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Quatre façons pour Trump de tuer l’accord sur le nucléaire avec l’Iran

Il l’a taxé de « pire accord jamais négocié ». Maintenant, le président américain pourrait essayer de le faire capoter. Réussira-t-il ?

À lire la multitude des reportages dans les médias mondiaux et les analyses spécialisées, on a la nette impression que la survie de l’accord nucléaire avec l’Iran – accord décisif signé en 2015 et appelé également « plan d’action global conjoint » (JCPOA) est fortement menacée.

Selon certaines informations, le président Donald Trump a déjà pris la décision de ne pas valider la conformité de l’Iran au JCPOA avant la prochaine date butoir (en octobre), où il sera tenu d’en aviser le Congrès. De nombreux experts estiment que cette décision déstabilisera, et mettra un terme à l’accord nucléaire avec l’Iran. En théorie, les Américains ont le choix entre quatre angles d’attaque différents pour attaquer l’accord nucléaire avec l’Iran.

1. S’en prendre au programme iranien de missiles balistiques

Les responsables américains, dont Trump, ont déclaré à plusieurs reprises que les essais de missiles balistiques par l’Iran sont contraires à l’esprit du JCPOA. Pourquoi l'esprit et non la lettre ? Parce qu’il n’est fait, dans l’accord, aucune mention du programme iranien de missiles. Il y a fort à parier que les Européens, étant donné les conséquences probables d’une telle option, ne s’accorderont pas avec les États-Unis pour abandonner un accord international, endossé qui plus est par le Conseil de sécurité de l'ONU, au prétexte que l’esprit de l’accord aurait été violé.

Néanmoins, le programme iranien de missiles balistiques est évoqué dans la résolution 2231, qui approuve le JCPOA. Cependant, l’interprétation de cette partie de l'accord demeure sujette à controverse. Le 2 août, Grande-Bretagne, France, Allemagne et États-Unis ont, dans une lettre à l’ONU, condamné en chœur le lancement par l’Iran d’un satellite, le 27 juillet. Or, il est intéressant de remarquer qu’ils ont choisi de dire que « le programme de développement de missiles balistiques demeure contraire à la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU [mais sans la violer] ».

Gardons à l’esprit un point crucial : même une violation de la résolution 2231 ne saurait être interprétée comme une violation du JCPOA. Les Russes soutiennent aussi que la question des missiles « ne constitue pas une violation de l’accord [nucléaire] ». En tant que tel, cet angle d’attaque contre l’accord nucléaire a tout l’air d’une impasse.

2. Déposer plainte auprès de la commission collective du JCPOA

Il revient à la commission collective du JCPOA de surveiller la mise en œuvre de l’accord nucléaire, en vue de résoudre les problèmes éventuels. La commission est composée des représentants de l’Iran, du P5+1 et du haut-représentant de l’Union européenne.

Comme le feront remarquer certains fins observateurs, les États-Unis peuvent potentiellement y disposer de cinq voix – la leur, celles des trois pays européens et du haut-représentant de l’UE – sur les huit exprimées lors d’un vote. Cependant, pour établir la violation de l’accord nucléaire par les Iraniens, les Américains devraient fournir au groupe des preuves incontestables de leurs accusations, tandis que l’Agence internationale à l’énergie atomique (IAEA) est aussi tenue de confirmer la supposée dérive. Jusqu’à présent, l’IAEA a confirmé à plusieurs reprises que l’Iran respectait l’accord.

Cette option semble elle aussi ne mener nulle part, puisqu’on voit mal les Européens et l’IAEA confirmer l’infraction de l’Iran et provoquer une crise internationale colossale, simplement pour faire plaisir aux Américains.

3. Faire pression sur l’Iran en augmentant de la fréquence des inspections

Nombre de rapports prétendent que l’administration américaine essaie de forcer les inspecteurs de l’IAEA à aller inspecter les sites militaires où le renseignement américain soupçonne Téhéran de contrevenir à l’accord.

Selon Associated Press, le sénateur Bob Corker, président du comité sénatorial aux relations étrangères, a fait allusion à cette stratégie et déclaré que les États-Unis essayaient de « faire respecter l’accord à la lettre », en exigeant d’avoir accès à « divers sites » iraniens. « S’ils nous refusent l’accès, boum ! », a menacé Corker. 

En théorie, cette tactique pourrait offrir à Trump ce qu’il souhaite. Mais en pratique, le droit d’accès aux sites soupçonnés par l’IAEA – prévu aux paragraphes 74 à 78 de l’annexe I du JCPOA – est un processus extrêmement compliqué. En premier lieu parce que l’IAEA doit apporter les preuves qui lui ont mis la puce à l’oreille.

Les Européens et l’IAEA sont également censés non seulement coopérer intégralement avec les États-Unis pour exiger l’accès à une base militaire, mais aussi envisager que l’Iran leur refuse ouvertement l’accès. En d’autres termes, le mécanisme prévu en l’espèce est surtout destiné à lever le soupçon, plutôt qu’à invalider un accord international de la plus haute importance.

4. Pousser l’Iran à violer l'accord

Le 21 juillet, le sénateur Corker a déclaré, « L’important, c’est que cet accord soit abrogé du fait de l’Iran. Surtout pas à l’initiative des États-Unis, parce qu’il est crucial d’avoir nos alliés de notre côté ».

Cette volonté d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran, aux termes du récent décret Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act (Contrattaquer les adversaires de l'Amérique au moyen de sanctions) – loi promulguée par Trump le 2 août – fait partie, aux yeux de certains experts, de cette même stratégie d’acculer Téhéran à la faute.

L’Iran, cependant, comme l’ont répété divers responsables à plusieurs reprises, se refuse à tomber dans un piège américain, et ne se retirera pas de l’accord tant que ne seront pas de nouveau imposées des sanctions contre des intérêts stratégiques (sur son énergie et son secteur bancaire, entre autres). L’Iran protestera, développera son programme de missiles balistiques et renforcera ses coopérations militaires avec la Russie. Toutefois, il ne dénoncera jamais l’accord.

Pourquoi l’Amérique ne dénoncera jamais l’accord

Vu le contexte, Trump, de toute évidence, ne dira pas en octobre que l’Iran respecte l’accord nucléaire. Par conséquent, il est probable qu’il ne continuera pas à accorder à l’Iran des dérogations à ces sanctions, toutes ou en partie. Ce qui serait une violation incontestable du JCPOA.

Européens, Chinois et Russes protesteront – à l’instar de la France le 26 juillet –, et qualifieront d’« illégales » les nouvelles sanctions américaines, les taxant de contraires au droit international, en raison de leur portée extraterritoriale ». Point barre. En pratique, les autres membres du P5+1, s’ils souhaitaient prendre des mesures de rétorsion contre les États-Unis, auront les mains liées.

En même temps – et sans déchirer l’accord nucléaire – Trump pourrait décider de fermer les yeux sur les entreprises qui sont déjà en affaire avec l’Iran et les laisser continuer sans que cela ait des conséquences.

Mais pourquoi alors, demanderont certains, avoir réintroduit des sanctions qui avaient été suspendues dans le cadre du contrat nucléaire ? La réponse est simple : via ces sanctions ré-instituées, l’administration américaine a tout loisir de gravement pénaliser les entreprises, banques et institutions non-américaines qui oseraient faire des affaires avec l’Iran.

Par conséquent, que les États-Unis décident ou non de punir des entreprises, les sanctions feront office d’épée de Damoclès au-dessus de la tête des dirigeants de toute entité étrangère en affaire avec l’Iran. Pour dire les choses simplement, les étrangers ne se positionneront sur le marché iranien qu’après avoir pris de multiples précautions. Par conséquent, les sanctions américaines mettront l’Iran en état de siège – et Trump n’aura même pas besoin d'abroger l’accord, puisqu’il aura déjà atteint ses objectifs.

Qu’exigera Trump ?

On peut donc s’attendre à ce que Trump, comme il l’a déclaré à plusieurs reprises, exige une renégociation de l’accord. Pour comprendre ce que les Américains appellent de leurs vœux, il suffit de lire entre les lignes. Le secrétaire d’État américain Rex Tillerson, a déclaré que le contrat sur le nucléaire « ne parvient pas à atteindre l’objectif d’un Iran non nucléaire » et « qu’il ne fait que retarder l’objectif de l’Iran de rejoindre le club des puissances nucléaires ».

Ainsi, la stratégie américaine consiste à exercer d’énormes pressions sur l’Iran pour le forcer à revenir à la table des négociations. Ils exigeront probablement quelques modifications des clauses de temporisation contenues dans l’accord et qui gouvernent plusieurs restrictions clés quant à la capacité d’enrichissement de l’uranium de l’Iran et sur ses réserves d'uranium enrichi, qui expirera après quinze ans.

Les Américains obtiendront-ils ce qu’ils veulent ? Notez bien ceci : il existe aux États-Unis une école de pensée qui croit de manière dogmatique que, si le JCPOA a été signé, c’était d’abord et avant tout pour imposer des sanctions. C’est une idée biaisée.

Tandis que les sanctions ont effectivement joué un rôle important pour contenir l’Iran, on n’aurait accompli aucun progrès vers la résolution de la crise nucléaire si les États-Unis n’avaient pas renoncé à la politique qu’ils défendaient depuis dix ans : « l’interdiction stricte et totale de l’enrichissement d’uranium à l’intérieur de l’Iran ».

Il est d’ailleurs notoire que même les menaces militaires formulées par les États-Unis – et, plus sérieusement, par Israël – n’ont jamais affaibli la détermination de l’Iran. Les pourparlers secrets n’ont sérieusement commencé qu’en mars 2013 à Oman : il fallut attendre que William Burns, alors vice-secrétaire d'État, transmette un message où Obama promettait être disposé, dans le cadre de l’accord nucléaire, à accepter en Iran un programme d’enrichissement domestique limité.

On obtiendra ici le même résultat : l’Iran ne cèdera rien sur l’accord. Si l’obstination de Téhéran entraîne des sanctions contre des compagnies non-américaines, l’Iran risque de dénoncer l’accord, Trump obtiendra ce qu’il cherche et le monde se retrouvera probablement avec un autre conflit sur les bras.

- Shahir Shahidsaless est un analyste politique et journaliste indépendant irano-canadien qui écrit sur les affaires intérieures et étrangères de l’Iran, le Moyen-Orient et la politique étrangère américaine dans la région. Il est coauteur de l’ouvrage Iran and the United States: An Insider’s View on the Failed Past and the Road to Peace. Il contribue à plusieurs sites consacrés au Moyen-Orient ainsi qu’au Huffington Post. Il écrit également de façon régulière pour BBC Persian. Vous pouvez le contacter à l’adresse [email protected] ou le suivre sur Twitter : @SShahisaless.

Les vues exprimées dans cet article sont celles de leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo. Washington DC, le 7 juin 2017 : le président américain Donald Trump frappe du poing à son retour à la Maison Blanche le (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par Dominique Macabies.

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