Yémen : Amnesty International dénonce des « crimes de guerre » dans les prisons secrètes émiraties
Dans un rapport publié ce jeudi, un an après les premières informations sur les prisons secrètes des Émirats arabes unis dans le sud du Yémen, Amnesty International évoque les « violations flagrantes » qui y ont été commises, « y compris des disparitions forcées, des tortures et autres mauvais traitements assimilables à des crimes de guerre ».
Amnesty a appelé « les partenaires des Émirats dans le domaine du contre-terrorisme, dont les États-Unis », à « prendre position contre les tortures présumées, y compris en enquêtant sur le rôle de personnel américain dans les abus liés à ces détentions au Yémen et en refusant d'utiliser des informations obtenues probablement sous la torture ou les mauvais traitements ».
Le rapport, intitulé « Dieu seul sait s'il est vivant », décrit les souffrances des proches des dizaines de personnes arrêtées qui n'arrivent pas à obtenir d'informations sur leur sort.
« Lorsqu'ils exigent de savoir où sont détenus leurs proches ou même s'ils sont encore en vie, leurs demandes sont accueillies avec silence ou intimidation », a déploré, dans le rapport, Tirana Hassan, directrice des situations de crise à Amnesty International.
« Personne ne nous donne aucune confirmation. Ma mère meurt cent fois par jour. Ils ne se rendent pas compte de ce que nous traversons »
- Sœur d’un détenu disparu après son arrestation
« Certaines familles ont déclaré qu'elles ont été contactées par des individus qui leur ont annoncé que leurs proches étaient morts en détention ; lorsqu'elles se sont adressées aux responsables des forces yéménites soutenues par les Émirats arabes unis pour le vérifier, ils ont nié ces allégations », affirme l’ONG.
Disparitions forcées
« S’ils nous confirmaient simplement que mon frère est en vie et nous laissaient le voir, c'est tout ce que nous voulons. Mais personne ne nous donne aucune confirmation. Ma mère meurt cent fois par jour. Ils ne se rendent pas compte de ce que nous traversons », a déclaré aux enquêteurs d'Amnesty la sœur d'un détenu qui a disparu après son arrestation en septembre 2016 et qui, selon les rumeurs, est mort en détention.
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L'organisation indique avoir enquêté entre mars 2016 et mai 2018 sur les cas de 51 hommes arrêtés et détenus dans le sud du Yémen par les Émirats arabes unis et les forces yéménites qui sont alliées à ce pays membre de la coalition qui intervient militairement au Yémen contre les rebelles Houthis. Amnesty affirme que « dix-neuf de ces hommes sont portés disparus ».
« J'ai vu des choses que je ne souhaite plus jamais revoir. Dans cet endroit, vous ne voyez même pas le soleil », a témoigné un ancien détenu qui se trouvait à Waddah Hall, centre de détention informel de triste réputation à Aden, géré par une unité locale de lutte contre le terrorisme.
Tortures et vendettas
« Ils portaient toutes sortes d'accusations [contre moi]. Ils ont commencé à me frapper... Puis, une nuit, ils m'ont relâché en m'expliquant qu'ils m'avaient confondu avec quelqu'un d'autre... "Il y a eu erreur sur la personne, désolés". C'était comme s'ils ne m'avaient rien fait, après toute la souffrance causée par les décharges électriques », confie un témoin.
« D'aucuns affirment que de nombreuses arrestations se basent sur des soupçons infondés et des vendettas personnelles », explique le rapport de l’ONG.
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« Les arrestations ciblent les personnes qui critiquent la coalition et les pratiques des forces de sécurité soutenues par les Émirats arabes unis, notamment des personnalités de la communauté, des militants et des journalistes, ainsi que des sympathisants et des membres du parti al-Islah, la branche yéménite des Frères musulmans. »
Les Émirats arabes unis ont démenti avec force diriger ou encadrer des prisons secrètes dans le sud du Yémen.
Depuis qu'ils ont commencé leur intervention au Yémen en mars 2015, les Émirats ont créé, formé, équipé et financé diverses forces de sécurité locales connues sous le nom de « ceintures de sécurité » et de « forces d'élite ».
Ce pays a également noué, selon Amnesty International, des alliances avec les responsables yéménites de la sécurité qui agissent hors de l'autorité du gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi.
Depuis qu'ils ont commencé leur intervention au Yémen en mars 2015, les Émirats ont créé, formé, équipé et financé diverses forces de sécurité locales
Ce dernier s'est récemment réconcilié avec les Émirats arabes unis après une brouille concernant la présence de forces émiraties sur l'île yéménite de Socotra.
La question des prisons a été au centre d'une visite lundi dernier à Aden de la ministre d'État émiratie à la Coopération internationale, Rim al-Hachémi.
Mme Hachémi a rencontré le président Hadi et le ministre de l'Intérieur Ahmed Maisari, qui a insisté sur la « fermeture de prisons et la nécessité de les soumettre au contrôle de la justice », selon l'agence Saba contrôlée par le gouvernement.
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