Ramadan au Liban : les Syriens aident les Syriens
VALLÉE DE LA BEKAA, Liban - Dans le minibus qui avale les lacets reliant Beyrouth à la vallée de la Bekaa, Ali, Aboudi et Oussama, membres de l’ONG Syrian Eyes, demandent les dernières nouvelles à leur chauffeur et collègue libanais, originaire d’un village du cru. « Hier, un vendeur de café syrien à la sauvette a été tué par balle à Qob Elias », raconte-t-il par le menu.
Le meurtre a été commis par un habitant de Qob Elias, sans mobile apparent, comme une confirmation macabre de la vulnérabilité des Syriens dans la Bekaa, berceau agricole du Liban. Quelque 360 000 réfugiés syriens y vivent entassés dans des camps de fortune, embauchés à la journée pour des travaux agricoles et en proie à une grande pauvreté.
« Nous avons fui Hassaké il y a quelques mois. Là-bas, outre la menace de Daech, notre maison a été bombardée par la coalition qui les combat. Jusqu’ici, nous n’avions reçu aucune aide humanitaire depuis notre arrivée »
Un quotidien que connait bien Ali, le jeune fondateur de Syrian Eyes, lui-même réfugié au Liban, qui depuis quatre ans dédie son temps libre à améliorer le quotidien des habitants de plusieurs camps autour d’El Marj et Bar Elias. Ce matin, il débute la distribution de paniers alimentaires pour 500 familles, avec le soutien de l’ONG allemande Jasmin Hilfe.
L’équipe fait étape au camp Fares, où Nizar, Abou Kassem et Mahmoud, trois jeunes réfugiés syriens, attendent pour prêter main forte à la distribution. Dans les sacs blancs, de l’huile, des conserves, des dattes, de la mélasse, du halawa et du thé. Dans les noirs, des pâtes, du riz, du boulghour et de la farine. Au total, « 500 familles vont recevoir ces denrées de base, afin de tenir pendant tout le mois du Ramadan », explique Ali, tandis qu’une chaîne humaine se forme pour placer les sacs sur le toit du minibus.
Direction le camp 94, aux confins d’El-Marj, où ils sont accueillis par des familles désœuvrées et reconnaissantes. « Nous avons fui Hassaké il y a quelques mois. Là-bas, outre la menace de Daech, notre maison a été bombardée par la coalition qui les combat. Jusqu’ici, nous n’avions reçu aucune aide humanitaire depuis notre arrivée », assure Khouloud, aux côtés de sa jeune épouse et de leur nouveau-né.
Plus loin, dans le camp de Chahr, les mères de famille se ruent autour du minibus pour ne pas rater leur tour. Certaines tentent malicieusement d’obtenir double ration, mais après quatre ans de travail auprès d’eux, Ali et Aboudi connaissent chaque visage et ne se laissent pas leurrer.
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Les desideratas des plus désespérés sont bien vite éteints par les paroles de Nizar, Mahmoud et Abou Kassem. Subissant les mêmes épreuves qu’eux, ils trouvent les mots qui calment, sans jamais froisser. Ils ne savent que trop bien le genre de violences qu’ont pu fuir les familles qui attendent leur tour autour du minibus : « Un jour, à Damas, une voiture piégée s’est garée devant chez moi, avec un homme ligoté à l’intérieur. Plus loin, des hommes armés surveillaient que personne ne vienne le secourir. Il est mort dans l’explosion et moi, je suis venu ici le lendemain », livre Nizar, en tendant un sac noir à un jeune réfugié.
Cette année, l’aide de Syrian Eyes est plus nécessaire que jamais pour permettre aux réfugiés de tenir le long mois de jeûne du Ramadan. Dans les champs de la Bekaa, leurs salaires journaliers sont au plus bas. Et dans les villes, leurs commerces, jusqu’ici tolérés, sont fermés les uns après les autres, laissant délibérément les Syriens sans autre ressource que l’aide humanitaire.
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