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Algérie : Bouteflika sacrifie le secrétaire général du FLN

Amar Saadani a été remplacé samedi à la tête du FLN, le parti du pouvoir, par l'ancien ministre et sénateur Djamel Ould Abbès. Pour le microcosme politique, il ne servait plus les intérêts de la présidence
Amar Saadani, encore secrétaire général du FLN, au congrès du parti en mai 2015 à Alger (AFP)

Il s’était déjà officiellement impliqué dans les législatives de 2017 en promettant à ceux qui avaient envie de le croire qu’il allait combattre la corruption et l’achat des listes électorales. Mais ce samedi, le règne d’Amar Saadani s’est terminé, comme il avait commencé, par une éviction brutale et le parachutage d’un surprenant successeur.

Le secrétaire général du Front de la libération nationale (FLN), le parti du pouvoir, a officiellement « démissionné » samedi de son poste. Il est remplacé par l’ancien ministre et sénateur du tiers-présidentiel (choisis par le président) Djamel Ould Abbès, 82 ans.

Membre du bureau politique et chargé de l'information au sein du parti, Hocine Khaldoune a expliqué que « la démission d’Ammar Saadani est due à des soucis de santé et qu'il n'avait subi aucune pression », relevant que le FLN « était un parti des bases militantes et pas celui des personnes ».

Dans le petit microcosme politique algérois, cette version des faits provoque des sourires narquois. 

« Tout le monde sait que Saadani n’a pas démissionné. Il a reçu une lettre de la présidence pour lui demander de partir, Ie jour-même, et de nommer Ould Abbès à sa place, sans faire de vagues », affirme le journaliste arabophone, Othmane Lahiani.

Ainsi va la vie au FLN. En août 2013, l’entourage présidentiel l’avait installé de force à la tête du parti en éliminant le pourtant fidèle Abdelaziz Belkhadem « qui avait commis le tort de nourrir des ambitions présidentielles », rappelle un ex-sénateur à Middle East Eye, comme le veut la tradition du secret dans la vie politique algérienne, sous le sceau de l’anonymat.

Très craint au sein du parti, Ammar Saadani est un véritable apparatchik du système. « Il vient de tout en bas, il a des dossiers sur tout le monde au FLN, et connaît les rouages du parti sur le bout des doigts », témoigne à MEE un de ses proches.

À l’opposé de ce belliqueux secrétaire général qui faisait trembler la sphère politique par ses virulentes sorties médiatiques, le nouveau secrétaire général Djamel Ould Abbès est un modèle de calme. « Bouteflika sait qu’il peut compter sur lui. De toutes manières, Ould Abbès ne peut pas vivre s’il n’est pas sénateur ou ministre, il n’a aucun intérêt à sortir du rang. Ça arrange Bouteflika qui veut la paix. »

Disgrâce

« La vérité, c’est que cela fait un moment qu’il [Saadani] n’était plus apprécié dans le camp présidentiel. Il s’est rangé du côté d’Ahmed Gaïd-Salah [vice-ministre de la Défense et chef d’état-major à qui la rumeur prête des ambitions présidentielles] et du côté des barons mafieux de l’importation que Bouteflika n’aime pas », résume un proche de la présidence pour expliquer une disgrâce.

« Saâdani a tout simplement payé ses récentes attaques contre Mediène », avance un cadre du parti.

Début octobre, le secrétaire général du FLN avait une nouvelle fois attaqué Mohamed Mediène, plus connu sous le nom du général Toufik, ex-patron du Département des services et de sécurité (DRS), les services secrets algériens, dissous par le président Bouteflika après la mise à la retraite de leur chef.

Amar Saadani l’avait notamment accusé d’être « à la solde de la France », d’être « à la tête des anciens officiers de la France » ou « derrière la candidature de Rachid Nekkaz [candidat face à Abdelaziz Bouteflika] lors de la présidentielle de 2014 ».

En février 2014, Amar Saadani avait été le premier à faire à l’époque l’impensable : s’attaquer publiquement à l’homme qui suscitait tellement de crainte que personne ne s’exprimait à son sujet.

C’est ainsi qu’à deux mois de l’élection présidentielle, il avait dénoncé le bilan sécuritaire du général Toufik en évoquant ses failles dans la protection du président Mohamed Boudiaf assassiné en 1992, dans l’affaire des moines de Tibhirine, enlevés et tués en 1996, ou encore dans les attentats commis à Alger en 2007 et revendiqués par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

« Autant Bouteflika avait besoin de Saadani en 2014, autant maintenant qu’il s’est débarrassé de Mediène comme il le voulait, les attaques de Saadani semblent inutiles. Je pense que les rumeurs qui ont suivi, selon lesquelles Toufik allait porter plainte contre  Saadani a définitivement scellé son sort. Car Bouteflika n’a aucun intérêt à ce que la situation s’envenime avec l’ex-patron du DRS ou ce qu’il peut représenter, un État profond toujours aussi puissant face au clan Bouteflika. »

Un autre cadre du parti le rejoint : « Le vent a commencé à tourner pour lui en juin dernier. Il a oublié que l’entourage de Bouteflika n’avait plus besoin de lui une fois Toufik mis sur la touche et il a commis une erreur de taille : à ce moment-là, Gaïd-Salah est monté en puissance et il s’est mis de son côté. Il a oublié, là aussi, qu’il n’est pas là pour décider mais pour obéir. »

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