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Arabie saoudite : une longue et sombre histoire d’enlèvements

Riyad a été accusé à plusieurs reprises d’avoir enlevé et rapatrié de force des dissidents saoudiens – des accusations qu’il nie en bloc
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane nie l’implication de l’Arabie saoudite dans la disparition du journaliste Jamal Khashoggi (Reuters)
By MEE

Jamal Khashoggi s’est rendu mardi dernier au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul pour se procurer un document. Avant d’entrer dans le bâtiment, il a remis son téléphone à sa fiancée et lui a dit d’appeler à l’aide s’il ne sortait pas.

Quelques heures plus tard, Khashoggi était introuvable, faisant craindre que le journaliste saoudien au franc-parler n’ait été enlevé et peut-être déporté en Arabie saoudite.

Depuis, la police turque a ouvert une enquête et affirmé que Khashoggi avait été assassiné à l’intérieur du consulat. Une affirmation qui a été tournée en dérision par l’Arabie saoudite. Des responsables saoudiens ont vivement démenti toute implication dans cette disparition et affirment que le journaliste a quitté le consulat peu après être arrivé. Ils n’ont toutefois présenté aucune preuve corroborant leurs dires et affirment que les caméras du consulat n’enregistraient pas à ce moment-là.

Malgré ces démentis, le royaume riche en pétrole est une monarchie absolue connue pour ne pas tolérer la dissidence de ses citoyens – tant à l’intérieur qu’à l’étranger.

Au cours de la dernière année seulement, le compte Twitter Prisoners of Conscience a indiqué que l’Arabie saoudite avait arrêté plus de 100 universitaires, activistes et érudits saoudiens.

Voici quelques-uns des citoyens saoudiens soupçonnés d’avoir été enlevés, assassinés ou faits disparaître par l’Arabie saoudite à l’étranger au cours des dernières années.

Riyad a nié chacune de ces accusations.

Nasser Saïd

Fondateur de l’Union populaire de la péninsule arabique (APPU), Nasser Saïd est considéré comme la première et plus importante figure de l’opposition à la famille royale saoudienne. Il a commencé son travail d’opposition dans les années 1950 en animant un programme radiophonique.

Saïd est ensuite allé au Yémen pour y installer un bureau de l’APPU puis s’est rendu à Beyrouth, où il a disparu en 1979, l’année où il a exprimé son soutien à un groupuscule ayant pris le contrôle de la grande mosquée de La Mecque. On ignore où se trouve Saïd à ce jour, mais de nombreuses personnes soupçonnent les Saoudiens d’être à l’origine de sa disparition.

Le prince Sultan ben Turki

En 2003, le prince Sultan ben Turki a été enlevé à Genève après avoir ouvertement appelé à des réformes dans le royaume. Selon des témoignages en justice, le prince a été attiré par la ruse à une réunion à l’extérieur de Genève puis drogué après s’être opposé à une tentative de le faire monter dans un avion à destination de l’Arabie saoudite.

Le prince Sultan ben Turki (au centre) a accusé le gouvernement saoudien de l’avoir kidnappé en Arabie saoudite (Hugh Miles)

Son personnel a déclaré à un tribunal suisse que le prince a été renvoyé en Arabie saoudite contre son gré. En 2016, au cours de la procédure judiciaire, le directeur de la communication de Turki a déclaré que l’ambassadeur saoudien en Suisse s’était rendu dans la chambre d’hôtel de Turki à Genève et avait ordonné à tout le monde de partir.

Riyad a démenti ces allégations et affirmé que Turki avait été convoqué dans le royaume pour résoudre un différend relatif à ses déclarations. Contrairement aux autres princes détenus par l’Arabie saoudite, Turki n’était pas un membre mineur de la famille royale. Il a d’abord été détenu dans une prison, assigné à résidence dans un hôtel, puis libéré.

Turki s’est ensuite enfui à Genève où il a engagé une procédure judiciaire civile en 2016 contre le gouvernement saoudien pour son enlèvement.

Le prince Turki ben Bandar al-Saoud

Le prince Turki ben Bandar al-Saoud, un ancien chef de police, aurait été enlevé et remis à l’Arabie saoudite. Il a quitté le royaume à la suite d’un litige successoral qui l’a conduit en prison.

Le prince Turki ben Bandar al-Saoud en compagnie du ministre pakistanais des Finances en 2003 (capture d’écran)

Bandar s’est ensuite installé à Paris, où il a publié de 2012 à 2015 des vidéos appelant à des réformes dans le royaume. On ignore aujourd’hui où il se trouve, mais selon un journal marocain, les autorités marocaines l’auraient arrêté et déporté à Riyad à la demande de l’Arabie saoudite.

Saoud ben Saïf al-Nasr

Saoud ben Saïf al-Nasr est un détracteur de longue date du gouvernement saoudien. Considéré comme un membre relativement mineur de la famille royale, il a régulièrement exprimé ses critiques sur Twitter.

Saoud ben Saïf al-Nasr n’a pas été vu depuis 2015 (Twitter)

En 2014, par exemple, Saoud a demandé à ce que les membres de la famille royale saoudienne ayant soutenu le renversement du président égyptien Mohamed Morsi soient traduits en justice.

Cependant, c’est probablement sa décision d’appuyer publiquement deux lettres appelant à un coup d’État contre le roi Salmane en 2015 qui lui a coûté la liberté. Un prince dissident a déclaré à la BBC que Saoud ben Saïf al-Nasr avait peut-être été piégé et conduit sans le savoir à embarquer dans un avion à destination de l’Arabie saoudite. On ignore où il se trouve actuellement.

Loujain al-Hathloul

Célèbre pour son rôle dans la campagne visant à permettre aux Saoudiennes de conduire, Loujain al-Hathloul milite depuis longtemps pour les droits des femmes en Arabie saoudite. La militante de 29 ans a été arrêtée et libérée à plusieurs reprises.

Loujain al-Hathloul a été transférée des Émirats arabes unis à l’Arabie saoudite en 2014 (photo fournie)

Selon le Washington Post, Loujain al-Hathloul a été renvoyée en Arabie saoudite par les Émirats arabes unis en décembre 2014, après avoir été arrêtée par des agents de sécurité émiratis à Abou Dabi, où elle étudiait.

Elle a ensuite reçu l’interdiction de quitter le royaume et d’utiliser les réseaux sociaux. La militante a de nouveau été arrêtée en mai 2018 et emprisonnée pour tentative de déstabilisation du royaume.

Traduit de l’anglais (original).

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