président Hosni Moubarak, Israël a eu hâte de discuter avec le Hamas. L’administration de Netanyahou a cherché via la médiation européenne à échanger avec le Hamas et le nouveau leader des Frères musulmans égyptiens, Mohamed Morsi.
L’objectif était de négocier un accord qui aurait mis fin au siège de Gaza en échange de garanties selon lesquelles la nouvelle administration du Caire continuerait d’honorer les accords de Camp David avec Israël. Les Israéliens étaient extrêmement préoccupés par les conditions sécuritaires de l’autre côté de leurs frontières dans la péninsule du Sinaï.
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Cependant, aucun de ces efforts n’a vu le jour. L’intérêt d’Israël n’a pas tardé à s’émousser, soulagé de voir l’armée égyptienne destituer le gouvernement élu, réprimer les Frères musulmans et déclarer que la bande de Gaza contrôlée par le Hamas était une entité hostile, resserrant le siège et détruisant la plupart des tunnels souterrains, sinon tous, qui avaient constitué pendant des années les poumons permettant aux habitants de Gaza de respirer.
« Le document politique »
Aujourd’hui, le Hamas s’efforce d’élire une nouvelle direction. Khaled Meshaal, qui présidait le bureau politique du mouvement depuis 1995, prend sa retraite et sera bientôt remplacé.
Avant son départ, Meshaal a travaillé pendant des mois sur la rédaction d’une nouvelle charte ou sur ce que le mouvement préfère appeler « le document politique » afin d’éviter d’offenser l’auteur de la première charte qui vit encore à Gaza.
Cela m’a fait plaisir de constater en lisant une ébauche qui a été divulguée que la nouvelle charte satisfait à de nombreuses demandes que je formule dans mon livre Hamas: Unwritten Chapters (publié aux États-Unis sous le titre Hamas: A History from Within). À mon avis, la charte du Hamas de 1988 – que je critique vertement dans mon livre, appelant à son abandon et à l’écriture d’une nouvelle charte – était un document mal rédigé qui n’exprimait pas ce que représente le mouvement ou ce en quoi ses dirigeants et sa base croient.
Je suis ravi de constater que la nouvelle charte écarte beaucoup de ce que je considère comme erroné dans l’ancienne. Le nouveau document indiquera sans équivoque que le conflit en Palestine n’est pas religieux :
« Le Hamas affirme qu’il s’oppose au projet sioniste et non aux juifs en raison de leur religion. Le Hamas ne lutte pas contre les juifs parce qu’ils sont juifs, mais lutte contre les sionistes qui occupent la Palestine. Cependant, ce sont les sionistes qui se réfèrent constamment au judaïsme et aux juifs dans l’identification de leur projet colonial et de leur entité illégale. »
En outre, contrairement à l’ancienne charte, le nouveau document est exempt de toute analyse relevant de la théorie du complot. Il expose clairement le conflit :
« Par essence, la cause palestinienne est celle d’une terre occupée et d’un peuple déplacé. Le droit des réfugiés et déplacés palestiniens de retourner dans leurs maisons, dont ils ont été expulsés ou dans lesquelles ils ont été empêchés de revenir – qu’il s’agisse des territoires occupés en 1948 ou en 1967 (c’est-à-dire dans toute la Palestine) – est un droit naturel, tant individuel que collectif. Ce droit est confirmé par toutes les lois divines ainsi que par les principes fondamentaux des droits de l’homme et des lois internationales. C’est un droit inaliénable qui ne peut être pris par un tiers quelconque, qu’il soit palestinien, arabe ou international. »
Contrairement à l’ancienne charte, le document définit le mouvement en termes de libération nationale, en précisant que :
« Le Mouvement de résistance islamique “Hamas” est un mouvement islamique palestinien de libération et de résistance nationale. Son objectif est de libérer la Palestine et de s’opposer au projet sioniste. Son cadre de référence est l’islam, lequel détermine ses principes, ses objectifs et ses moyens. »
Ensuite, il poursuit pour affirmer qu’il n’y a pas eu de changement de position en ce qui concerne son objectif :
« Le Hamas croit qu’aucune région de la terre de Palestine ne devra être compromise ou concédée, quelles qu’en soient les raisons, les circonstances et les pressions et peu importe la durée de l’occupation. Le Hamas rejette toute alternative à la libération pleine et entière de la Palestine, de la rivière à la mer. »
Rejet d’Oslo
Cependant, dans ce qui peut être perçu comme un élément de pragmatisme inédit par rapport à l’ancienne charte, le mouvement stipule dans sa nouvelle charte qu’il acceptera un État palestinien de fait en Cisjordanie et dans la bande de Gaza :
« Toutefois, sans compromettre son rejet de l’entité sioniste et sans renoncer à aucun droit palestinien, le Hamas considère la création d’un État palestinien pleinement souverain et indépendant avec Jérusalem comme capitale selon les frontières du 4 juin 1967, avec le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs maisons d’où ils ont été expulsés, comme une formule de consensus national. »
« Résister à l’occupation par tous les moyens et méthodes est un droit légitime garanti par les lois divines ainsi que par les normes et les lois internationales » – Le nouveau document politique du Hamas
Cet élément est susceptible de susciter la controverse et de s’attirer des accusations d’ambivalence. En vérité, cette position résulte principalement d’une pression considérable exercée sur le mouvement par les acteurs régionaux et internationaux qui veulent le voir reprendre les discussions de réconciliation avec le Fatah et modérer sa position à l’égard d’Israël.
Cependant, ce qu’exprime le nouveau document, c’est une position qui n’approuve pas la solution à deux États qui est supposée être le produit final des accords d’Oslo entre Israël et l’OLP.
Voilà ce que dira la nouvelle charte concernant l’accord d’Oslo :
« Le Hamas affirme que les accords d’Oslo et leurs annexes contreviennent aux règles régissant le droit international dans la mesure où ils génèrent des engagements qui violent les droits inaliénables du peuple palestinien. Par conséquent, le mouvement rejette ces accords et tout ce qui en découle, telles que les obligations qui nuisent aux intérêts de notre peuple, en particulier la coordination en matière de sécurité (collaboration). »
Immédiatement après sa victoire électorale en janvier 2006, le Hamas a été desservi par ce que l’on appelait les trois conditions du Quartet, lesquelles étaient en fait les termes dictés par Ehud Olmert, le Premier ministre israélien de l’époque et adoptés par les États-Unis, la Fédération de Russie, l’Union européenne et les Nations unies.
Il ressort clairement de ce nouveau document que le mouvement maintient son rejet inébranlable de ces trois conditions. Il énonce sans équivoque qu’il ne reconnaîtra jamais le droit d’Israël à exister, il rejette les accords de paix signés par l’OLP et, sur la résistance armée, il affirme ce qui suit :
« Résister à l’occupation par tous les moyens et méthodes est un droit légitime garanti par les lois divines ainsi que par les normes et les lois internationales. À leur cœur figure la résistance armée, laquelle est considérée comme le choix stratégique pour la protection des principes et des droits du peuple palestinien. »
- Azzam Tamimi est un universitaire palestino-britannique et le président de la chaîne de télévision Alhiwar. Parmi ses livres, on compte : Hamas: Unwritten Chapters (Hurst, 2007) et Rachid Ghannouchi: a Democrat within Islamism (OUP, 2001).
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : selon Netanyahou, le Hamas « ment au monde » (capture d'écran).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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