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Madam Secretary, la série qui fantasme un coup d'État et le chaos en Algérie

Dans un scénario catastrophe yéméno-irako-syrien, l’épisode 23 de la série américaine Madam Secretary (saison 3) raconte comment les États-Unis empêchent l’Algérie de sombrer dans une guerre civile. Sur les réseaux sociaux, les Algériens s’énervent…
Dans l'épisode 2 de la saison 3, Madam Secretary veut « sauver l’Algérie » (Facebook)

Attention, cet article divulgue la fin de l'épisode

Barbara Hill, la scénariste de la série américaine Madam Secretary, sur le quotidien d'une secrétaire d'État, ne pouvait pas trouver une idée qui agace davantage les Algériens : celle d’une intervention militaire – en l’occurrence de l’OTAN – dans une Algérie au bord de la guerre civile.

C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’épisode 2 de la saison 3 : Élizabeth Faulkner McCord, incarnée par Téa Leoni, sorte de clone d'Hillary Clinton, doit « sauver l’Algérie » où un dictateur, secondé par son commandant en chef des armées, cherche à garder le pouvoir alors que des « insurgés » rassemblés à Tindouf menacent de « marcher sur Alger » et que des islamistes armés attendent aussi le chaos pour monter du Sud vers la capitale.

Madam Secretary a beau être une fiction, sur les réseaux sociaux, les Algériens dénoncent « les clichés » qui se succèdent, l’invraisemblance de certaines scènes et des personnages trop caricaturaux.

À commencer par le personnage de l’« abominable dictateur », appelé tel quel par le Département d’État qui le qualifie aussi de « très impulsif, paranoïaque et instable ». Un homme qui a « une notion tout à fait personnelle du bon sens » et qui n’est intéressé « que par le pouvoir ».

L’acteur Marshall Manesh joue le président algérien Aman Haddad, qui a le même nom que le véritable patron des patrons, Ali Haddad (capture d’écran)

Détails intéressants : les scénaristes lui ont attribué la phrase « Je suis l’Algérie », une phrase qui a été réellement été prononcée par le président Bouteflika en 1999 à Crans Montana, en Suisse. Et surtout, ils l’ont appelé Aman Haddad, du nom de l’homme d’affaires et actuel président du Forum des chefs d’entreprise (FCE, syndicat patronal), Ali Haddad, soupçonné de nourrir des ambitions présidentielles.

Dans l’épisode, le président Haddad capture le professeur Kamel Arkoun – à qui il avait promis de passer le pouvoir – et organise sa pendaison pour « crimes contre l’État » devant le staff de la secrétaire d’État horrifié par tant de sauvagerie.

Les scénaristes en ont fait un personnage cruel mais aussi mal éduqué, (c’est en robe de chambre, allongé sur son lit en train de manger des figues quand il s’adresse à la secrétaire d’État) et surtout, comble de l’invraisemblance, polygame.

Malgré « ses onze femmes », et « parce qu’il est un homme », le président Haddad a aussi « une maîtresse en titre », Salima Tengour, jouée par Nazanin Nour.

On aperçoit donc la « représentante du gouvernement algérien », aussi « ministre déléguée aux Affaires intérieures » (un ministère qui n'existe pas), sublime brune au décolleté vertigineux, habillée d’une veste en cuir et d’une minijupe (tenue absolument improbable pour une véritable représentante du gouvernement algérien, qui plus est, lors d’obsèques), informer les décideurs américains des décisions de « son excellence », le président algérien.

Nazanin Nour joue Salima Tengour, la maîtresse du président Haddad et la ministre déléguée aux Affaires intérieures (capture d’écran)

Emportés par leurs rêves de stabilité, les Américains s’étaient pourtant réjouis de l’avenir qui se dessinait pour l’Algérie : une « transition pacifique d’un pouvoir des mains d’un dictateur à celles d’un gouvernement modéré promettant de nouvelles élections tout en maîtrisant une insurrection probable alors même qu’Isbaïl Chahid et les terroristes ont pris position dans le Sud ».

Le président américain et son département d’État, qui pensaient que « les graines de la démocratie [étaient] semées », se retrouvent donc devant un dilemme : comment « garder le pays unifié » sans « provoquer une guerre » ?

Pendant qu’à la télé, un bandeau annonce « chaos à Alger », les décideurs martèlent : « Le monde ne peut pas se permettre une nouvelle Syrie au seuil de l’Europe », « La dernière chose dont notre pays a besoin c’est d’une suite nord-africaine à l’Irak ».

La secrétaire d’État va donc miser sur… un militaire, le général Mourad Cherat, commandant en chef des armées algériennes, qui « en cours de biologie, disséquait des grenouilles » avec le président Haddad.

Un grand militaire sec et nerveux joué par Arthur Darbinyan, qui qualifie les islamistes armés de « militants », une terminologie que n’utiliserait jamais un militaire algérien - il parlerait de « terroristes ».

Arthur Darbinyan incarne le général Mourad Cherat, une valeur sûre aux yeux des Américains (capture d’écran)

L’épisode est ainsi expédié : alors que les forces militaires algériennes se dirigent « vers le bastion insurgé de Tindouf où sont réfugiés 10 000 rebelles et où vivent 40 000 civils », la blonde Téa Leoni conclura un accord avec les insurgés pour que le militaire prenne le pouvoir et engage les réformes prévues, convoquera une coalition des membres de l’Otan soutenue par le Maroc, la Tunisie et de l’Arabie saoudite prête à intervenir, fomentera un coup d’État, et enverra le dictateur déchu au Tribunal pénal de La Haye, empêchant l’Algérie de tomber dans « un long et douloureux conflit » dont le pays serait sorti « dévasté et déchiré ».

Pendant ce temps, le mari d’Élizabeth Faulkner McCord, joué par Le Timothy Daly, tente de sauver un monastère de Djanet – inexistant dans la vie réelle – et ses statues d’apôtres, menacé par un groupe d’islamistes armés, qui, comme l’EI, pille le patrimoine de l’humanité.

Ce n’est pas la première fois que l’Algérie inspire une série.

En 2015, dans la saison 1 de la série française « Le bureau des légendes », il était question d’une guerre entre services français et algériens.

En 2016, les Américains avaient également déjà imaginé un bombardement de l’Algérie dans « Designated Survivors ». À l’époque, l’ambassadrice américaine Joan Polaschik avait pris le soin de rappeler que les États-Unis considéraient l’Algérie « comme un bon partenaire ».

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