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EXCLUSIF : Abbas propose un échange de terres à grande échelle avec Israël

L’Autorité palestinienne est prête à échanger trois fois plus de territoire que précédemment, a déclaré une source proche de l’OLP à MEE en amont de la visite de Trump en Cisjordanie
Donald Trump rencontre Mahmoud Abbas à la Maison Blanche début mai (AFP)

Middle East Eye est en mesure de révéler que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, présentera un plan impliquant que les Palestiniens cèdent 6,5 % de leurs terres à Israël – trois fois plus que précédemment offert – lors de la visite du président américain Donald Trump en Cisjordanie mardi.

La proposition exclut Jérusalem et semble cimenter la vision de l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert pour un accord de paix palestino-israélien, a déclaré à Middle East Eye un responsable palestinien proche de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).

« La partie palestinienne présentera [lors de la réunion avec Trump] une nouvelle vision qui est bien éloignée de celle de la majorité du peuple palestinien », a affirmé la source à MEE. « Cette vision est basée sur l'échange de beaucoup de terres palestiniennes. »

« Les discussions antérieures sur une résolution entre Palestiniens et Israéliens tournaient autour de l'échange de seulement 1,9 % des terres, mais maintenant, nous parlons de plus du triple », a indiqué la source.

Des musulmans prient près du Dôme du Rocher dans le complexe de la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem (AFP)

Lors des négociations de paix de 2008, qui avaient échoué, Abbas avait selon certains rapports rejeté une offre de l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert, lequel avait proposé qu'Israël conserve 6,3 % du territoire palestinien afin de garder le contrôle des principales colonies juives, avait rapporté le Times d'Israël en 2015.

« Les discussions antérieures sur une résolution entre Palestiniens et Israéliens tournaient autour de l'échange de seulement 1,9 % des terres, mais maintenant, nous parlons de plus du triple »

- Responsable palestinien proche de l'OLP

Abbas et Trump ont tenu leur premier entretien en face-à-face à Washington début mai. Selon le journal israélien Haaretz, à cette occasion le président palestinien a exhorté Trump à relancer les pourparlers de paix dans le cadre de l’offre d’Olmert de 2008.

Le président américain Donald Trump effectue ces jours-ci sa première visite à l’étranger. Il était ce dimanche en Arabie saoudite, où il a prononcé un discours devant les représentants d'une cinquantaine de pays musulmans axé sur la lutte contre le terrorisme, et il sera en Israël et en Palestine aujourd’hui et demain. Il devrait pour la première fois détailler sa vision de la paix entre Israéliens et Palestiniens lors d'une conférence de presse à Jérusalem.

Selon une source du ministère palestinien des Affaires étrangères, les pourparlers de paix ont échoué en 2008 parce que la délégation palestinienne avait accepté de n’échanger qu’un pourcentage beaucoup plus faible de terres.

« Nous discutons de cette question de l'échange de terres depuis les négociations avec Olmert », a déclaré la source du ministère des Affaires étrangères. « Mais au moment des pourparlers de paix de 2008, les Palestiniens avaient seulement accepté d'échanger entre 1 et 2 % des terres palestiniennes, alors qu’Olmert faisait pression pour environ 6,5 % ».

Selon le rapport du Times d'Israël, Olmert avait offert d'indemniser les Palestiniens avec des terres israéliennes équivalant à 5,8 % de la Cisjordanie, ainsi qu'un lien vers la bande de Gaza, autre territoire destiné à faire partie d'un État palestinien. L'offre rejetée comprenait également que la vieille ville de Jérusalem soit mise sous contrôle international.

Un manifestant palestinien handicapé brandit le drapeau national lors d'affrontements avec des soldats israéliens suite à une manifestation contre le blocus sur Gaza le 19 mai (AFP)

Cette fois-ci cependant, Jérusalem, l'aspect le plus controversé des discussions précédentes, n'est pas mentionné dans la proposition dont Abbas devrait discuter avec Trump lors de sa visite, a confié à MEE le responsable palestinien proche de l'OLP.

Les Palestiniens veulent Jérusalem-Est, qu'Israël occupe avec la Cisjordanie et la bande de Gaza depuis 1967, comme capitale de tout futur État palestinien. Israël, qui a ensuite annexé Jérusalem-Est, a déclaré unilatéralement Jérusalem « réunifiée » comme étant sa capitale en 1980. Aucune de ces démarches n’a jamais été reconnue par la communauté internationale.

Plus récemment, la promesse de campagne de Trump de déplacer l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem a compliqué davantage les discussions autour de Jérusalem dans le cas d'une résolution du conflit palestino-israélien. Abbas a averti Trump après son inauguration en janvier dernier que déplacer l'ambassade aurait un « impact désastreux sur le processus de paix, sur la solution à deux États et sur la stabilité et la sécurité de toute la région ».

Le processus de paix

Les Palestiniens se sont battus pour un accord négocié qui répondrait aux termes énoncés dans l’Initiative de paix arabe, une proposition datant de 2002 approuvée par la Ligue arabe qui demandait le retrait d’Israël de Cisjordanie et de Jérusalem-Est.

Cependant, les dirigeants palestiniens ne pensent pas que la visite de Trump fera avancer les choses.

Le problème n’est pas Trump ou Obama ou Abou Mazen, le problème est qu’Israël refuse de se retirer de Cisjordanie ou de Gaza – Awni al-Mashni, membre du Fatah

« Le problème n’est pas Trump ou Obama ou [le président de l’Autorité nationale palestinienne] Abou Mazen, le problème est qu’Israël refuse de se retirer de Cisjordanie ou de Gaza et ne souhaite pas mettre fin à l’occupation », a déclaré à MEE Awni al-Mashni, membre du mouvement Fatah, l’élément dominant de l’AP.

Mashni a expliqué que, indépendamment des détails de cette nouvelle proposition, toute initiative visant le retrait israélien de Cisjordanie et de Gaza finira par échouer puisque les dirigeants israéliens ont toujours refusé de prendre cette mesure.

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à la Maison-Blanche, le 15 février 2017, à Washington

« Le climat politique actuel ne permettra pas de parvenir à une solution. Le gouvernement israélien est plus radical que jamais et ne sera sensible à aucune initiative », a poursuivi Mashni.

Lors d’un important discours politique en décembre 2016, le secrétaire d’État américain, John Kerry, avait critiqué le gouvernement israélien du Premier ministre Benyamin Netanyahou, décrivant son gouvernement de coalition comme le « plus à droite de l’histoire israélienne ».

Alors que Netanyahou a affirmé qu’il était engagé en faveur d’une solution à deux États, les observateurs internationaux, y compris Kerry, ont déclaré que l’agenda du gouvernement israélien avait été orienté vers une solution à un seul État visant à créer un « Israël plus grand ».

Les propos de Kerry étaient survenus alors que des colonies israéliennes étaient en cours de construction en Cisjordanie occupée au mépris d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée en décembre 2016.

Le journaliste et analyste politique vivant à Jérusalem Rasim Abedat a déclaré à MEE qu’il avait peu d’espoir que Trump apporte une solution satisfaisante pour les Palestiniens, estimant que les intérêts américains et israéliens dans la région coïncident aujourd’hui plus que jamais.

« Si on regarde la rencontre entre Trump et Netanyahou plus tôt cette année, il n’y a pas eu de discussion sur une solution à deux États, et c’est exactement le but de Netanyahou – de mettre fin à toute discussion », a déclaré Abedat.

L’objectif d’un État palestinien indépendant en Cisjordanie a sombré dans la confusion lorsque Trump a déclaré lors de la visite de Netanyahou à la Maison-Blanche le 15 février dernier que, bien qu’il fût engagé à conclure un accord de paix « vraiment formidable », il n’était ni dévoué à son avènement, ni opposé à une « solution à un seul État » au conflit israélo-palestinien.

Parallèlement, plusieurs dirigeants palestiniens estiment que l’adoption par Abbas d’une approche individuelle l’a de plus en plus éloigné du peuple palestinien, ce qui ne le rend plus représentatif de ce dernier.

« L’AP lutte contre une crise interne et souffre de faibles niveaux de confiance auprès des Palestiniens. La seule chose qui la fait perdurer est qu’elle paie les salaires de dizaines de milliers d’employés », a déclaré Abedat à MEE.

Même si Abou Mazen accepte un accord, le peuple palestinien n’abandonnera pas Jérusalem – Rasim Abedat, journaliste palestinien

Selon Mashni qui est membre du Fatah, ce manque de représentation rendra insignifiante toute initiative d’Abbas.

« Je doute qu’Abou Mazen accepte un accord, et même s’il le fait, le peuple palestinien n’abandonnera pas Jérusalem ou n’acceptera pas la poursuite de l’occupation », a-t-il affirmé à MEE.

Une coalition arabe

Au lieu d’un règlement de la situation relative au conflit israélo-palestinien, de nombreux observateurs estiment que l’objet principal de la visite régionale de Trump est la création d’une coalition arabe qui aiderait à normaliser les relations entre Israël et ses voisins.

« Trump arrive avec un plan pour l’ensemble de la région qui vise à normaliser les relations entre les Palestiniens et les Israéliens d’une part et entre les Israéliens et le reste des Arabes d’autre part », a déclaré le responsable palestinien.

Un manifestant palestinien jette des pierres en direction des soldats israéliens lors d’affrontements à Bethléem, le 17 mars (AFP)

« L’objectif principal [de cette visite] est d’établir une coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite pour combattre l’Iran, la Syrie et le Hezbollah. »

De nombreux États du Golfe ont proposé un accord pour normaliser les relations avec Israël si ce dernier prend des mesures dans le but de relancer les pourparlers de paix avec les Palestiniens, selon des informations relayées la semaine dernière.

Selon le Wall Street Journal, de nombreux États du Golfe étaient prêts à installer des lignes de télécommunication entre les pays, à ouvrir des négociations commerciales et à permettre aux avions israéliens de survoler leur espace aérien.

En échange, Israël devrait geler la construction de colonies en Cisjordanie et relâcher les restrictions commerciales avec la bande de Gaza.

Même si Abbas a accepté de renoncer à Jérusalem, personne ne peut imposer quoi que ce soit au peuple palestinien – Awni al-Mashni, membre du Fatah

Les propositions visant à normaliser les relations avec Israël ont été décrites dans un document partagé entre plusieurs États arabes que s’est procuré le WSJ.

Le document, selon le WSJ, visait à démontrer l’engagement des États du Golfe à s’aligner sur la politique étrangère de Trump, qui a souligné sa volonté de travailler avec les États arabes en vue de forger un accord de paix au Moyen-Orient.

MEE s’est rapproché de Mohammad Shtayyeh, ministre du Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction (PECDAR) et membre du comité central du Fatah, mais ce dernier a refusé de formuler des commentaires à ce sujet.

Le journaliste et analyste politique Rasim Abedat a indiqué qu’Israël et Trump pourraient également se servir de cette coalition pour « faire pression sur les dirigeants palestiniens afin de les pousser à accepter un règlement qui n’inclut pas une solution à deux États ».

Mashni a partagé cet avis : « De nombreux gouvernements arabes pensent que la cause palestinienne a été un obstacle à la formation de cette coalition et ils [les pays arabes] tenteront donc de trouver un moyen de le contourner. »

Reflétant l’état d’esprit de la majorité des Palestiniens, Mashni a cependant insisté sur le fait que « même si Abbas a accepté de renoncer à Jérusalem, personne ne peut imposer quoi que ce soit au peuple palestinien et le peuple palestinien ne permettra pas cela ».

« Abbas poursuit une bataille perdue d’avance. J’espère qu’il ne s’engagera à rien devant Trump », a déclaré le responsable.

Traduit de l’anglais (original).

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