Au Sahel, fusion prévisible de l'EI et d'AQMI contre le G5
ALGER – « Même si cela ne se fait pas dans l’immédiat, tout indique qu’au Sahara, les cellules se revendiquant du groupe État islamique [EI] et l’organisation affiliée à al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI] fusionneront dans le futur. »
Alors que ce 16 janvier marque le cinquième anniversaire de la prise d’otages de Tiguentourine, une base gazière du Sahara algérien, près de la frontière avec la Libye, où selon un bilan algérien, 37 otages et 29 terroristes ont été tués, une source sécuritaire de la région affirme à Middle East Eye que la menace islamiste « est toujours aussi importante ».
Jeudi, une série d’attaques a visé la force française Barkhane au Mali, et qu’en octobre, quatre membres des forces spéciales américaines et quatre soldats nigériens ont été tués au Niger, une source sécuritaire algérienne affirme à Middle East Eye qu’un rapprochement est en cours entre les deux organisations.
Du côté de l’« État islamique dans le grand Sahara », Abou Walid al-Sahraoui, au sud, aurait moins d’une centaine d’hommes avec lui. Malgré l’enlèvement et l’assassinat de l’otage français Hervé Gourdel en 2014, revendiqués par Les Soldats du Califat, au nord, l’organisation n’aura pas réussi à s’implanter de manière significative en Algérie.
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Abou Walid al-Sahraoui, dont le nom apparaît pour la première fois en 2011 après l’enlèvement de ressortissants européens dans un camp sahraoui, aurait aujourd’hui 38 ans.
Sa nationalité n’est pas non plus clairement établie : les services de renseignements algériens pensent qu’il est Mauritanien et a suivi des études universitaires en Algérie, leurs homologues marocains affirment qu’il est né au Sahara occidental.
Vendredi, alors qu’il revendiquait les dernières attaques au Mali et au Niger dans un communiqué diffusé par l’Agence nationale mauritanienne (ANI), il a évoqué ses « frères Iyad ag-Ghaly et les autres moudjahidine [combattants] qui défendent comme nous l'islam ».
L’homme auquel il faisait allusion, Iyad ag-Ghali, est une figure des groupes islamistes armés au Sahara et au Sahel.
En avril 2017, c’est lui qui fédéra la plupart des groupes de la région ayant prêté allégeance à AQMI : le sien, Ansar Dine, qu’il fonda en 2012, al-Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar – le cerveau de la prise d’otages de Tinguentourine, remplacé par Abderrahmane al-Sanhadji depuis qu’il a été gravement blessé par une frappe de drone américain en novembre 2016 – et l’émirat du Sahara dirigé par Djamel Okacha, alias Yahia Abou al-Hammam.
Cette nouvelle organisation, qui a pris le nom de « Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans au Maghreb islamique », aurait, toujours selon nos informations recueillies du côté algérien, environ 2 000 hommes. Parmi eux, des Maliens, des Nigériens, des Mauritaniens, des Tunisiens et des Marocains.
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Pourquoi ce rapprochement est-il envisageable ?
D’abord parce que, comme le souligne notre source, « avant de prêter allégeance à Baghdadi, Abou Walid al-Sahraoui était membre d’al-Mourabitoune ». En désaccord avec Belmokhtar qui voulait rester fidèle à Ayman al-Zawahiri, il avait rallié l’EI en mai 2015, mais ce n'est qu'en octobre 2016 que Baghdadi en avait officiellement pris acte, via son agence de propagande, AMAQ.
Un ennemi commun
Ensuite, parce que les deux organisations ont un ennemi commun.
« Nous allons tout faire pour que le G5 Sahel ne s'installe pas » dans cette zone, a déclaré le porte-parole, un proche de longue date d’Abou Walid al-Sahraoui qui s'est identifié comme « Amar », dans un entretien téléphonique à l'AFP.
Le chef islamiste est aujourd’hui actif dans la « zone des trois frontières », aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, sur laquelle se concentre la force conjointe du G5 Sahel, une organisation régionale réunissant ces trois pays, la Mauritanie et le Tchad, financée entre autres par la France.
« Il faut bien comprendre que dans cette région, les hommes sont aussi liés par leur appartenance à des tribus alliées, ce qui les empêche de s’attaquer mutuellement »
- Un ex-cadre de la lutte antiterroriste en Algérie
En avril dernier, dans un entretien accordé à Al Massar où il définissait les grandes lignes de la stratégie de son nouvelle fédération, Iyad ag-Ghali avait déclaré : « Nos ennemis sont les ennemis des musulmans, les juifs et les chrétiens, mais c’est la France qui reste notre ennemi historique dans cette partie du monde islamique. La France et ceux qui l’aident, comme l’Amérique, l’Allemagne, la Suède, et d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest qui les ont rejoints : le Tchad, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Sénégal ou encore le Niger. »
Il avait aussi relativisé la dissidence d’Abou Walid al-Sahraoui en expliquant que « la discorde est quelque chose de naturel entre les hommes mais la religion et l’intérêt pour les musulmans nous permettent de dépasser tous les obstacles ».
« Il faut bien comprendre que dans cette région, les hommes sont aussi liés par leur appartenance à des tribus alliées, ce qui les empêche de s’attaquer mutuellement », précise un ex-cadre de la lutte antiterroriste.
Dans son dernier rapport trimestriel sur le Mali, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, juge « extrêmement préoccupante » la situation dans le nord et le centre du pays, « en particulier dans les régions de Mopti et de Ségou, où il y a eu davantage d'actes terroristes ou liés au terrorisme que dans l'ensemble des cinq régions du nord ».
Évoquant, dans ce rapport rendu public le 6 janvier, les responsabilités respectives du « Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans » et de l’État islamique dans le Grand Sahara dans ces attaques, il précise que Mission de l'ONU (MINUSMA) a reçu des informations selon lesquelles les deux groupes « agissaient en parallèle et probablement en collaboration ».
Des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de l'ONU, régulièrement visées par des attaques, malgré la signature en mai-juin 2015 d'un accord de paix, censé isoler définitivement les islamistes armés. Depuis 2015, ces attaques se sont étendues dans le centre et dans le sud du Mali et le phénomène gagne les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et le Niger.
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