Facebook, « une plateforme sécuritaire qui sert les Israéliens »
Lundi dernier, des journalistes de Gaza ont manifesté contre ce qu’ils qualifient de politique de ciblage des activistes palestiniens par Facebook.
Ce rassemblement, organisé par le Journalist Support Committee (JSC) et tenu devant le siège de l’UNESCO à Gaza, visait à mettre en lumière ce que les activistes palestiniens qualifient de ciblage discriminatoire de la part du réseau social, bien souvent sur ordre d’Israël.
Salah al-Masri, le président du JSC, a accusé Facebook d’être partial en faveur d’Israël et de supprimer et bloquer régulièrement les pages de titulaires de comptes palestiniens.
« Il est regrettable de constater les actions de Facebook contre la cause palestinienne, en bloquant et supprimant les comptes d’activistes et les pages palestiniennes sans préavis », a-t-il déploré.
« Facebook est une plateforme sociale qui promeut la communication entre les communautés, leurs actualités et leurs cultures. Cependant, c’est aujourd’hui une plateforme sécuritaire qui sert les Israéliens », a ajouté Masri.
Selon lui, en ciblant ainsi les pages des activistes palestiniens, Facebook a permis au discours israélien de dominer la discussion mondiale, tout en réduisant au silence les Palestiniens. Et la campagne n’a fait que s’intensifier depuis l’annonce par les États-Unis de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël au mois de décembre.
« Le JSC et les organisations des droits de l’homme lanceront des campagnes de lobbying et de plaidoyer pour que Facebook regrette sa politique partiale, car de tels actes sont clairement contre la cause palestinienne et ne servent que l’occupation israélienne », a déclaré Masri.
La manifestation de lundi, a-t-il précisé, visait à faire prendre conscience aux gens de ce ciblage des activistes palestiniens par Facebook et à appeler l’entreprise californienne à rouvrir les pages et les comptes qu’elle a fermés.
« Le contenu palestinien est qualifié de provocateur, mais la même norme n’est pas appliquée à l’égard du contenu israélien : nous avons enregistré plus de 60 000 publications israéliennes [dans la même période] qui incitent à la violence contre les Palestiniens »
- Iyad Rifai, coordinateur du Sada Social Media Center
La récente multiplication des fermetures de pages et de comptes Facebook des activistes palestiniens s’est produite parallèlement aux manifestations populaires à Gaza et en Cisjordanie contre la décision du président américain Donald Trump sur Jérusalem, selon des activistes.
Ces manifestations ont souvent été accueillies par une réponse armée d’Israël.
En 2016, le gouvernement israélien et Facebook ont convenu de travailler ensemble pour « s’attaquer aux incitations à la haine ».
« Israël a demandé à Facebook de supprimer des pages, des comptes et des posts palestiniens. Cela a été fait en vertu de l’accord contre le terrorisme signé le 9 septembre 2016 entre le gouvernement israélien et les responsables de Facebook lors de leur visite en Israël, ils avaient alors rencontré le ministre israélien de la Sécurité intérieure Gilad Erdan et le ministre de la Justice Ayelet Shaked », a expliqué Salameh Maarouf directeur du bureau d’information du gouvernement à Gaza.
Lors d’une conférence sur l’activisme numérique qui s’est tenue en Cisjordanie en janvier, Aibhinn Kelleher, responsable de la politique de produit chez Facebook, a été interrogée sur la coopération supposée de la société avec le gouvernement israélien.
Israël a demandé les données de 509 comptes Facebook au premier semestre 2017, selon les informations les plus récentes mises à disposition par la société, et Facebook a fourni au moins des informations dans 77 % de ces cas.
Kelleher a estimé qu’il y avait des « idées fausses » sur les réunions de Facebook avec Israël, qui selon elle « ne signifient pas que nous prenons position » sur ses actions.
« Idées fausses » ?
Mais selon Khaled Safi, consultant en réseaux sociaux, les autorités israéliennes continuent de demander à Facebook de supprimer des contenus créés en Palestine.
Israël étant un client clé de l’entreprise, Facebook est plus soucieux de construire de bonnes relations avec ce pays qu’avec la Palestine, a-t-il déclaré.
« Facebook tire profit de l’hébreu comme plateforme officielle et des relations avec les Israéliens et veut construire un observatoire officiel ou un siège [régional] officiel pour Facebook en Israël. »
« Cela permet de supprimer les pages et les comptes palestiniens, car il n’y a aucun avantage financier à permettre à du contenu palestinien de rester sur Facebook », a-t-il ajouté.
Safi pense également que les pages palestiniennes sont de plus en plus ciblées depuis la décision de Trump, car de nombreux militants palestiniens sur les réseaux sociaux ont des milliers de partisans à travers le monde.
Facebook n’a pas souhaité s’exprimer.
Blocages répétés
Muthana al-Najjar est un journaliste basé à Gaza et un activiste sur les réseaux sociaux.
Depuis l’annonce de Trump, Najjar s’est vu interdire de poster sur Facebook quatre fois.
Après son premier bannissement, qui a duré trente jours, il a de nouveau été banni pendant sept jours à la mi-janvier, puis trois jours début février puis trente jours fin février, après avoir publié une vidéo en direct demandant la libération d’un détenu palestinien d’une prison israélienne.
« Depuis la déclaration de Trump, la surveillance de Facebook s’est accrue à l’égard des pages palestiniennes »
- Iyad Rifai, coordinateur du Sada Social Media Center
Najjar compte plus de 100 000 abonnés sur sa page Facebook et est le troisième activiste palestinien le plus influent sur les réseaux sociaux, selon Pal Tweet, un site d’information palestinien qui se concentre sur les réseaux sociaux.
Après cette série de bans temporaires, il craint d’être définitivement exclu du site puisqu’il continue de publier des informations sur les questions relatives aux droits de l’homme des Palestiniens.
« J’ai peur qu’en supprimant définitivement mon compte Facebook, je perde mes abonnés qui font confiance à mes informations et à mes publications », a confié Najjar.
Les pages Palestine Net, Ishraqat Magazine, Palestine 27, Palestine Plus, Jerusalem et Jenin Mix ont toutes été fermées définitivement par Facebook.
Les pages d’Ali Nasman, Ahmed Jarar et Hassan Isleih, journalistes et activistes sur les réseaux sociaux, ont également été ciblées par cette politique discriminatoire, affirment-ils. Ensemble, ils ont des milliers d’abonnés dans le monde entier.
Sada Social Media Center, qui suit les violations contre le contenu palestinien sur Facebook, a enregistré 500 violations de ce type depuis février, avec 100 pages fermées et 70 comptes suspendus, lesquels prônaient tous la cause palestinienne.
« Depuis la déclaration de Trump, la surveillance de Facebook s’est accrue à l’égard des pages palestiniennes », a déclaré Iyad Rifai, coordinateur de Sada.
« Le contenu palestinien est qualifié de provocateur, mais la même norme n’est pas appliquée à l’égard du contenu israélien : nous avons enregistré plus de 60 000 publications israéliennes [dans la même période] qui incitent à la violence contre les Palestiniens, appelant l’armée d’occupation à tuer les Palestiniens. »
« Il y a en moyenne un post israélien provocateur à l’égard des Palestiniens toutes les 47 secondes », a-t-il ajouté.
Certains militants palestiniens, dont les comptes ont été ciblés à de nombreuses reprises, se sont tournés exclusivement vers Twitter pour partager leurs opinions.
Adham Abu Salmiyeh, porte-parole du comité « Brisons le siège contre Gaza », est l’un d’entre eux.
« Mon compte Facebook a encore été désactivé. Je n’utiliserai plus Facebook au moins pour la période à venir, et Twitter est mon seul compte sur les réseaux sociaux pour communiquer avec le monde », a-t-il récemment tweeté.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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