Les Iraniens réagissent à l’exécution de Nimr
Après l’exécution du célèbre imam chiite Cheikh Nimr al-Nimr en Arabie saoudite, des Iraniens – représentants officiels et citoyens – ont décrié la décision de Riyad, mais ont aussi condamné la manifestation qui a conduit à l’incendie d’une partie de l’ambassade saoudienne.
Quelques heures après la nouvelle de l’exécution de Nimr, les gens se sont rassemblés devant l’ambassade saoudienne à Téhéran et son consulat dans la ville sainte de Mashhad.
À Mashhad, les tensions se sont accrues lorsque des manifestants en colère ont cherché à prendre d’assaut le consulat, mais que la police les en a empêchés. Toutefois, les manifestants ont déchiré le drapeau de l’Arabie saoudite sur le mur du consulat.
Les manifestants ont scandé : « Mort au salafisme ! Mort aux takfiris ! » et « Le silence est une trahison du Coran ». Ils ont également brandi des banderoles représentant les musulmans chiites exécutés en Arabie saoudite.
Dimanche, les manifestants se sont de nouveau rassemblés devant le consulat. La police a utilisé des canons à eau pour les empêcher d’approcher du bâtiment.
Selon une source qui s’est confiée à Middle East Eye sous couvert d’anonymat, le gouvernement iranien s’attendait à une telle réaction – et avait donc ordonné au ministère de l’Intérieur et à la police de prendre des mesures pour protéger les bâtiments diplomatiques. D’où les clôtures érigées en face du bâtiment du consulat à Mashhad.
À Téhéran, une autre manifestation a commencé peu après celle de Mashhad, samedi. Au début, les manifestants s’étaient seulement rassemblés devant l’ambassade d’Arabie saoudite dans un beau quartier de Téhéran. Peu à peu, la situation s’est tendue alors que les manifestants ont tenté de pénétrer dans l’ambassade.
Aux environs de 22 heures (heure locale), quelques manifestants ont lancé des cocktails Molotov sur l’ambassade, incendiant certaines sections du bâtiment. Malgré la présence d’unités spéciales de la police en face de l’ambassade, les manifestants ont réussi à forcer la porte.
Une trentaine de personnes sont entrées et ont détruit des objets ; les manifestants en colère n’ont quitté les lieux qu’à 2 heures du matin. Le chef adjoint de la police, le général Eskandar Momeni, et le commandant des forces de police de Téhéran étaient également présents. En fin de compte, les manifestants ont été contraints de quitter l’ambassade et les foules ont été dispersées.
Articles des médias, condamnations officielles
Lorsque l’ambassade a été incendiée, divers articles sont parus sur les sites d’informations iraniens. « L’ambassadeur d’Iran expulsé d’Arabie saoudite », affirmait un article. « Le personnel de l’ambassade saoudienne sont prêts à quitter Téhéran ce soir », titrait un autre article.
Dimanche matin, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, et le président Hassan Rohani ont condamné l’exécution de Nimr. Néanmoins, Rohani a également réagi fermement aux attaques des manifestants sur l’ambassade, ordonnant aux forces de maintien de l’ordre d’arrêter les manifestants.
Khamenei a exprimé son mécontentement vis-à-vis de l’exécution de Nimr mais n’a pas abordé les manifestations devant l’ambassade saoudienne.
Pendant ce temps, les médias modérés comme Entekhab et Asr Iran s’en sont pris aux manifestants pour l’entrée par effraction dans l’ambassade, et même les sites d’informations partisans de la ligne dure ont critiqué les manifestants. Par exemple, Pars News a écrit : « Pourquoi ne pensez-vous pas aux répercussions de vos actions ? Pourquoi ne vous souciez-vous pas de l’intérêt national ? Et plus important encore, pourquoi ne prêtez-vous pas attention aux discours du Guide suprême sur le fait de transgresser la loi ? »
En outre, le grand ayatollah Mousavi Ardebili a déclaré à un site d’informations locales : « Nous devrions respecter les traités et obligations ; selon notre religion, c’est impératif. »
De nombreux habitants ont également réagi négativement aux protestations de l’ambassade. Mohammad Massoud Dehghan, propriétaire d’un salon automobile, a déclaré à MEE. « Il est vrai que l’ambassade d’Arabie saoudite est à Téhéran, mais cela ne signifie pas que ce lieu ne fait pas partie du sol de l’Arabie. Je pense que l’attaque d’une ambassade n’est pas rationnelle et doit être condamnée. »
Il a ajouté que les Iraniens « ont le droit d’être en colère contre le gouvernement saoudien par rapport à la mort du cheikh al-Nimr ».
Reza Javidan, un zoroastrien iranien, a déclaré à MEE : « l’Arabie saoudite a atteint son objectif et toute l’attention est maintenant détournée de l’exécution de Cheikh Nimr. Désormais, tout le monde critique l’Iran qui n’a pas protégé une résidence diplomatique et la condamnation vise Téhéran au lieu de Riyad. »
Dimanche également, les conseils municipaux de Téhéran et Mashhad ont déposé un projet de loi appelant à changer le nom des rues qui abritent des bâtiments diplomatiques de l’Arabie saoudite en « rue Cheikh al-Nimr ».
Rupture des relations
L’exécution de Nimr et l’attaque de l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran ont certainement exacerbé les tensions et le malaise entre les deux pays.
Cependant, avant même l’attaque contre l’ambassade saoudienne, Ebrahim Aqa-Mohammadi, un membre du parlement iranien, avait déclaré à une agence locale : « L’Arabie saoudite s’est engagée publiquement dans le domaine de la guerre avec l’Iran. Je pense que le ministère des Affaires étrangères de l’Iran devrait couper les liens avec Riyad. »
« Ce qui est arrivé en Iran illustre la colère de la population, mais en termes de droit international, une attaque contre une ambassade est injustifiable », a déclaré Rasool Hosseini, analyste politique, à MEE.
Ce dernier a ajouté : « Depuis que Rohani est arrivé au pouvoir, il a essayé d’améliorer les relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite, mais ils [les Saoudiens] n’ont pas répondu positivement. Actuellement, les perspectives concernant les relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite ne sont pas très bonnes et ils pourraient même couper les liens. »
Hosseini a poursuivi en disant : « Malheureusement, contrairement à l’Iran qui a tendu la main à plusieurs reprises pour engager le dialogue avec les Saoudiens sur les questions régionales, notamment la crise syrienne, la nouvelle politique de Riyad est d’exclure Téhéran des équations au Moyen-Orient. Maintenant, compte tenu de l’exécution du cheikh al-Nimr, la possibilité d’une intimité entre l’Iran et l’Arabie saoudite est peu probable. »
Mise à jour : le ministre des Affaires étrangères saoudien a annoncé dimanche que son pays allait couper ses liens diplomatiques avec l’Iran. Pour plus d’informations, cliquez ici.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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