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Des musulmanes dénoncent les agressions sexuelles à la Mecque

Des centaines de musulmanes ont partagé sur les réseaux sociaux leurs témoignages de harcèlement sexuel dans ce qu’elles pensaient être « la ville la plus sacrée »
Les musulmanes ont lancé le hashtag #MosqueMeToo pour parler des agressions sexuelles à la Mecque (Islam4everyone)

Après les révélations des victimes d’agressions sexuelles et de harcèlement à Hollywood, ce sont maintenant les musulmanes qui dénoncent le harcèlement dont elles ont été victimes lors des pèlerinages de la oumra et du hadj à la Mecque.

« J’ai vécu cela à deux reprises », raconte Salma Omar, une enseignante de 33 ans, mère de triplés habitant au Caire, à Middle East Eye. « La première fois, j’avais une vingtaine d’années. Pendant que je faisais la oumra, un homme, derrière moi, a commencé à me toucher. La fois d’après, quelques années plus tard, je faisais le hadj. C’était pendant le tawaf [procession circulaire autour de la Kaaba]. Un homme me suivait et se frottait contre moi. Au début, je pensais qu’il s’agissait d’une erreur, surtout dans le contexte ! Il y avait tellement de monde que je ne pouvais pas me retourner pour voir qui c’était. Mais finalement, j’ai réussi et j’ai vu un gars qui me regardait droit dans les yeux et me souriait. Ça a continué cinq ou dix minutes pendant que j’essayais d’atteindre le reste du groupe avec lequel j’étais. J’étais terrifiée. Cet incident m’a marquée à vie. »

De nombreuses femmes qui ont témoigné à MEE affirment que ces expériences les ont traumatisées, et que le problème persiste parce qu’il existe peu d’options pour que les assaillants rendent des comptes.

« Ce genre de choses, vous vous y attendez partout sauf à la Mecque », ajoute Salma Omar. Elle dit avoir été humiliée et déroutée par cet incident qui l’a laissée incapable de réagir.

« Ce genre de choses, vous vous y attendez partout sauf à la Mecque. Je n’ai jamais réussi à me l’expliquer. Pendant le hadj, les gens sont censés être au plus pur de leur être »

- Salma Omar, 33 ans, Le Caire

La Mecque, ville qui a vu naître le prophète Mohammed et site de la première révélation du Coran, est considérée comme la plus sainte de l’islam. Le pèlerinage qui s’y déroule, le hadj, est obligatoire pour tous les musulmans.

Selon les autorités saoudiennes, les femmes représentent en général un peu moins de la moitié des pèlerins qui affluent à la Mecque chaque année pour faire le hadj ou la oumra, un pèlerinage moins important.

De nombreuses musulmanes racontent ressentir une grande sérénité à la Mecque, mais des centaines d’entre elles racontent depuis quelques jours les expériences de harcèlement sexuel dont elles ont été victimes dans « la ville la plus sainte sur la Terre ».

Mona Eltahawy, journaliste égypto-américaine, qui fut la première à partager son expérience, au Hadj en 2013, a lancé le hashtag #MosqueMeToo après un post publié par Sabica Khan, devenu viral, où cette Pakistanaise raconte comment elle a été agressée à la Mecque.  

Des musulmanes lisent le Coran près de la Mosquée sacrée à la Mecque (AFP)

Alaa Yasin, 33 ans, enseignante et mère de trois enfants, de Liverpool, raconte à MEE avoir également été sexuellement agressée pendant le hadj. Et, vu la foule, elle n’a pas été en mesure de dire qui en était l’auteur.

« J’étais avec mon frère en train de faire le tawaf quand j’ai senti quelqu’un se cogner contre moi à plusieurs reprises et se frotter. Ce n’était pas juste quelqu’un qui poussait et bousculait. Il y avait tellement de monde que je ne peux pas dire qui c’était. Je n’allais accuser personne. J’en ai parlé à mon frère et, à partir de ce moment-là, il a marché derrière moi. »

Aucun moyen de dénoncer

Alors qu’Alaa Yasin aurait aimé découvrir qui faisait cela pour le confronter et le dénoncer à la police, d’autres femmes regrettent de n’avoir eu personne à qui signaler ces incidents.

« Les policiers sont là, mais avec la foule, il est très difficile de les atteindre. Je ne crois pas non plus que la police m’aurait prise au sérieux », confie Salma Omar, en se souvenant que la police l’avait réprimandée quand le foulard avait glissé de sa tête, laissant des mèches de cheveux à découvert.

Au-delà des témoignages d’agressions sexuelles, les femmes ont été encore plus nombreuses à partager des statuts évoquant d’autres formes de harcèlement.

« J’étais naïve d’aller à la Mecque en pensant que c’était l’endroit le plus sûr. Il s’est finalement avéré que c’était tout le contraire »

- Alaa Yasin, 33 ans, Liverpool

« Je marchais avec ma belle-mère à l’extérieur de la Mosquée sacrée quand des gars ont arrêté leur voiture, descendu les vitres et ont commencé à nous siffler », raconte à MEE Fatima Kaya, 28 ans, mère de deux enfants, à Istanbul. « Depuis, je ne suis allée nulle part sans mon mari. »

À l’instar de Fatima Kaya, Sarah Matar, 23 ans, de Boston, n’a pas été victime d’agression sexuelle, mais elle se souvient qu’à chaque fois qu’elle sortait seule dans la Mecque, elle ne se sentait pas en sécurité.

« Je me souviens avoir senti le regard des hommes sur moi quand je marchais de la mosquée à l’hôtel. J’avais l’impression d’être une proie et je ne me sentais pas du tout en sécurité », raconte-t-elle.

Des musulmanes en pèlerinage posent pour une photo après la prière du soir, dans la Mosquée sacrée de la ville sainte de la Mecque (AFP)

Un choc total

Pour de nombreuses femmes qui visitaient la ville sainte pour la première fois, et qui s’attendaient à visiter ce qu’elles qualifient d'« endroit le plus pur sur la Terre », être victime d’une agression sexuelle fut un véritable choc.

« Je n’ai jamais pu m’expliquer ce qui est arrivé. Pendant le hadj, les gens sont censés être au pur plus de leur être », s’étonne-t-elle.

« Avant de faire la oumra, je n’étais pas pratiquante. J’étais si enthousiaste à l’idée de me trouver à la Mecque. Je m’attendais à beaucoup plus d’amour et de respect entre les frères et sœurs musulmans », témoigne Fatima Kaya.

Alaa Yasin partage le même sentiment. « J’étais naïve d’aller à la Mecque en pensant que c’était l’endroit le plus sûr. Il s’est finalement avéré que c’était tout le contraire. Si vous êtes une femme, vous êtes en danger, quel que soit votre âge. »

« Il est important pour les femmes d’être conscientes que ce genre de choses peut arriver et arrive tout le temps »

- Alaa Yasin, 33 ans, Liverpool

Comme de nombreuses femmes, Alaa Yasin estime que bien plus pourrait être fait pour sensibiliser et protéger les femmes contre un tel harcèlement.

« Les gens qui agissent de la sorte sont des opportunistes et se cachent derrière l’anonymat. La personne qui m’a agressée ne savait probablement pas à quoi je ressemblais. Pour lui, j’étais juste un corps féminin », analyse-t-elle. « Si la foule était moins dense et s’il y avait plus de gardes, on pourrait empêcher cela. Il est important pour les femmes d’être conscientes que ce genre de choses peut arriver et arrive tout le temps. »

Expérience positive

D’autres musulmanes parlent de leur pèlerinage à la Mecque comme d’une expérience positive.

« Je suis allée plusieurs fois à la Mecque, et je me suis réellement sentie en paix et en sécurité quand j’étais là-bas », témoigne Zeynep Ergun à MEE.

Yamima Talukder, 41 ans, la rejoint : « Je me suis sentie en sécurité et mon mari m’a laissée circuler à chaque fois que nous allions à la mosquée. Les Nigériens étaient adorables et attentionnés. Nos frères indonésiens étaient protecteurs. Les Bangladais qui nettoyaient les rues m’ont traitée comme une sœur. De cette expérience, le regard des hommes, propre, est ce que j’ai le plus apprécié. »

En lisant les témoignages de femmes harcelées, Yamima Talukder confie s’être sentie écœurée.

« Je n’ai rien connu de tel. Je n’imagine pas comment une telle situation pourrait se produire. »

Traduit de l’anglais (original).

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