Ghassan Salamé en Libye : objectif stabilité
BEYROUTH – Il aura fallu quatre mois pour connaître le nom du nouvel envoyé spécial de l’ONU en Libye et, sauf retournement de dernière minute, c’est l’ex-ministre libanais de la Culture Ghassan Salamé qui va endosser ce costume qui, comme le rappelle Mattia Toaldo, membre politique du Conseil européen des relations internationales spécialiste de la Libye, sera lourd à porter.
« Le travail de l’envoyé spécial de l’ONU en Libye n’est pas particulièrement attractif, et ce n’est pas un mystère, de nombreuses personnalités approchées avant Ghassan Salamé avaient refusé l’offre ».
Plus de vingt personnalités ont en effet été approchées pour prendre la place de Martin Kobler, le diplomate allemand dont le mandat a dû être prolongé en catastrophe pendant quatre mois.
Finalement, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a officiellement avancé le nom de Ghassan Salamé le 16 juin, qui, selon Reuters, devrait être approuvé par les membres du Conseil de sécurité mardi 20 juin.
La prorogation du mandat de son prédécesseur va rendre sa tâche, déjà ardue, encore plus complexe selon Claudia Gazzini, chercheuse spécialisée sur la Libye à l’International Crisis Group (ICG).
« L’envoyé précédent, Martin Kobler, laisse un grand vide derrière lui, notamment du fait de sa lente succession au cours de laquelle tout le monde savait déjà qu’il partirait, ce qui a étiolé son autorité. Plusieurs acteurs régionaux ont alors pu lancer des initiatives en-dehors du cadre de l’ONU, de l’Égypte à l’Algérie, en passant par les Émirats arabes unis », explique la chercheuse, qui se félicite de la nomination de Ghassan Salamé, membre du bureau de l’ICG, tout en restant prudente. « Attendons le vote du Conseil de sécurité. Il y a déjà eu tant de retournements que tout est désormais possible », soupire-t-elle.
Des enjeux restés en arrière-plan
À l’origine, Antonio Guterres avait promu la nomination de l’ex-Premier ministre palestinien pour prendre la tête de la mission de support de l’ONU en Libye (UNSMIL). Mais l’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley avait objecté, estimant que « pendant trop longtemps, l’ONU a été biaisé de manière injuste en faveur des autorités palestiniennes au détriment de nos alliés en Israël. »
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À son arrivée en novembre 2015, Martin Kobler avait la lourde tâche d’effacer le mauvais souvenir de son prédécesseur Bernardino Léon, accusé de conflits d’intérêts par une enquête du quotidien britannique The Guardian en faveur des Émirats arabes unis et de leur allié local, le parlement élu de Tobrouk.
Un mois après son arrivée, il obtenait à la signature de l’Accord politique libyen de Skhrirat, qui devait aboutir à la création d’institutions nationales, mais qui a été suspendu par le parlement en mars dernier.
Un résultat en demi-teinte qu’il a reconnu lors de son dernier discours le 7 juin devant le Conseil de sécurité : « En Libye, le processus de transition n’a pas été totalement instauré. Des institutions parallèles continuent d’exister. »
Dans ce contexte difficile, Claudia Gazzini précise : « On ne peut pas attendre d’initiative de paix de la part du nouvel envoyé spécial. Ce qu’il peut obtenir est l’instauration d’un climat de dialogue entre les acteurs », dit-elle, avant d’ajouter : « Il devrait aussi mettre l’accent sur des enjeux qui sont restés en arrière-plan sous la férule de Martin Kobler, notamment les problèmes économiques comme le budget, l’exportation de pétrole ou le trafic d’êtres humains. »
Mattia Toaldo appelle à la même prudence : « Le combat de Ghassan Salamé sera avant tout de réaffirmer la pertinence de l’ONU, tandis qu’une percée dans le processus de paix est peu probable à court terme. L’ONU devra se concentrer sur des efforts de stabilisation et de réconciliation. »
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