Dans quelques semaines, l’accord sur le nucléaire iranien pourrait être mort
L’accord nucléaire iranien pourrait être mort à la mi-octobre et l’échec potentiel de l’accord, qui l’an dernier, avait levé les sanctions sur l’Iran, pourrait faire grimper les prix du brut de dix dollars le baril.
C’est ce qu’estime un analyste à la fois spécialiste de la façon dont fonctionnent la politique à Washington et le marché mondial de l’énergie.
« Nous pensons que les États-Unis ne garantiront pas l’accord actuel », prévient Joe McMonigle, spécialiste des politiques énergétiques à Hedgeye, à Washington DC, et ex-chef de cabinet au département américain de l’Énergie.
Chaque trimestre, les parties de l’accord sur le nucléaire ont besoin de déterminer que chacun est bien en train de faire ce qu’il s’est engagé à faire, explique-t-il. La prochaine certification est prévue mi-octobre, et McMonigle prévoit que le président américain Donald Trump refusera de la soutenir.
« Les États-Unis vont essentiellement prétendre qu’il n’y a pas eu d’accès aux sites militaires », explique-t-il. Et par conséquent, il pourrait utiliser cet argument comme une excuse pour rejeter l’accord dans son ensemble.
Après un refus de certification, l’Iran sera à nouveau frappé par des sanctions, probablement d’ici à la fin de l’année, estime McMonigle.
Sa théorie selon laquelle il ne reste à l’accord que quelques mois à vivre arrive dans la foulée du discours enflammé de Trump devant l’assemblée générale des Nations unies, qui a visé directement l’Iran en le qualifiant de « régime meurtrier ».
« L’accord iranien est un des pires accords et une des transactions les plus unilatérales auxquels les États-Unis aient jamais participé. Franchement, l’accord gêne les États-Unis et je ne pense pas qu’il reviendra à l’ordre du jour. Croyez-moi », a déclaré Trump aux délégués des Nations unies à New York.
« Pas d’amour » pour l’accord iranien au Congrès
Cet extrait du discours fait plus qu’insinuer que l’administration va regarder l’accord de plus près, et que cela pourrait aboutir à son annulation.
« Je pense que la position de l’administration Trump est la suivante : ils veulent examiner la mauvaise conduite de l’Iran dans sa globalité au lieu d’adopter la vision compartimentée qui fut celle d’Obama », explique Thaddeus McCotter, un ancien membre républicain du Congrès du 11e district du Michigan, qui fut aussi responsable de la politique pour les Républicains au parlement pendant deux mandats.
« Au Congrès, il n’y a pas d’amour pour ce pacte », assure-t-il. « Si des sanctions sont proposées au Congrès, je les verrais bien être adoptées ».
Est-ce que d’autres pays suivraient les États-Unis dans l’imposition de nouvelles sanctions ? Cela dépend du pays en question, mais in fine, peu importe s’il y a un soutien international ou pas à ces sanctions, du moins tant que le marché pétrolier est concerné.
Les sanctions américaines impacteraient probablement une ressource essentielle de revenus pour l’Iran : les exportations pétrolières.
« Vous avez besoin de clients pour ce pétrole », note McMonigle. « Cela n’impactera pas la production de pétrole, mais les Iraniens ont besoin de clients. »
Et il pourrait y avoir un problème avec ces clients.
« Vous avez besoin de clients pour ce pétrole »
- Joe McMonigle, spécialiste des politiques énergétiques à Hedgeye
Le vrai enjeu, c’est qu’il existe de nombreuses entreprises multinationales qui veulent continuer à faire des affaires avec les États-Unis. Elles ne vont donc pas se mettre dans l’embarras avec l’économie iranienne au cas où Washington adopte des sanctions.
Par exemple, des compagnies pétrolières européennes, comme BP et Shell opèrent toutes deux aux États-Unis. Et elles veulent continuer ainsi, même si l’Union européenne ne soutient pas les sanctions. Elles vont donc vraisemblablement, comme d’autres entreprises, éviter d’acheter ou de vendre quoi que ce soit à l’Iran alors que des sanctions sont en vigueur.
Avec quelques clients aisés qui cherchent à acheter du brut, il y en aura moins pour le marché mondial.
Quand le pétrole iranien est entré sur le marché mondial l’an dernier, 800 000 barils chaque jour ont été ajoutés à la production mondiale au cours des premiers mois de l’année, relève McMonigle. Alors si les sanctions sont adoptées, il faut s’attendre à ce qu’un nombre similaire de barils disparaissent à nouveau en très peu de temps.
Le marché mondial du pétrole s’équilibre de manière subtile : même des changements relativement peu importants peuvent avoir de très grandes répercussions sur les prix.
Selon McMonigle, des sanctions feraient monter le prix du baril de dix dollars ou plus.
Les futurs prix pour le pétrole brut léger se négociaient récemment autour de 50 dollars le baril chez CME (opérateur boursier américain). Par conséquent, un saut de dix dollars impliquerait un prix de 60 dollars.
Il est aussi assez fréquent de voir les prix monter en flèche, résultat des premières réactions du marché à une baisse de la production. C’est la raison pour laquelle, pour McMonigle, des prix plus élevés que 60 dollars sont possibles.
Bien sûr, rien de cela ne signifie que l’Iran ne pourra pas vendre de pétrole du tout. Pour le spécialiste, la Russie sera le principal pays à aider l’Iran dans cette fuite de pétrole sur le marché mondial, en raison de ses liens historiques avec l’Iran. L’Irak pourrait aussi être impliqué à ses ports du sud.
Alors que les sanctions vont compresser les finances de l’Iran, l’augmentation des prix du pétrole seront bénéfiques à l’Arabie saoudite et à l’Irak voisins. Comme l’a récemment rapporté Middle East Eye, l’Arabie saoudite lutte pour sortir son économie de la dépendance au pétrole en raison de la baisse de revenus. D’éventuels prix du brut plus élevés aideront à augmenter la trésorerie et à financer la réorientation de cette économie.
L’Arabie saoudite produisait 12,1 millions de barils par jour en 2015 selon l’Agence d’information sur l’énergie (EIA). Par conséquent, dix dollars de plus sur un baril permettrait de faire rentrer plus de cet argent dont le royaume a tant besoin.
Ses prix plus élevés profiteront, de même, à l’Irak, qui produisait, selon l’EIA, 4,1 millions de barils par jours en 2015.
Bien entendu, la prévision d’une augmentation des prix est basée sur l’hypothèse que les membres du cartel de l’OPEP ne commencent pas à tous à produire plus de pétrole que ce que permettent leurs quotas. Si tel était le cas – et c’est déjà arrivé par le passé – cela signifierait une production plus importante qui ferait à nouveau baisser les prix.
D’un point de vue géopolitique, quoi qu’il se passe, les prochaines semaines seront intéressantes.
Photo : les États-Unis, l’Iran, la Russie et l’Union européenne discutent de l’accord nucléaire iranien aux Nations unies (AFP).
Traduit de l'anglais (original).
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