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Ben Salmane « a tenté de persuader Netanyahou de faire la guerre à Gaza »

Selon des sources, la guerre faisait partie des scénarios suggérés par le groupe de travail mis en place pour conseiller le prince héritier saoudien suite au meurtre de Jamal Khashoggi
Il a été suggéré à Mohammed ben Salmane qu’une guerre à Gaza détournerait l’attention de Donald Trump (AFP)

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) a tenté de persuader le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou de déclencher un conflit avec le Hamas à Gaza dans le cadre d’un plan visant à détourner l’attention du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, ont indiqué à Middle East Eye des sources en Arabie saoudite.

La guerre à Gaza faisait partie d’un ensemble de mesures et de scénarios proposés par un groupe de travail mis en place dans l’urgence pour lutter contre les fuites par les autorités turques d’informations de plus en plus préjudiciables sur le meurtre de Khashoggi, selon des sources bien informées des activités du groupe.

Ce groupe de travail, composé de responsables de la cour royale, des ministères des Affaires étrangères et de la Défense ainsi que des services de renseignement, briefe le prince héritier toutes les six heures, a appris MEE.

Il a suggéré à MBS qu’une guerre à Gaza détournerait l’attention de Trump et recentrerait l’attention de Washington sur le rôle que l’Arabie saoudite joue dans la promotion des intérêts stratégiques israéliens.

Le groupe a également conseillé à MBS de « neutraliser la Turquie par tous les moyens », notamment en tentant de corrompre le président turc Recep Tayyip Erdoğan avec des offres d’achat d’armes turques et par des déclarations du prince héritier visant à tenter de renforcer les relations entre Riyad et Ankara.

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Dans des propos tenus lors de la Future Investment Initiative le mois dernier, MBS a affirmé que le meurtre de Khashoggi était utilisé pour créer un fossé entre l’Arabie saoudite et la Turquie. Il a ajouté que cela n’arriverait pas « tant qu’il y aura un roi appelé Salmane ben Abdelaziz et un prince héritier appelé Mohammed ben Salmane en Arabie saoudite ».

Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi a été brutalement assassiné dans l’enceinte du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre dernier, dans le cadre d’une opération qui, selon les autorités turques, aurait été menée par un commando qui aurait été composé de plusieurs gardes du corps de MBS.

Les responsables saoudiens ont nié que le prince héritier « sache quoi que ce soit » à propos du meurtre de Khashoggi.

Netanyahou a déclaré que la stabilité de l’Arabie saoudite était « très importante » pour la région et le monde (AFP)

Certaines des autres recommandations du groupe de travail ont été divulguées à un proche confident de MBS, Turki al-Dakhil, directeur général de la chaîne d’information Al Arabiya. Il a révélé « plus de 30 mesures éventuelles » que Riyad pourrait prendre si Washington lui imposait des sanctions.

Il a ajouté que le royaume était capable de doubler ou de tripler le prix du pétrole, d’offrir à la Russie une base militaire dans le nord du pays et de se tourner vers la Russie et la Chine pour qu’elles deviennent ses principaux fournisseurs d’armes.

Al-Dakhil a par la suite présenté ces menaces comme étant « uniquement ses idées », mais son article original sur le site Internet d’Al Arabiya attribue ces menaces à « des cercles décisionnels au sein du royaume », ce qui fait référence au groupe de travail créé pour conseiller MBS, selon les informations obtenues par MEE.

Relations secrètes

L’Arabie saoudite et Israël entretiennent des relations secrètes de plus en plus étroites, motivées par leur hostilité commune envers l’Iran, et MBS a joué un rôle de premier plan dans les efforts visant à faire accepter aux dirigeants régionaux l’« accord du siècle » de Trump, le plan de paix de ce dernier pour Israël et la Palestine.

S’adressant à la BBC plus tôt cette année, Netanyahou a déclaré qu’Israël et certains pays arabes traversaient un processus de « normalisation souterraine ».

Et alors que le meurtre de Khashoggi a été largement condamné par les dirigeants du monde entier, Netanyahou a déclaré plus tôt ce mois-ci : « Il est très important pour la stabilité de la région et du monde que l’Arabie saoudite reste stable ».

Deux semaines après le meurtre, des sources au sein du gouvernement saoudien ont également noté un soudain changement de ton dans les propos de Netanyahou sur le Hamas lors des négociations avec le Qatar visant à lever le blocus sur la bande de Gaza.

Netanyahou a déclaré lors de la réunion de son cabinet le 14 octobre : « Nous sommes très proches d’un type d’activité différent, une activité qui comportera des coups très puissants. Si cela a du sens, le Hamas cessera de tirer et de cesser ces violentes perturbations, maintenant. »

Échange de tirs entre le Hamas et Israël lundi suite à une opération ratée des forces spéciales israéliennes à Gaza (AFP)

Israël et le Qatar venaient de parvenir à un accord autorisant l’entrée de fonds dans la bande de Gaza sous blocus et le paiement des salaires des employés du Hamas lorsqu’un raid bâclé des forces spéciales israéliennes, qui bénéficiait d’une permission politique, a eu lieu dimanche soir à Khan Younès.

Le Hamas a tiré par la suite des centaines de roquettes en direction du sud d’Israël, tandis qu’Israël a lancé des frappes aériennes sur Gaza ; au moins quinze Palestiniens et un Israélien ont été tués au cours de cet échange de tirs, le plus important depuis 2014.

MEE n’est pas en mesure de confirmer de manière indépendante si l’incursion d’Israël à Gaza a été influencée par l’appel formulé par Mohammed ben Salmane à Netanyahou.

Dimanche, avant le raid, Netanyahou avait déclaré qu’il faisait « tout ce qui [était] en [son] pouvoir pour éviter une guerre inutile » à Gaza.

« Je n’ai pas peur de la guerre si elle est nécessaire, mais je veux l’éviter si elle ne l’est pas », a-t-il affirmé.

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Selon les sources de MEE, le groupe de travail avait également recommandé de montrer à Trump que l’Arabie saoudite n’était pas dépendante de son alliance avec Washington, notamment en invitant le président russe Vladimir Poutine à Riyad.

Poutine aurait déclaré qu’il effectuerait cette visite quelle que soit l’issue de l’affaire Khashoggi.

L’Arabie saoudite semble également en passe de tenir sa promesse d’augmentation du prix du pétrole brut en diminuant sa production.

Le ministre saoudien de l’Énergie, Khaled al-Faleh, a déclaré après une rencontre de l’OPEP ce week-end que le cartel estimait que la production devrait baisser de près d’un million de barils par jour. À elle seule, cette annonce a fait grimper le cours du Brent, une référence internationale, à 70,83 dollars le baril, après être passé sous la barre des 60 dollars le baril à la fin de la semaine dernière.

Cette initiative était un acte de défiance directement adressé à Trump, qui avait tweeté ce lundi : « On peut espérer que l’Arabie saoudite et l’OPEP ne réduiront pas leur production de pétrole. Les prix du pétrole devraient être nettement plus bas si on se base sur l’offre ! »

« Dites-le à votre patron »

Pendant ce temps, la pression sur Mohammed ben Salmane augmente à mesure que l’enquête sur l’assassinat de Khashoggi révèle de nouveaux détails.

MEE est en mesure de révéler que la Turquie détient des enregistrements de conversations entre des responsables saoudiens qui remontent au 28 septembre, lorsque Khashoggi est entré pour la première fois au consulat pour obtenir un certificat attestant qu’il avait divorcé de sa deuxième épouse. C’était quatre jours avant sa mort.

Ces enregistrements révèlent que l’attaché militaire saoudien à Istanbul, Ahmed Abdullah al-Muzaini, a joué un rôle crucial dans l’assassinat de Khashoggi.

Un manifestant porte un masque représentant le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avec du sang sur les mains lors d’une manifestation dédiée au meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi (AFP)

Après avoir rencontré Khashoggi et lui avoir affirmé qu’il prenait personnellement son dossier en main, al-Muzaini s’est envolé le lendemain pour Riyad où il a rencontré le major-général Ahmed al-Assiri, chef adjoint des services de renseignement saoudiens et l’un des commandants de l’Escadron du Tigre, formé pour assassiner des dissidents dans le pays et à l’étranger.

Le journal gouvernemental turc Sabah, qui a décrit al-Muzaini comme étant le cerveau du complot, a précisé que ce dernier avait discuté de l’assassinat de Khashoggi avec Assiri avant de retourner à Istanbul. Il est rentré à Riyad à 21 heures le jour du meurtre de Khashoggi.

MEE est également en mesure de révéler que le chef de l’escadron de la mort, Maher Abdulaziz Mutreb, a informé le consul Mohammed al-Otaibi avant l’assassinat. Otaibi a quitté la Turquie le 16 octobre, à la veille de la perquisition effectuée dans sa résidence officielle par les enquêteurs turcs.

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Lundi, le New York Times a révélé que Mutreb avait demandé à son supérieur, au cours d’un des quatre appels émis vers Riyad le jour du meurtre, de « [dire] à [son] patron » que Khashoggi avait été tué. 

Tout cela accroît la pression sur Washington pour qu’une réponse officielle soit donnée par l’administration Trump.

La CIA et d’autres responsables des services de renseignements doivent informer le Congrès cette semaine, tandis que les dirigeants du Congrès sont censés faire pression sur la directrice de la CIA, Gina Haspel, qui a entendu un enregistrement audio du meurtre de Khashoggi, pour qu’elle témoigne devant eux de ce qu’elle a entendu.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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