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L’opposition égyptienne serre les rangs pour mettre fin au régime de Sissi

Un politicien exilé de l’opposition, Ayman Nour, confie à MEE que la seule réalisation du président égyptien a été de liguer tous les partis contre lui
Ayman Nour salue le public après s’être inscrit comme candidat à la présidentielle égyptienne en 2012 (AFP)

ISTANBUL, Turquie – Les personnalités et partis d’opposition égyptiens s’unissent face à une répression accrue de l’État pendant « une année cruciale » pour l’avenir de la démocratie dans le pays, a annoncé l’un des principaux hommes politiques de l’opposition en Égypte.

Ayman Nour, chef du parti libéral Ghad el-Thawra, a déclaré à Middle East Eye que la gestion du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi était, à une chose près, un échec total.

« La seule chose qu’il [Sissi] a réussi à faire, c’est à liguer l’ensemble de l’opposition égyptienne, qui est aussi diversifiée que possible », a déclaré Nour dans une longue interview réalisée au début du mois.

Le fait que Nour soit aujourd’hui président du conseil d’administration de la chaîne de télévision égyptienne Al-Sharq, basée à Istanbul et connue pour sa sympathie envers les Frères musulmans, montre que l’opposition autrefois divisée serre désormais les rangs.

Nour, qui a pris ses fonctions il y a sept mois, a insisté sur le fait qu’Al-Sharq n’est pas affiliée à un groupe quelconque, mais est plutôt une chaîne représentant le peuple, l’opposition et les forces révolutionnaires égyptiennes dans leur ensemble.

« Nous représentons les libéraux, les Frères musulmans et tous les autres points de vue », a-t-il assuré. « Je détiens une participation financière dans cette chaîne depuis sa création en 2014. »

Pourtant, c’est un secret de polichinelle que de nombreux médias fidèles aux Frères musulmans se sont établis en Turquie après le coup d’État de 2013, qui a renversé le président élu, Mohamed Morsi.

La chaîne de télévision Al-Sharq en fait partie, selon des spécialistes des médias égyptiens. Les gestionnaires de la chaîne ont indiqué que tous les segments de la société égyptienne manifestaient un fort intérêt pour ses émissions, mais ils étaient réticents à révéler toute information sur la chaîne, y compris sur le nombre de personnes employées hormis le fait que c’est « un nombre suffisant pour son fonctionnement ».

Homme politique avisé et chevronné, Ayman Nour n’a pas voulu révéler les détails d’une quelconque coopération entre les différents groupes d’opposition. Cependant, il tient à souligner que l’opposition égyptienne a appris l’importance de s’unir face à la répression du gouvernement de Sissi sur les dissidents.

« Oui, nous coopérons et travaillons désormais tous à un avenir meilleur sans Sissi. Tout le monde, des libéraux aux Frères musulmans et les autres, a réalisé que nous devons travailler ensemble », a-t-il affirmé.

Persécution en Égypte et à l’étranger

En 2005, Ayman Nour fut le premier homme politique à se présenter contre Hosni Moubarak, l’ancien président égyptien, et finit par être emprisonné en retour. Plus tard, après le coup d’État mené par Sissi contre le président Mohamed Morsi en 2013, Nour est parti au Liban et y est resté jusqu’à ce qu’un tuyau des services de renseignement libanais ne l’incite à fuir.

« J’ai dû me rendre en Turquie en juillet dernier. Un haut responsable des renseignements libanais m’a informé d’un complot visant à m’assassiner. Il ne m’a pas donné de détails sur le commanditaire, s’il s’agissait d’un projet du régime Sissi ou non, mais ce n’est pas difficile à deviner », a-t-il rapporté.

« En tout cas, on m’avait dit auparavant que je devrais prendre des dispositions de sécurité maximales, notamment voyager en véhicule blindé. Ce n’est pas agréable. »

Même en Turquie, l’un des adversaires les plus virulents à la prise de contrôle de Sissi avec le Qatar, le harcèlement a continué, le gouvernement de Sissi refusant de renouveler son passeport, a poursuivi Nour.

La menace de non-renouvellement avait été formulée par les responsables égyptiens l’année dernière, mais aujourd’hui, le passeport de Nour ayant effectivement expiré, lui et d’autres adversaires dans sa position risquent de devenir réellement apatrides.

« Ce n’est pas au gouvernement de Sissi de refuser à des Égyptiens leur passeport. J’ai déjà poursuivi dans le passé et j’ai l’intention de poursuivre à nouveau le consulat égyptien à Istanbul et le ministère égyptien des Affaires étrangères », a-t-il ajouté. « Non pas que cela fasse une différence lorsque l’État de droit et la justice sont inexistants. »

Façonner l’avenir

La principale question dont tous les groupes d’opposition égyptiens doivent maintenant s’occuper est de savoir comment se débarrasser du gouvernement Sissi, selon Nour.

« Plus important encore, nous devons d’abord décider s’il [Sissi] passe par une autre révolution populaire, un autre coup d’État ou une autre méthode. Même son entourage a perdu confiance en lui et ne le soutient plus », a-t-il assuré.

Il a mis en garde tous les partis de l’opposition contre le fait de regarder trop loin et de se faire prendre dans la politique – par exemple, en se concentrant sur le prochain dirigeant – ce qui, selon lui, ne ferait que maintenir Sissi au pouvoir.

« Certaines personnes voudraient me voir comme le futur dirigeant, d’autres aimeraient voir le Dr Morsi revenir et d’autres encore aimeraient ce que soit quelqu’un d’autre », a-t-il confié. « Mais ce n’est pas la question sur laquelle nous devrions nous concentrer et dépenser notre énergie aujourd’hui. Concentrons-nous d’abord sur la façon de se débarrasser de Sissi parce que c’est lui qui fait du mal à l’ensemble du peuple égyptien. »

Ayman Nour pense que le gouvernement de Sissi a progressivement perdu sa crédibilité à l’échelle internationale, même parmi ses plus ardents défenseurs comme l’Arabie saoudite et l’Occident.

« Contrairement aux apparences, toute l’assistance et l’aide est aujourd’hui apportée en gardant à l’esprit le peuple égyptien et non Sissi et son entourage proche. L’Occident a agi selon ses propres intérêts perçus et ceux d’Israël principalement, mais constate maintenant que son intérêt réside dans une Égypte démocratique, stable et libre », a-t-il indiqué.

Ayman Nour a déclaré que même la visite prévue du roi saoudien Salmane ben Abdelaziz en Égypte la semaine dernière, la deuxième visite d’un monarque saoudien depuis que Morsi a été évincé, ne signifie pas nécessairement un soutien total et inconditionnel à l’égard de Sissi.

« Même les Saoudiens ne soutiennent plus directement Sissi. Tout soutien va à la nation égyptienne. Si la Turquie et le Qatar ne sont plus si véhéments dans leur opposition à Sissi, ce n’est pas parce qu’ils ont abandonné, mais parce qu’ils savent que l’opinion internationale se retourne contre lui. »

Ayman Nour est convaincu que cette année apportera un grand succès vital pour la démocratie en Égypte. Il pense que la démocratie égyptienne, malmenée dans ses débuts, en sortira renforcée et avec une certaine expérience.

« Je suis persuadé que cette année sera cruciale pour notre lutte pour la démocratie égyptienne et nous allons faire d’énormes progrès vers un avenir libre », a-t-il conclu.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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