Les forces irakiennes découvrent « une ville souterraine » abandonnée par Daech
KHURBADAN, Irak – Les troupes irakiennes ont mené un combat long et difficile pour repousser l’État islamique (Daech) hors de ce village situé à 60 km de Mossoul, la place forte du groupe. Malgré le soutien aérien de la coalition américaine, ce fut une longue et coûteuse bataille pour les troupes irakiennes, et c’est lorsque le combat a pris fin qu’elles ont compris pourquoi.
Khurbadan, un village de seulement quelques milliers de personnes, était encerclé par des kilomètres de champs de mines qui abritaient des tranchées, elles-mêmes reliées entre elles par des nids de mitrailleuses, des postes de tir embusqués et des mortiers encaissés dans des fosses.
Dans de nombreuses zones, Daech avait creusé profondément la terre pour y créer un réseau de tunnels que les combattants avaient parsemés de pièges au moment de fuir, et que les soldats irakiens doivent maintenant dégager.
Lors d’une exploration exclusive des lieux, Middle East Eye a pu observer des dizaines de salles creusées directement dans les roches sableuses à neuf mètres de profondeur, des zones d’infirmerie disposant d’équipements médicaux, des espaces de repos remplis de matelas et d’oreillers, et des salles de prière où étaient entassés des exemplaires du Coran.
« C’est une guerre de tranchées, a expliqué Firas al-Nasser, un commandant de l’armée irakienne, faisant le rapprochement entre la récente bataille et les manœuvres d’attrition de la Première guerre mondiale.
« Les combattants se terrent comme des rats, et le réseau de galeries devient une ville dans la ville. Ils ont tout à portée de main : des armes, des lits, des salles de prière, des espaces dédiés à la fabrication d’engins explosifs. »
Plus d’un mois après la libération de Khurbadan, beaucoup de zones étaient encore trop dangereuses pour y pénétrer, les pièges et engins explosifs artisanaux y représentant un danger encore bien présent.
Dans certaines salles, des ravitaillements médicaux ont été éparpillés sur le sol, ce qui laisse supposer que des blessures ont été soignées lors d’une retraite précipitée de Daech. Des objets du quotidien, comme des couteaux, des fourchettes et des assiettes ont été abandonnés, ainsi qu’une multitude d’armes.
Des sacs de sable avaient été alignés contre les murs, du grillage avait été utilisé pour consolider les plafonds, et des câblages rudimentaires acheminaient de l’électricité.
« Des portions entières de ce réseau servaient d’entrepôts. C’est ici qu’ils cachaient leurs explosifs, a affirmé Firas al-Nasser. Ils venaient ici pour se cacher des bombes, et les tunnels devenaient des itinéraires permettant de s’enfuir en cas de danger. »
De nombreux tunnels semblent avoir été creusés au marteau-piqueur. Certains sont à peine assez hauts de plafond pour s’y tenir debout, et d’autres ne sont accessibles qu’en rampant.
Ces espaces si étroits se refermaient immédiatement sur ceux qui s’y aventuraient, la chaleur étouffante et le manque d’air aggravant la sensation de claustrophobie et de danger imminent.
Selon Firas al-Nasser, Daech a forcé les villageois à creuser eux-mêmes ces galeries, une tâche dangereuse.
« Beaucoup des civils en fuite nous ont dit qu’ils avaient été forcés à creuser, et que certains d’entre eux étaient morts en le faisant », a-t-il affirmé.
On n’a pas retrouvé de réseaux aussi complexes depuis que Daech a été repoussé hors de la ville yézidie de Sinjar, où plus de 70 tunnels avaient été découverts.
« L’un des problèmes est que, comme à Sinjar, ces tunnels ont endommagé le sol et souvent détruit une partie des infrastructures des villes et des villages », a regretté Firas al-Nasser.
Il sera dangereux de détruire ces tunnels et de rendre à nouveau sûres les structures situées à la surface. Les soldats doivent progresser de salle en salle, de galerie en galerie, et chercher les pièges déposés par les combattants en fuite tout en sécurisant la zone contre les éboulements.
La pénible avancée vers Mossoul
La bataille pour reprendre Khurbadan faisait partie des manœuvres irakiennes visant à chasser Daech du nord du pays. Une attaque sur trois fronts a été envisagée en mars pour reprendre Mossoul suite à de nombreuses tentatives reportées.
Les soldats de l’armée irakienne avancent depuis le Sud, tandis que les peshmergas kurdes font pression par le Nord et l’Est.
Il y a des tas de villages comme celui de Khurbadan entre ici et l’objectif final.
Khurbadan porte lui-même les cicatrices d’une violente bataille. Les épaves de voitures jonchent les rues, les corps sont toujours là où ils sont tombés lors des combats acharnés.
À l’intérieur d’une mosquée, non loin de l’entrée d’un des tunnels, le cadavre d’un kamikaze de Daech n’a pas encore été évacué de peur qu’il ne soit encore piégé.
« Nous avons tué plusieurs tireurs et kamikazes avant qu’ils ne se fassent exploser, relate Firas al-Nasser. Nous avons fait brûler un camion qui était sur le point d’exploser, et heureusement nous l’avons fait juste à temps pour éviter des pertes supplémentaires parmi les innocents. Des corps de miliciens de Daech se trouvent toujours dans certains bâtiments. »
Pendant ce temps, Daech continue de s’en prendre aux forces irakiennes dans les zones qu’elles ont déjà conquises, en menant des assauts et en tirant sur les soldats à coups de roquettes et de mortier.
Les champs de mines installés par les militants représentent également un danger de tous les instants, et leur nettoyage n’est pas aussi rapide que certains le souhaiteraient.
Tout en grimpant dans son 4x4 de l’armée irakienne, un conducteur a affirmé que les routes aux alentours de Khurbadan étaient toujours extrêmement dangereuses. Quelques heures plus tôt, une mine avait provoqué la destruction d’un véhicule semblable au sien.
Toujours postée à 60 km de Mossoul, l’armée irakienne est confrontée à la dure résistance d’un ennemi sournois et bien implanté.
« La libération de ce village a provoqué de nombreuses pertes humaines, a constaté Firas al-Nasser. Daech dispose toujours d’environ 10 000 miliciens à Mossoul. Cela signifie que notre offensive sera encore longue et probablement très coûteuse. »
Il semble que la lente et pénible avancée vers la deuxième ville d’Irak ne soit pas près de s’accélérer.
Traduit de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.
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