Un an après le coup d'État raté en Turquie, encore des zones d'ombre
Le prédicateur Fethullah Gülen désigné comme ayant été le cerveau du putsch manqué en Turquie, les services de sécurité épinglés : le rapport de la commission d'enquête sur la tentative de coup d'État n'a pas réservé de surprises, mais un an plus tard, des zones d'ombre demeurent.
Peu avant minuit dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, une présentatrice anxieuse lit à la télévision d'État un communiqué annonçant la prise du pouvoir par l'armée. Peu après, des avions des forces aériennes bombardent le siège du parlement à Ankara et des chars font leur apparition dans les rues d'Istanbul. Les violences font environ 250 morts.
Douze heures plus tard, le Premier ministre Binali Yıldırım se présente devant son bureau pour proclamer la défaite des putschistes.
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Une commission parlementaire chargée d'enquêter sur ce coup d'État avorté a rendu public en mai un rapport l'imputant, comme attendu, aux réseaux gulénistes et mettant en exergue des défaillances des services de renseignement.
Mais de nombreuses questions sont restées sans réponse.
Comment se fait-il que les préparatifs du putsch aient échappé aux services de renseignement ? Pourquoi le président Recep Tayyip Erdoğan n'a-t-il pas été informé dans l'après-midi du 15 juillet des mouvements suspects au sein de certaines unités de l'armée ?
Toujours pas de réponses satisfaisantes, regrette l'opposition.
Le fait que cette commission n'ait pas pu interroger le chef du renseignement turc (MIT), Hakan Fidan, ou celui de l'armée, le général Hulusi Akar, a aussi suscité des critiques dans les médias puisque les deux hommes sont censés détenir de précieuses informations sur le déroulement des événements.
« On ne voit pas une enquête transparente. C'est très décevant et même très effrayant », dit à l'AFP Gareth Jenkins, chercheur au Silk Road Studies Program.
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Le gouvernement turc s'est défendu de toute velléité de rétention d'informations et a accusé ceux qui le laissent entendre d'insulter la mémoire des « martyrs » tombés en résistant aux putschistes.
Selon des informations parues dans la presse turque sur la base des conclusions de la commission d'enquête et des témoignages de suspects pendant leur procès, MM. Fidan et Akar ont été informés dès l'après-midi du 15 juillet de l'imminence d'une action factieuse au sein de l'armée.
C'est un pilote d'hélicoptère de l'armée ayant le rang de commandant qui a tiré la sonnette d'alarme en se rendant à 14h20 au siège du MIT à Ankara pour avertir les responsables qu'un coup d'État était sur le point d'être déclenché.
« Je leur ai dit qu'il pourrait y avoir une action massive. Je me souviens très bien d'avoir employé le mot ‘’coup d'État’’", a raconté l'officier, selon la presse.
Cet avertissement a été transmis par le MIT au commandement de l'armée vers 16 h 30. MM. Fidan et Akar se sont rencontrés dans la foulée.
Or Recep Tayyip Erdoğan a affirmé que c'était son beau-frère, et non pas les services de sécurité, qui l'avait informé tard dans la soirée qu'un putsch était en cours.
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Le général Akar a été séquestré par les putschistes toute la nuit dans une base avant d'être libéré et de rejoindre à bord d'un hélicoptère le centre de crise à Ankara. Mais il était accompagné, pour des raisons non élucidées, par le général Mehmet Dişli, qui a ensuite été arrêté et accusé d'être l'un des instigateurs de la tentative de coup d'État.
Le général Akar a aussi essuyé des critiques pour n'avoir pas complètement fermé l'espace aérien ou ordonné à tous les soldats de rester dans les casernes après avoir eu vent des préparatifs en cours.
« Nous ne sommes ni procureurs ni juges. Nous n'allons pas condamner qui que ce soit, mais voulions simplement avoir des réponses à nos questions », explique à l'AFP le député d'opposition Mustafa Sezgin Tanrıkulu, à propos du rejet par des membres de la commission d'enquête issus du parti au pouvoir AKP d'une demande de convocation de MM. Fidan et Akar.
« Malheureusement, ils ont écarté cette demande, ce qui fait que des points d'interrogation subsistent toujours », ajoute Mustafa Sezgin Tanrıkulu, qui fait lui aussi partie de cette commission.
Gareth Jenkins, le chercheur du Silk Road Studies Program, estime que la façon dont l'enquête a été menée pourrait traduire une volonté du pouvoir d'escamoter ses propres dysfonctionnements.
« Il se peut que le gouvernement ait quelque chose de sinistre à cacher, ou peut-être cache-t-il sa propre incompétence, car sa réponse au coup d'État a été très chaotique », dit-il.
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