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Hatra se dresse fièrement : une ville antique irakienne survit à son utilisation comme base de l’EI

Tombes pillées, statues dégradées… mais les ruines de Hatra restent majestueuses et des milliers de briques portant le nom de Saddam Hussein sont toujours là
Des graffitis de l’État islamique sur l’une des ruines antiques de Hatra, en Irak (Tom Westcott/MEE)

HATRA, Irak – Akeel Abu Zein s’est dirigé vers les ruines couleur sable de la ville antique de Hatra, dont les murs fortifiés furent étroitement surveillés par les militants de l’État islamique pendant les trois années au cours desquelles ils s’en sont servis comme quartier général dans le désert.

« Faites attention où vous marchez, nous découvrons encore des EEI ici », a indiqué le capitaine irakien, prévenant du danger posé par les engins explosifs improvisés.

« Daech [autre nom de l’État islamique] avait prévu de détruire complètement Hatra avant de partir, et nous avons découvert des EEI et des pièges partout, mais notre progression fut très rapide et les a pris par surprise, alors ils n’ont pas eu le temps de mettre à exécution leurs projets de destruction. »

Des obus de mortier alignés devant l’une des arches utilisées en tant que position antiaérienne (Tom Westcott/MEE)

Beaucoup d’EEI ont été fabriqués dans un atelier d’explosifs près de l’entrée du site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, libéré de l’EI la semaine dernière par les forces irakiennes des Hashd al-Shaabi (Unités de mobilisation populaire).

Plus d’une centaine d’EEI tout juste fabriqués sont soigneusement empilés avec un tas distinct de détonateurs pour ces dispositifs meurtriers sous des peintures murales citant des versets du Coran. Akeel a précisé qu’ils ne comptent plus le nombre d’EEI qui ont été désactivés à Hatra par les unités d’ingénierie militaire des Hashd al-Shaabi.

Le temple transformé en usine de voitures piégées

L’EI a démoli certaines parties du site antique de Hatra à l’aide d’explosifs et de bulldozers après s’être emparé de la zone à la mi-2014, mais la plupart des structures antiques demeurent intactes.

À l’insu du monde extérieur, où les historiens et les archéologues exprimaient leur crainte de voir Hatra rasée comme la ville irakienne antique de Nimroud, l’EI avait d’autres projets pour le site historique.

Certains que les avions de guerre n’attaqueraient jamais l’un des plus précieux sites du patrimoine irakien, l’EI a transformé Hatra en quartier général régional, se servant des temples deux fois millénaires de la capitale du premier royaume arabe.

Le temple de Mrn à Hatra est l’une des structures laissées intactes par l’EI (Tom Westcott/MEE)

Des habitants en fuite ont déclaré à MEE que les murs étaient surveillés par les combattants de l’EI 24 heures sur 24 et que les effectifs civils de l’EI n’avaient pas le droit de pénétrer sur le site.

Un temple a été transformé en atelier pour la fabrication de véhicules piégés que les militants ont utilisé sans succès contre la progression des forces des Hashd al-Shaabi, lesquelles, après près de trois ans de combats contre l’EI, ont appris à se débarrasser des véhicules piégés.

Des parties du site ont servi de terrain de formation pour certains combattants d’élite de l’EI, ainsi que des enfants d’à peine six ans parfois, surnommés les « lionceaux du califat ».

Les uniformes de l’EI pour les enfants et du sinistre matériel didactique pour les décapitations ont été trouvés à proximité. Du matériel d’escalade taille enfant se trouve toujours à côté d’arches antiques.

Dans un coin surplombant le site, des obus de mortier étaient alignés en rangées à l’extérieur de deux arches noircies, d’où l’EI ciblait les hélicoptères de l’aviation irakienne les survolant avec des armes antiaériennes.

Ce ne sont que deux des nombreux postes de combat de l’EI sur le site que les frappes aériennes sont parvenues à détruire avec un impact très limité sur les ruines.

Des militants de l’EI ont fait tomber les murs des chambres pour se déplacer sans être vus (Tom Westcott/MEE)

Une grande partie de la structure historique reste intacte. Layla Smith, responsable régionale des antiquités, a déclaré que les dommages causés à Hatra n’étaient pas comparables à ce qui est arrivé aux autres sites archéologiques irakiens ciblés par l’EI.

L’ampleur totale des pertes d’artefacts précieux doit encore être établie.

Les installations de stockage ont été saccagées, les étagères ont été renversées et des boîtes en métal, remplies d’objets archéologiques, ont été vidées. Le sol d’une des pièces est recouverte de fragments sculptés, qu’écrasaient les bottes d’Ammar, un soldat des forces spéciales.

Bien sûr, ils ont volé tous les artefacts de valeur. Il manque beaucoup de choses – Ammar, commando irakien

Il a soulevé quelques sacs soigneusement étiquetés qui ont échappé au pillage – l’un d’eux rempli de fragments d’os. « Ils ont même touché à ces petites choses, ils ont vidé toutes les caisses et les sacs par terre », a-t-il déploré en secouant la tête.

« Bien sûr, ils ont volé tous les artefacts de valeur. On nous a dit que beaucoup de choses manquent.

Le sort d’un tombeau antique, qui contenaient des artefacts précieux selon les archéologues qui ont visité le site après la libération, était particulièrement inquiétant.

L’entrée de la tombe avait été découverte par l’EI mais, à plusieurs mètres sous terre, personne n’a encore pu accéder à la tombe elle-même pour en savoir davantage.

L’EI a dégradé des statues et en a utilisé d’autres comme cibles pour s’entraîner au tir (Tom Westcott/MEE)

Les militants ont également brisé des murs en brique, derrière lesquels les archéologues stockaient quelques-unes des statues les plus précieuses du site. Celles-ci ont été décapitées, tandis que d’autres statues se dressent encore sur place, le visage brisé. D’autres ont été réduites en morceaux.

Dans une vidéo de propagande publiée en 2014, les membres de l’EI se sont filmés en train de briser les visages d’images sculptées bordant les murs d’un temple, affirmant que celles-ci n’étaient pas islamiques.

D’autres images en relief, trop hautes pour être atteintes, ont été détruites par des tirs. À travers Hatra, les statues et les piliers ont été utilisés pour l’entraînement répété au tir sur cible.

Dans la partie la plus éloignée du site, dans une zone encore inaccessible en raison de l’élimination en cours des EEI, se trouve une grue rouillée qui, selon les soldats, remonte à l’époque de Saddam Hussein.

Les initiales de Saddam Hussein ont été sculptées sur chaque brique lors d’un projet de restauration des années 1990 (Tom Westcott/MEE)

Avant 2003, l’ancien dirigeant irakien avait lancé un programme de restauration sur certains des plus importants sites du pays, notamment Hatra.

Des milliers de pierres utilisées pour restaurer Hatra ont été gravées aux initiales de Saddam Hussein, apparemment à l’image du roi babylonien Nabuchodonosor II au sixième siècle avant Jésus-Christ.

La présence de Saddam Hussein persiste encore 14 ans après le renversement de son régime.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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