Sejnane se révolte contre la marginalisation
SEJNANE, Tunisie – Au milieu des détritus où surgissent des douilles de gaz lacrymogènes, une vache paît, indifférente aux événements. Sejnane n’est qu’à une centaine de kilomètres de Tunis, mais depuis une semaine et particulièrement mardi, jour de grève générale, les habitants manifestent pourtant contre la marginalisation de leur région et pour réclamer du travail.
Tout le week-end, la ville a été le théâtre d’affrontements entre les forces de l’ordre et quelques habitants, « surtout la nuit » précise Riadh ben Cherif Sabahni, un activiste témoin des heurts.
À l’origine de cette colère : la mort de Radhia Mechergui qui s’était immolée par le feu le 17 novembre pour protester contre la suspension du versement de l'aide sociale depuis huit mois. Après une première grève générale le 22 novembre où les habitants demandaient des réformes et du travail pour Sejnane, la mort de Radhia Mechergui, décédée des suites de ses blessures a ravivé la colère des habitants.
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Mardi, les habitants choisissent de manifester pacifiquement au départ de l’UGTT (centrale syndicale) jusqu’à l’hôpital en passant par le siège de la délégation. La foule a écouté les discours des syndicalistes mais aussi de la fille de Radhia, Eya, qui leur a demandé de « continuer à revendiquer leurs droits » mais d’« éviter d’aller vers la violence ». Les bureaux locaux du parti Ennahdha (islamistes) et de l’Union locale tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat ont publié des communiqués en soutien à la grève générale.
« Aucun changement »
Des enfants assis sur les rails désaffectés surplombant la ville aux vieillards du village coiffés de leur chéchia, tous étaient une fois de plus réunis pour ce second jour consécutif de grève générale. « Rien n’a été fait depuis la dernière fois, nous n’avons vu aucun changement », témoigne Riadh à Middle East Eye. Selon les chiffres communiqué à l’AFP par le ministère de l’Intérieur, 7 000 personnes ont participé à la manifestation. « On en a marre d’avoir un paysage touristique, des usines tout près, et que rien ne ressorte de tout ça pour nous ! », ajoute un manifestant dans la foule.
Bien que la manifestation soit pacifique, les manifestants tentent vers midi de forcer les portes principales menant à la délégation (siège de l’administration regroupant plusieurs villages), à coups de poing mais aussi avec un cercueil transporté le long du cortège, en référence symbolique à Radhia Mechergui.
Une fois les portes forcées, le conflit se résout à l’amiable entre les forces de police et les habitants. Mais un peu plus tard sur une artère de la place principale, une centaine de jeunes commencent à jeter des pierres pour provoquer la police. S’ensuivent alors des confrontations verbales entre les manifestants pacifiques et les plus violents, de chaque côté de la rue.
Après plusieurs sommations et rappels à l’ordre, les forces spéciales commencent à tirer des gaz lacrymogènes, alimentant un rapport de force qui dure jusqu’à 14h sous l’œil des habitants, parmi lesquels certains se sont hissés sur les toits des maisons pour observer la scène. Selon le ministère de l’Intérieur, deux gendarmes ont été blessés.
De la délégation, il ne reste plus qu’un bâtiment fantôme et deux réceptionnistes gardés par l’armée et la police. MEE ne parvient à joindre aucun responsable pour commenter les faits.
Les syndicats « doivent se réunir dans la semaine et faire des propositions au gouvernement pour l’emploi et le développement de la ville », a annoncé à MEE Amor Barhoumi, secrétaire général de l’UGTT à Sejnane.
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