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La Tunisie excommuniée à cause de son féminisme : « Fake news » ou vrai débat ?

Une rumeur sur l’exclusion de la Tunisie de la « liste des pays musulmans » par l’Université al-Azhar, institution historique de l’islam sunnite, s’est répandue sur la toile telle une traînée de poudre, suscitant critiques et indignations
Des Tunisiennes participent à une manifestation dénonçant la mort de six policiers lors d’un affrontement le 28 octobre 2013 sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis (AFP)

La rumeur est née le 23 janvier 2018 : dans le sillon des polémiques provoquées par l’annonce de réformes du statut de la femme voulues par le président tunisien Béji Caïd Essebsi, notamment l’égalité entre l’homme et la femme en matière d’héritage, une obscure page Facebook, « WAKE UP », indique que la Tunisie est exclue « d’une liste des pays musulmans » par l’Université al-Azhar, prestigieuse institution de l’islam sunnite.

En quelques heures, l’intox lancée par cette page forte de plus de 120 000 abonnés est massivement partagée par des internautes tunisiens indignés, et relayée par des médias locaux lui donnant de la crédibilité.

Traduction : « L’excommunication de la Tunisie est une victoire. La Tunisie est un pays laïc et civilisé qui rejette toute loi archaïque. Quant à al-Azhar, que ses dirigeants gardent leurs ‘’balivernes’’ et qu'ils sachent qu’on est à l’époque de la justice et de l’égalité. L’époque des esclaves est révolue. »

Devant l’ampleur de la polémique, l’Université al-Azhar publie un communiqué le 28 janvier sur sa page Facebook officielle pour apaiser les tensions. « Aucune déclaration n’a été publiée concernant la Tunisie », rassure l’institution théologique située en Égypte, assurant qu’« une telle liste de pays musulmans n’existe même pas » et appelant les médias à « se soucier de la qualité de leur travail en faisant un minimum d’investigation ».

Derrière la « fake news », un vrai débat

Il est vrai toutefois que des dignitaires d’al-Azhar n’ont pas manqué de fustiger les réformes initiées par le président tunisien. Le journal égyptien Al Baweba s’est ainsi fait le relai des déclarations d’un clerc d’al-Azhar appelant « la Tunisie à tenir compte des fatwas d’al-Azhar, seule référence en la matière ».   

Visant les propositions de réformes élaborées par la Commission tunisienne des libertés individuelles et de l’égalité créée par le président Essebsi, le religieux égyptien a proposé de lancer des campagnes de sensibilisation pour contrer « des fatwas marginales qui vont à l’encontre des préceptes de l’islam », estimant que « l’abrogation de la dot s’attaque à la dignité de la femme ».

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Un avis aux antipodes de celui de Bochra Bel Hadj Hmida, présidente de la commission en question. Interrogée par MEE, la responsable juge que la loi tunisienne actuelle, en particulier l’article 13 du code du statut personnel qui permet à la femme de refuser la consommation du mariage si son époux n’a pas donné la dot – laquelle constitue un droit de la femme selon la tradition islamique – « est dégradante pour la femme, l’assimilant à une marchandise que l’on vend ». Exemple, selon elle, de la nécessité de réformer le statut de la femme en Tunisie.

Bochra Bel Hadj Hmida rejette d’ailleurs tout débat avec une institution religieuse à laquelle elle n’accorde aucune légitimité dans le débat politique tunisien. « La Tunisie n’a jamais été sous l’autorité de cette instance religieuse ou de tout autre instance, elle est sous l’autorité de la Constitution », insiste-t-elle.

Les propositions de la commission seront présentées fin février au président de la République tunisienne, lequel pourra ensuite les soumettre au débat et au vote de l’Assemblée des représentants du peuple. 

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