Yémen : les Houthis veillent à ce que les pertes civiles résultent de frappes aériennes saoudiennes
On dirait que les miliciens houthis et leurs alliés, qui occupent la capitale du Yémen, Sanaa, sont heureux de la hausse des pertes civiles résultant de frappes aériennes de la coalition saoudienne contre le pays, même si ces frappes visent à rétablir la base de pouvoir de l’ennemi des rebelles, le président Abd Rabbo Mansour Hadi.
Les rebelles houthis et leurs alliés issus du camp du président déchu Ali Abdallah Saleh semblent heureux parce qu’ils se servent de l’écran de fumée des critiques internationales contre l’Arabie saoudite pour établir des entrepôts d’armes, des boucliers humains et des quartiers généraux militaires dans des infrastructures civiles telles que des écoles et des hôpitaux.
Les frappes, qui ont commencé en mars 2015, à peine six mois après que la milice houthie a pris la capitale, avaient débuté à la suite de rapports faisant état de violations des droits de l’homme de plus en plus nombreuses commises par les rebelles et leurs alliés dans la ville. La colère avait monté chez les civils yéménites qui étaient mécontents du « coup d’État » mené par les rebelles, à l’issue duquel Hadi avait été capturé et forcé à démissionner, avant de s’échapper et de retirer sa démission.
Les miliciens houthis et de Saleh ont commis des crimes odieux et enfreint le droit international humanitaire depuis qu’ils ont commencé à occuper Sanaa et d’autres régions. Les rebelles ont non seulement ciblé des civils, mais ils ont également utilisé des boucliers humains dans des écoles et des hôpitaux.
Dans un rapport publié en janvier, Human Rights Watch a fustigé les forces houthies qui ont posté des miliciens dans une école pour aveugles à Sanaa, affirmant que cela exposait des enfants vulnérables « à un grave risque ».
« Les Houthis ont posté des hommes armés près d’une école pour aveugles, affichant un mépris évident pour la vie de certains des civils les plus à risque », a écrit Shantha Rau Barriga, directrice de la division Droits des personnes handicapées de HRW.
Des enquêteurs de l’ONU ont également observé que la milice houthie se servait de migrants africains comme de boucliers humains. Ce n’est pas une première pour les rebelles, comme l’indique une accusation formulée également par l’ONU en 2009.
« Les forces houthies et de Saleh ont utilisé plus d’une fois des migrants et des réfugiés africains comme boucliers humains dans les bâtiments inutilisés à Aden précédemment ciblés par des frappes aériennes, ou à des endroits où des caches d’armes étaient censées se trouver », ont écrit les enquêteurs de l’ONU dans leur rapport de 2016.
Le rapport a également observé que l’alliance entre les Houthis et Saleh a été en grande partie financée par les avoirs saisis de l’État, de nouveaux impôts et des activités d’extorsion.
La coalition dirigée par l’Arabie saoudite est critiquée à juste titre par les groupes de défense des droits de l’homme ; toutefois, la milice houthie semble avoir échappé à des critiques internationales plus larges pour avoir veillé à ce que des civils meurent au cours des frappes aériennes saoudiennes.
Dans le même temps, les rebelles profitent également d’un déchaînement médiatique contre la destruction des infrastructures yéménites par l’Arabie saoudite.
Les milices houthies et pro-Saleh stockent des armes dans des bâtiments publics tels que des écoles et des hôpitaux, puis utilisent également ces locaux comme quartiers généraux militaires.
Les médias parlent peu du fait que les Houthis veillent eux-mêmes à ce que ces installations soient ciblées en les transformant en sites militaires. Encore moins d’attention médiatique est portée à l’infrastructure civile que les Houthis et Saleh détruisent.
Les forces houthies et de Saleh ont également recruté de force et monté un trafic de ressortissants de pays tiers, dont beaucoup sont mineurs, selon les enquêteurs de l’ONU.
« Les migrants et les réfugiés ont donc été considérés comme des combattants ou des combattants potentiels, indépendamment de leur statut de civils ou de leur statut vulnérable de victimes de trafic d’êtres humains, et sont la cible d’attaques », ont-ils ajouté.
Des enfants ainsi que des journalistes ont été utilisés comme boucliers humains par les Houthis. Plus tôt cette année, l’organisation de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières a classé les Houthis au deuxième rang du classement des preneurs d’otages de journalistes professionnels, une place seulement derrière l’État islamique autoproclamé.
Ce qui est peut-être ironique, puisqu’auparavant, alors qu’il n’y avait aucune trace de l’État islamique au Yémen, le groupe avait manifestement pu prendre racine et se développer sous l’occupation houthie pour lancer ses premières attaques contre le pays en mars 2015 avec des attentats-suicides meurtriers dans une mosquée. Un autre fait tristement ironique est survenu en 2009 lorsque Saleh, à l’époque président, a accusé la milice houthie d’utiliser des civils comme boucliers humains. Aujourd’hui, il semble les avoir rejoints.
Taïz en proie à des troubles
À Taïz, une ville de la région montagneuse du Yémen qui subit un siège étouffant depuis presque un an, les milices houthies et de Saleh ont employé des tactiques similaires.
Dans les zones qui sont passées sous leur contrôle, les rebelles ont transformé les écoles, les universités et les installations gouvernementales en entrepôts d’armes et en quartiers généraux militaires. Les milices utilisent des troupes et des chars déployés dans les écoles et les cours d’universités pour attaquer les quartiers résidentiels, s’introduisant souvent dans les maisons des civils pour les capturer et les utiliser comme boucliers humains.
Cette tactique complique toute résistance à l’occupation de la ville par les rebelles, les combattants de l’opposition étant bien conscients que des attaques contre les infrastructures pourraient résulter en des pertes civiles.
Se servir de la présence de civils pour protéger des milices armées constitue un crime de guerre, qui exige un renvoi des dirigeants impliqués devant la justice internationale. Il s’agit d’une violation flagrante des règles du droit international humanitaire et de toutes les chartes des droits de l’homme.
Pourtant, nous n’avons vu aucune condamnation internationale claire des souffrances infligées à travers cette pratique aux civils au Yémen en général et à Taïz en particulier.
Les milices houthies et de Saleh ont également refusé d’autoriser l’entrée de l’aide humanitaire (nourriture, médicaments et bouteilles d’oxygène) dans la ville de Taïz, sans susciter de dénonciation ni de gestes sérieux de la part d’organisations internationales de défense des droits de l’homme.
En outre, dans certaines zones, les milices houthies ont eu recours à des enlèvements et à des disparitions forcées, parfois comme un moyen d’extorquer de l’argent, les familles étant tenues de verser de l’argent pour faire libérer leur fils enlevé ou même tout simplement pour connaître son sort.
En tant qu’activistes des droits de l’homme, nous avons la responsabilité non seulement de rendre compte de ces violations, mais aussi de porter ces affaires devant les tribunaux internationaux. Le monde doit se pencher sur la situation de ceux qui sont enlevés et contraints à mettre leur vie en danger par les groupes armés houthis et pro-Saleh.
- Basem Alabsi est un activiste des droits de l’homme yéménite. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @BasemAlabsi
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : partisans de la milice houthie dans la ville yéménite de Taïz, le 1er avril 2015 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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