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Le procès sur les attentats du 11 septembre menace les ambitions de l’Arabie saoudite

Ce serait une erreur pour les Saoudiens de penser que Donald Trump pourrait les aider face à l’action en justice alléguant leur rôle dans les attentats du 11 septembre, selon un avocat

Une action en justice portant sur l’implication présumée de l’Arabie saoudite dans les attentats du 11 septembre fait de l’ombre aux projets économiques et politiques du prince héritier Mohammed ben Salmane.

L’Arabie saoudite tente de changer son image, de sevrer son économie de la dépendance au pétrole, de se défaire de sa réputation de société ultraconservatrice et de présenter ses dirigeants autocratiques comme des réformistes.

Or en 2016, le Sénat américain n’a pas tenu compte de l’avis du président de l’époque Barack Obama et a adopté le projet de loi « Justice contre les commanditaires d’actes de terrorisme » (JASTA), une loi autorisant les victimes du « terrorisme international » à engager des poursuites judiciaires devant les tribunaux américains contre des États souverains.

Cette loi a permis aux familles des victimes du 11 septembre 2001 de s’attaquer à l’Arabie saoudite pour son rôle présumé dans les attentats.

Alors que Riyad maintient n’avoir rien à voir avec les militants d’al-Qaïda, lesquels ont par le passé commis des attaques en Arabie saoudite visant souvent les forces de sécurité, le juge américain George Daniels de la cour de district de New York a donné son feu vert en mars dernier pour engager des poursuites contre le gouvernement saoudien.

« En 2003 et 2004, la Commission sur le 11 septembre n’a pas poursuivi, ne voulait pas poursuivre, a couvert les Saoudiens ou n’a tout simplement jamais trouvé le temps de finir l’enquête. C’est là que nous l’avons reprise et nous avons recueilli beaucoup plus d’informations et de preuves depuis »

- Andrew Maloney, avocat

En plus de porter atteinte à l’image du royaume, ce procès menace les intérêts économiques saoudiens, à savoir le projet de vendre une participation de 5 % dans Saudi Aramco, la compagnie pétrolière nationale.

Des avocats avaient pourtant mis en garde le royaume contre l’introduction en bourse d’Aramco à la Bourse de New York, a rapporté le Financial Times l’année dernière.

L’Arabie saoudite a démenti la suspension de la cession, qui vise à lever 100 milliards de dollars en espèces pour stimuler d’autres secteurs de son économie. Cependant, il est évident que l’introduction en bourse est retardée.

« Cela met un frein au souhait de l’Arabie saoudite d’investir aux États-Unis, compte tenu que les investissements aux États-Unis constituent l’un des piliers du projet saoudien de diversification économique », a déclaré à Middle East Eye Imad Harb, directeur de la recherche et de l’analyse à l’Arab Center de Washington DC.

« Les relations économiques se répercutent sur les relations politiques. C’est pourquoi cela inquiète vivement l’Arabie saoudite. »

Il a ajouté que le procès nuit également à la perception du royaume par l’opinion publique américaine, non seulement en raison de son implication présumée dans les attentats, mais aussi parce qu’il inciterait à s’intéresser à la situation actuelle en Arabie saoudite, et notamment aux violations des droits de l’homme.

Communication de documents

Andrew Maloney, un avocat des familles des victimes du 11 septembre, a expliqué que les procédures judiciaires en étaient au stade de la communication de documents – collecte de documents des Saoudiens et d’autres parties.

Si les Saoudiens refusent de coopérer avec le tribunal, a expliqué Maloney, ils seraient considérés comme en défaut, tout comme l’Iran.

Le juge Daniels lui-même a publié en 2011 un jugement par défaut contre l’Iran dans un procès civil qui alléguait des liens entre Téhéran et les terroristes du 11 septembre. Téhéran n’a pas réagi à l’affaire, mais dément tout lien avec les militants d’al-Qaïda, lesquels considèrent comme des apostats les dirigeants chiites de l’Iran.

Le rapport de la Commission sur les attentats du 11 septembre, qui détaille l’enquête menée par le gouvernement sur ces attentats, n’a pas corroboré les allégations selon lesquelles l’Iran aurait formé les pirates de l’air. Pourtant, en mai, Daniels a condamné l’Iran à payer 6 milliards de dollars aux familles des victimes.

Tandis que l’Iran n’a pas d’affaires aux États-Unis et est déjà sous le coup de sanctions du Département du Trésor concernant son programme nucléaire, les actifs saoudiens aux États-Unis sont nombreux et seraient en jeu si les plaignants gagnaient.

« Si les Saoudiens disaient simplement : “Nous ne coopérerons pas, à plus tard”, nous pouvons faire la même chose qu’avec l’Iran », a déclaré Maloney lors d’un entretien téléphonique avec MEE le mois dernier. « Je pense que ce serait une très mauvaise décision pour les Saoudiens que de suivre cette voie. »

Les dirigeants saoudiens entretiennent des relations cordiales avec le président américain Donald Trump (AFP)

Les dirigeants saoudiens se sont rapprochés de Donald Trump, et le prince héritier Mohammed ben Salmane a fait tout particulièrement l’objet des éloges du président américain.

Cependant, la politique et les relations diplomatiques ne peuvent pas influencer le procès en raison de l’indépendance de la justice aux États-Unis, a déclaré Maloney.

« Même si le président ne voulait pas que nous le fassions, il ne pourrait vraiment pas nous arrêter… Les Saoudiens se trompent s’ils comptent sur le président pour les protéger ici, ce n’est pas possible », a-t-il ajouté.

Le rapport de la Commission sur le 11 septembre semble blanchir le gouvernement saoudien de toute implication directe dans les attentats.

« L’Arabie saoudite a longtemps été considérée comme la principale source de financement d’al-Qaïda, mais nous n’avons trouvé aucune preuve que le gouvernement saoudien en tant qu’institution ou que de hauts responsables saoudiens aient financé individuellement l’organisation », indique le rapport.

Maloney a déclaré que le rapport laisse toutefois de côté une grande partie du gouvernement saoudien qui pourrait être tenu responsable, notamment des Saoudiens qui peuvent ne pas être considérés comme de hauts responsables.

« Le ministère des Affaires islamiques [d’Arabie saoudite] aux États-Unis et dans d’autres parties du monde avait des représentants du gouvernement qui ont conspiré avec al-Qaïda pour les soutenir et soutenir les pirates de l’air du 11 septembre »

- Andrew Maloney, avocat

Si une faction de responsables saoudiens de niveau intermédiaire a conspiré avec les pirates de l’air, cela rendra tout le gouvernement responsable, a estimé Maloney.

L’avocat a suggéré que le rapport ne disait pas tout.

« Le ministère des Affaires islamiques [d’Arabie saoudite] aux États-Unis et dans d’autres parties du monde avait des représentants du gouvernement qui ont conspiré avec al-Qaïda pour les soutenir et soutenir les pirates de l’air du 11 septembre », a indiqué Maloney.

« En 2003 et 2004, la Commission sur le 11 septembre n’a pas poursuivi, ne voulait pas poursuivre, a couvert les Saoudiens ou n’a tout simplement jamais trouvé le temps de finir l’enquête. C’est là que nous l’avons reprise et nous avons recueilli beaucoup plus d’informations et de preuves depuis. »

Il a ajouté que le FBI pourrait avoir scellé des informations que recherchent les plaignants sur l’implication saoudienne.

Les allégations

Les allégations les plus accablantes du procès concernent des contacts entre des responsables saoudiens et les pirates de l’air Khalid al-Mihdhar et Nawaf al-Hazmi, qui sont arrivés aux États-Unis en janvier 2000, s’installant dans le sud de la Californie.

Selon le rapport de la Commission sur les attentats du 11 septembre, les deux militants étaient « mal préparés » à une mission aux États-Unis : ils ne parlaient pas couramment l’anglais et n’avaient pas passé « beaucoup de temps » en Occident. L’enquête a conclu qu’il était « peu probable » que Mihdhar et Hazmi soient venus aux États-Unis sans s’arranger à l’avance pour recevoir l’aide d’individus aux États-Unis.

Selon les plaignants, ces individus seraient deux responsables saoudiens à Los Angeles et à San Diego : Fahad al-Thumairy et Omar al-Bayoumi.

Thumairy était à la tête d’une mosquée financée par l’Arabie saoudite à Los Angeles et avait été nommé à ce poste par le responsable du département saoudien des affaires islamiques à Washington, selon des documents judiciaires. Il y était également un « diplomate accrédité » au consulat saoudien. Dans le cadre du procès, il est accusé d’avoir « orchestré le réseau de soutien américain » pour Mihdhar et Hazmi.

Cérémonie de commémoration des attentats du 11 septembre à New York (AP)

Les plaignants soutiennent que Thumairy a relié le duo à Bayoumi, un citoyen saoudien qui travaillait pour le gouvernement saoudien depuis les années 1970 et qui vivait à San Diego après y avoir emménagé en 1994 pour étudier l’anglais à l’aide d’une bourse octroyée par le gouvernement.

Selon le procès, Bayoumi aurait à son tour aidé Mihdhar et Hazmi à s’installer à San Diego, où il a co-signé un bail pour leur appartement avant de les mettre en contact avec Anwar al-Awlaki, un prédicateur qui a par la suite apporté son soutien à al-Qaïda avant d’être tué par une frappe de drone américain au Yémen en 2011.

« Nous ne savons pas » comment les pirates de l’air ont rencontré al-Awlaki, précise le rapport de la Commission sur les attentats du 11 septembre.

Bayoumi aurait également mis les pirates de l’air en relation avec un individu appartenant à la congrégation d’Awlaki qui leur aurait apporté une aide supplémentaire.

« Sur la base de ces faits présumés, les plaignants affirment que Thumairy et Bayoumi étaient dirigés par une personne de l’ambassade saoudienne à Washington DC et chargés d’aider Hazmi et Mihdhar à s’acclimater et s’installer aux États-Unis afin d’entamer les préparatifs des attentats du 11 septembre », a écrit le juge Daniels en mars.

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Le procès précise que les relevés téléphoniques de Bayoumi montrent qu’il a passé 74 appels vers des consulats saoudiens aux États-Unis entre janvier et mars 2000, période qui coïncide avec l’arrivée des pirates de l’air dans le pays. Parmi ces appels, 34 ont été adressés au consulat de Los Angeles, où Thumairy travaillait.

« Ces allégations, qu’aucune preuve contraire apportée par l’Arabie saoudite ne permet de réfuter, suffisent à créer une base raisonnable pour que ce tribunal exerce sa compétence à l’égard des requêtes formulées par les plaignants à l’encontre de l’Arabie saoudite pour justifier la communication de documents juridiques concernant Thumairy et Bayoumi », a écrit Daniels en signifiant sa décision de rejeter la demande d’abandon des poursuites formulée par l’Arabie saoudite. 

Thumairy et Bayoumi nient tous deux avoir eu connaissance des plans des pirates de l’air.

Dans une interview accordée en 2002 au journal saoudien Asharq al-Awsat, Bayoumi a déclaré que Hazmi et Mihdhar avaient cherché de l’aide auprès d’expatriés établis à San Diego comme l’aurait fait tout nouvel arrivant saoudien, ajoutant qu’ils n’étaient restés que deux semaines dans le complexe d’appartements initial. Il a précisé qu’il ne savait pas où ils étaient allés ensuite.

« Ça finira par sortir, vous verrez, mais je ne peux pas vous en dire plus »

- Andrew Maloney, avocat

Bayoumi avait quitté les États-Unis pour poursuivre ses études au Royaume-Uni en octobre 2000, environ un an avant les attentats. Il a déclaré au journal saoudien en 2002 que la police britannique avait minutieusement fouillé son domicile et l’avait interrogé pendant une semaine ; sept mois plus tard, il a décidé de retourner dans son pays d’origine.

Pour sa part, Bayoumi s’est vu refuser l’entrée aux États-Unis en 2003 après que son visa a été annulé sans explication. À l’époque, il a indiqué à Asharq al-Awsat qu’il ne se souvenait d’aucune violation qu’il aurait pu commettre aux États-Unis.

À la question de savoir s’il existe des preuves reliant les autorités saoudiennes aux attentats du 11 septembre au-delà des deux pirates de l’air qui ont atterri en Californie en 2000, Maloney a répondu par un « oui catégorique », refusant toutefois d’entrer dans les détails.

« Ça finira par sortir, vous verrez, mais je ne peux pas vous en dire plus », a déclaré l’avocat.

Photo : l'attaque du World Trade Center le 11 septembre 2001 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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