Une attaque chimique parfaitement planifiée pour arracher de nouvelles concessions à l’Occident
L’attaque chimique de mardi menée par le régime syrien a été parfaitement planifiée pour mettre en lumière l’impuissance et la faiblesse des pays occidentaux, et leur mettre davantage de pression afin qu’ils renouent avec Damas.
Mardi, tôt dans la journée, des avions ont mené des frappes aériennes sur la ville de Khan Cheikhoun, dans la province d’Idleb, en utilisant du sarin, un gaz neurotoxique. Plus tard, ils ont tiré des roquettes sur des dispensaires locaux où étaient soignés les blessés, faisant encore plus de victimes.
Le régime augmente la mise et le coût politique de la non-coopération de l’Occident
Au moment de la rédaction de cet article, on estime qu’au moins 72 Syriens ont été tués.
Le jour même de l’attaque, l’Union européenne (UE) accueillait à Bruxelles une grande conférence internationale pour le financement de la Syrie – qui, à l’origine, était censée se focaliser sur la reconstruction avant de revoir ses ambitions à la baisse –, et l’administration américaine envoyait des signaux mitigés au sujet de sa stratégie envers le président syrien Bachar al-Assad.
En d’autres termes, alors que le régime entrevoit un changement de cap progressif vers une restauration des relations, il sait que l’Occident n’en est pas encore arrivé à ce stade.
Par conséquent, au lieu de faire des concessions ou des gestes politiques, le régime augmente la mise et le coût politique de la non-coopération de l’Occident.
L'Occident humilié
Assad sait qu'il n'a rien à perdre en menant ces frappes. L'UE n'est pas encore disposée à rétablir les relations avec son régime, et les États-Unis hésitent encore. Quant au tollé qu’a généré l'attaque, il durera – au plus – quelques semaines, comme c’est le cas depuis 2011.
Toute restauration des relations et des financements n'aura pas grand-chose à voir avec le bien-être des Syriens, mais plutôt avec la crédibilité politique de l'Occident
En commettant des massacres à grande échelle, le régime expose aux yeux de tous l'impuissance et la faiblesse de l'Occident, délégitimant toutes les valeurs politiques que ce dernier prétend défendre. « Vous ne voulez pas restaurer les relations ? Je tuerai encore plus de civils et montrerai au monde combien vous êtes impuissants et lâches. »
Plus l'attaque est rendue publique, plus l'Occident est humilié – d'où le timing de l'attaque, pendant la conférence de Bruxelles.
Dès que le tollé se sera dissipé, les analystes, bureaucrates et politiciens pro-Assad dans l'UE et aux États-Unis compléteront le travail du régime, œuvrant pour que les relations soient rétablies et le chantage du régime accepté « afin de protéger les civils syriens et améliorer leurs moyens de subsistance ».
Il est évident que toute restauration des relations et des financements n'aura pas grand-chose à voir avec le bien-être des Syriens, mais plutôt avec la crédibilité politique de l'Occident.
Depuis le feu vert du président américain Barack Obama en septembre 2013, Assad sait qu'une attaque à grande échelle contre ses civils est un handicap à court terme en matière de relations publiques, mais un atout politique à long terme.
Aussi longtemps que l'Occident ne sera pas prêt à répondre aux demandes du régime, attendez-vous à d’autres massacres spectaculaires au cours des prochains mois.
Cet article a été publié initialement par The Syria Report.
- Jihad Yazigi est un journaliste basé à Beyrouth. Il est rédacteur en chef de The Syria Report, un bulletin d’informations économiques en ligne spécialisé sur l'économie syrienne qu'il a fondé en 2001.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : un enfant syrien reçoit un traitement dans un petit hôpital de la ville de Maaret al-Noman à la suite d'une attaque au gaz toxique à Khan Sheikhun, une ville proche tenue par les rebelles dans la province d’Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, le 4 avril 2017 (AFP).
Traduit de l’anglais (original).
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