« J’accuse l’Autorité palestinienne de la mort de mon enfant » : le drame des malades bloqués à Gaza
BANDE DE GAZA – Baraa Ghaben était âgé de huit jours lorsqu’il est mort.
Il faisait partie des quatre nouveau-nés palestiniens qui sont morts en 24 heures. Un transfert thérapeutique – qui les aurait autorisés à sortir de Gaza pour obtenir un traitement médical – leur a été refusé par l’Autorité palestinienne (AP) et les autorités israéliennes.
« Lorsque le docteur m’a dit que mon fils avait une malformation cardiaque et avait un besoin immédiat de transfert thérapeutique, j’étais terrifiée », témoigne son père Mohammed à Middle East Eye. « J’avais peur car je savais qu’il ne serait pas facile d’obtenir un transfert thérapeutique. Mais je me suis dit, c’est un petit bébé, on ne lui interdira pas. »
Mohammed a appelé des hauts responsables, qui lui ont dit qu’ils attendaient toujours un mot de responsables au ministère de la Santé de l’AP à Ramallah.
Puis il a lu qu’un autre nouveau-né palestinien, Musa’ab al-Areer, venait de mourir après un refus de transfert.
« Je me suis demandé si mon bébé serait le prochain », se souvient Mohammed. « Le lendemain matin, l’administration de l’hôpital m’a appelé pour me dire que mon fils était mort. Je suis resté sans voix. »
Baraa Ghaben est mort dix heures après Musa’ab al-Areer. Sa mère, Hanan, a expliqué s’être effondrée lorsqu’elle a appris la mort de son fils.
« Je rêvais de voir ma fille Maryam jouer avec son frère Baraa avant sa mort. Maintenant elle tient une photo de lui et l’embrasse. Elle ne sait pas ce qu’il s’est passé. »
« J’accuse l’Autorité palestinienne de sa mort »
La mort de Musa’ab al-Areer, le premier bébé mort en 2017 suite au blocus sur les transferts, a choqué les Gazaouis et a été très médiatisée.
Pour beaucoup de personnes, un enfant innocent est mort à cause des conflits politiques, victime de la rivalité entre le Fatah et le Hamas ainsi que du siège israélien imposé depuis onze ans.
Traduction : « Le bébé Musa’ab al-Areer est mort alors qu’il attendait son transfert médical. Au même moment, un chat a eu le droit de sortir de Gaza. Oui, bien sûr qu’un chat a une vie, mais un enfant aussi »
Le département des traitements à l’étranger, situé à Gaza, chargé de la gestion des transferts, a été créé en 1994 sous la supervision du ministère de la Santé de l’AP en Cisjordanie.
Mais l’AP a coupé son allocation financière annuelle pour les transferts depuis que le Fatah, qui contrôle l’autorité, s’est séparé du groupe au pouvoir à Gaza, le Hamas, en 2006.
Depuis la fin mai, il y a eu encore moins de transferts, selon le ministère de la Santé à Gaza, avec seulement 220 candidatures approuvées sur plus de 3 500.
Ainsi, treize patients sont morts en 2017, selon un rapport du ministère de la Santé à Gaza. On estime à l’heure actuelle que 4 000 cas médicaux attendent un transfert.
La grand-mère de Musa’ab, Nadia, explique que la maladie du bébé – il est mort avec le cœur à l’extérieur de la cage thoracique et le cordon ombilical adjacent au cœur – était trop compliquée pour que les hôpitaux de Gaza puisse la traiter.
Elle raconte à MEE que la famille a essayé d’envoyer son premier petit-fils à l’hôpital Makassed à Jérusalem et à l’hôpital d’Hébron avant que le Tel HaShomer à Ramat Gan l’accepte, mais il était trop tard.
« Dès son premier souffle, nous avons fait de notre mieux pour l’envoyer à l’étranger, mais l’Autorité palestinienne à Ramallah a mis des obstacles aux procédures de voyage. Ils ont refusé de nous donner la permission », souligne-t-elle.
« Qu’a-t-il fait de mal pour être une victime du siège israélien et de la division palestinienne ? J’accuse l’Autorité palestinienne de sa mort. »
Vingt traitements contre le cancer ne sont pas disponibles, selon un docteur
À l’hôpital Rantisi pour enfants à Gaza, Samir al-Zain est assis à côté de son fils Baraa, 8 ans, atteint d’un cancer du sang depuis dix-huit mois.
Samir explique que son fils s’est rendu dans des hôpitaux israéliens pour son traitement et qu’il faisait des progrès jusqu’à ce que la situation se complique ces derniers mois.
« Mon enfant devait voyager il y a deux mois pour finir son traitement », explique Samir, « mais les forces d’occupation israéliennes ont inscrit son nom sur la liste de sécurité et cela a privé notre enfant de traitement. »
« Ma femme et moi venons tous les jours nous asseoir à côté de notre enfant à l’hôpital. Nous attendons que quelqu’un nous dise que l’occupation a accepté que notre enfant voyage pour obtenir son traitement. Mais il semble que le siège va tuer notre enfant. »
Awad Aishan, un consultant en oncologie à l’hôpital, précise à MEE que les patients sont victimes non seulement du blocus sur les transferts mais aussi des coupures d’électricité qui ont endommagé les médicaments et les vaccins.
« Nous faisons le double des efforts en traitant les enfants et les personnes âgées qui souffrent de maladies chroniques. Le problème, c’est le manque de traitements pour les cas difficiles, qui nécessitent des traitements urgents à l’étranger. »
Selon Awad Aishan, vingt types de traitements différents pour le cancer ne sont pas disponibles à Gaza.
« Les patients dans les hôpitaux souffrent à cause du manque de traitements et ont besoin en urgence de transferts thérapeutiques. »
En avril, Khalil al-Dugran, le directeur du service des infirmiers à Gaza, a déclaré que les coupures d’électricité pourraient impacter 113 incubateurs pour bébés, 117 outils de dialyse qui sauvent la vie de 620 patients et 51 salles d’opérations.
Le ministère a également rapporté que 50 laboratoires médicaux et dix banques de sang ont été impactés par les coupures de courant, aggravées par le manque de carburant pour faire fonctionner les générateurs.
« J’ai peur de perdre mon enfant »
Ashraf al-Qedra, un porte-parole du ministère de la Santé à Gaza, raconte à MEE que « le ministère à Ramallah n’a pas répondu aux demandes de transferts thérapeutiques, et n’a pas obtenu les permissions de voyage, ce qui a mené à la mort des quatre enfants ».
Il relève aussi qu’il y a moins de transferts. « L’Autorité palestinienne a répondu en rejetant 1 622 transferts médicaux pour des patients de Gaza, et d’autres demandes de transferts sont restées sans réponse, que ce soit refus ou accord. »
« Nous espérons que les nouvelles mesures contre la bande de Gaza et le renforcement du siège n’entraîneront pas la mort d’autres patients dans les heures et jours à venir. »
L’Autorité palestinienne a déclaré en juin qu’elle n’avait pas changé sa politique vis-à-vis de Gaza, selon Haaretz, et qu’il n’y avait pas eu de changement dans le nombre d’aides financières.
Israël a imposé un blocus sur Gaza depuis la prise du pouvoir par le Hamas en 2006. Le pays a déclaré que les demandes pour renforcer le siège et couper l’électricité venaient de l’AP, qui, selon Israël, est le gouvernement légitime et officiel de tous les Palestiniens.
En mai, l’association des organisations de Gaza pour les droits de l’homme a condamné l’AP et Israël, et a demandé qu’ils respectent leurs obligations envers les citoyens sur le territoire, y compris les droits les plus élémentaires. L’association a également appelé les leaders du Hamas et du Fatah à mettre fin à leur division.
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De retour à l’hôpital Rantisi pour enfants, Maryam Abu Hasira, assise avec son fils Yazen, 6 ans, atteint d’un cancer des muscles, explique que son fils a été soigné en Israël, aux frais de l’AP, jusqu’à ce que cela s’arrête soudainement il y a quatre mois.
« Nous ne savons pas pourquoi », explique-t-elle, « et l’occupation emploi le terme ‘‘sécurité’’ comme excuse pour nous empêcher de voyager ».
« J’ai peur de perdre mon enfant. Je ne peux pas m’imaginer le voir mourir devant mes yeux, pendant que je suis immobile. Je ne veux pas qu’il meure comme les autres enfants. »
Traduit de l’anglais (original).
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