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Les huit années de Blair comme émissaire pour la paix au Moyen-Orient : du temps perdu ?

Il est difficile de savoir qui, ou même si quelqu’un, le remplacera, mais Tony Blair a promis de « continuer à travailler avec les principaux acteurs régionaux, les États-Unis et l’Union européenne »

Huit ans après avoir été nommé par le Quartet émissaire pour la paix au Proche-Orient, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair aurait démissionné, selon une annonce faite mercredi.

Une source anonyme a déclaré aux médias que Tony Blair avait remis sa lettre de démission au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et démissionnerait officiellement le mois prochain. Cela fait en réalité plusieurs mois que la rumeur circule.

« Il était évident depuis un certain temps qu’il allait partir, cela n’était donc pas une surprise », a déclaré Hanan Ashrawi, ancienne négociatrice palestinienne et actuellement législatrice.

« Toutefois, il était temps. Il est depuis longtemps évident qu’il ne se passe rien. »

En mars, le Financial Times a commencé à publier des articles sur le départ de Tony Blair, affirmant que les États-Unis et l’Union européenne étaient tellement frustrés par ses mauvaises relations avec les dirigeants palestiniens qu’ils avaient commencé à le pousser à la démission.

En 2012, l’Union européenne – qui constitue le Quartet avec les États-Unis, la Russie et les Nations unies – a cessé de financer le bureau de Tony Blair, tandis que les Américains l’ont en général écarté lors de leur tentative infructueuse de ramener les Israéliens et les Palestiniens à la table de négociation en 2013.

Une aptitude remise en cause

Les interrogations sur l’aptitude de Tony Blair à assumer cette fonction et sur ses résultats en tant qu’émissaire remontent au jour de sa nomination en 2007.

En tant qu’acteur majeur de la guerre en Afghanistan puis, de manière plus controversée, en Irak, où son gouvernement a été accusé de falsifier des preuves afin de justifier une invasion, Tony Blair a longtemps été considéré comme un belliciste par ses détracteurs tant au sein de la classe politique britannique qu’à l’extérieur de celle-ci. De nombreuses personnes ont mis en doute ses qualifications en tant qu’émissaire pour la paix – une réserve à son encontre dont il n’a pas été en mesure de se défaire entièrement malgré sa démission du poste de Premier ministre en 2007.

« Nous ne savions pas exactement à quoi nous attendre en 2007 et rien n’allait de soi, mais même à l’époque, nous savions que Tony Blair était corrompu, surtout sur le plan politique », a déclaré Mushen Ramadan, président du PENGO, un groupe de coordination des ONG opérant dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

« Il n’allait jamais mettre fin à la colonisation, insister pour la paix ou exiger que le droit international soit appliqué ou qu’un terme soit mis au siège [de Gaza]. »

Un porte-parole de l’Autorité palestinienne (AP) est allé plus loin en disant au Financial Times que Blair était « persona non grata depuis un certain temps ».

« Il n’a pas assumé ses responsabilités pendant longtemps, alors qu’il soit en poste ou non revient presqu’au même. »

Les critiques formulées à l’encontre de l’ancien chef du Parti travailliste s’articulent autour de trois axes principaux. D’une part, on l’a accusé d’être absent et, selon Chris Doyle du Conseil britannique pour la compréhension arabo-britannique (Caabu), de faire de « ce qui devrait être un poste à temps plein, un poste à temps partiel ». D’autre part, il a été critiqué pour ses liens prétendument privilégiés avec les Israéliens, et enfin pour ses relations étroites avec des dirigeants autocratiques et des grandes entreprises, et pour les importants versements que ceux-ci lui ont versés.

« La surprise n’était pas tant sa démission que le fait qu’il était encore en poste. On n’a pas eu de nouvelles de sa part depuis très longtemps », a déclaré Meron Rapoport, chroniqueur à Middle East Eye et analyste israélien. « Depuis quelques années, il était particulièrement discret. »

« Même avant cela, cependant, il était considéré avec beaucoup de méfiance par les Palestiniens qui le qualifiaient essentiellement de porte-parole israélien, ou pire. Toutefois les Israéliens aussi pensaient qu’il était faible et incapable et l’ont écarté. »

Une image faussée du siège de Gaza

En 2010, le gouvernement israélien avait annoncé qu’il allait assouplir les restrictions sur les marchandises entrant dans la bande de Gaza. Cette annonce était intervenue après le scandale de la flottille, lorsque les forces israéliennes avaient tué neuf militants qui tentaient de fournir une aide humanitaire à Gaza, sous blocus israélien depuis la victoire du Hamas aux élections et sa totale prise de contrôle de Gaza en 2007.

Tony Blair n’avait pas tardé à soutenir les propositions israéliennes, déclarant aux médias : « Pour moi, le fait qu’Israël dise : "Bon, nous n’autorisons pas les biens à entrer dans le port [de Gaza], mais vous pouvez les acheminer vers Ashdod où nous pouvons les contrôler avant de les acheminer à Gaza", je pense que c’est une position raisonnable. »

Selon Mushen Ramadan, ce point de vue dissimulait la gravité de la situation à Gaza et impliquait le maintien de la majeure partie des restrictions.

« Blair s’est présenté devant le Quartet et a déclaré : ‘’Bon, Bibi va laisser entrer certains articles, mais pas tous’’. Ainsi, tous ceux qui ont entendu cela ont pensé que le siège avait été largement assoupli, mais en fait très peu de choses ont changé et le siège n’a jamais cessé », a-t-il expliqué.

Selon la coalition Stop the War, Tony Blair a amassé une fortune de plusieurs dizaines de millions de livres sterling depuis qu’il a quitté Downing Street. Ses liens étroits avec les gouvernements de pays comme le Koweït et les Émirats arabes unis ont également fait sourciller et lui ont rapporté des millions en honoraires de consultant. Cela s’ajoute aux quelque 57 000 euros de salaire mensuel qu’il reçoit d’une compagnie pétrolière appartenant à la famille royale saoudienne et à son travail auprès de la banque d’investissement américaine JP Morgan et de l’assureur suisse Zurich International, qui lui rapportent respectivement environ 2,8 millions d’euros et 0,7 million d’euros chaque année.

Le rocher de Sisyphe

Depuis que Tony Blair a pris les commandes, il y a eu plusieurs initiatives de paix, de la conférence d’Annapolis dirigée par l’administration Bush en 2007 à la dernière campagne du secrétaire d’État américain John Kerry qui a pris fin l’année dernière, sans parler des négociations pour la paix à Gaza en 2009 et 2014.

Rares sont ceux qui soutiennent que ces efforts se sont soldés par des changements tangibles, mais alors que les détracteurs de Tony Blair disent qu’il aurait dû faire plus, ses partisans soutiennent que la situation est tout à fait impossible à démêler et que toute la bonne volonté ou habileté politique du monde ne pourrait faire pencher la balance.

Trouver une solution au conflit israélo-palestinien est, selon le chroniqueur de l’Independent on Sunday et biographe de Tony Blair, John Rentoul, un rocher de Sisyphe.

« Il pousse un rocher au sommet de la montagne et chaque nuit le rocher redescend », a rapporté John Rentoul à MEE. « Au bout de huit ans, vous commencez à vous demander s’il y a quelque chose de plus que vous puissiez faire. »

« Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais les problèmes entre Israël et la Palestine sont si profonds et complexes qu’ils useraient n’importe qui, » a-t-il ajouté.

Par le passé, des signes ont laissé supposer que Tony Blair lui-même était profondément frustré. Après la guerre de l’été dernier à Gaza, il a déclaré dans un article que « la réalité du terrain n’est pas propice à la paix » et a blâmé les politiciens israéliens et palestiniens qui n’ont pas été « capables de créer les conditions pour la paix ».

« Tony Blair est un optimiste acharné », a affirmé John Rentoul. « Mais même les optimistes les plus acharnés constatent qu’il y a une limite à ce qu’ils peuvent espérer réaliser. »

Outre son rôle de médiateur, Tony Blair a également été chargé de développer les structures et institutions économiques palestiniennes, une tâche qu’il a probablement mieux remplie.

Des résultats économiques décevants

En 2013, John Kerry a demandé publiquement à Tony Blair de mener une campagne d’investissement de 4 milliards de dollars dans les territoires palestiniens occupés afin de relancer l’économie.

Selon les experts convoqués par Tony Blair, ce projet aurait pu augmenter le PIB de 50 % sur trois ans, réduire le chômage de deux tiers dans la région (de 21 % à 8 %) et accroître le salaire minimum de 40 %.

Deux ans après, cependant, seules de petites améliorations, comme le tourisme à Bethléem, semblent avoir été observées.

La Banque mondiale affirme désormais qu’à cause du blocus israéliens, de la guerre et d’une mauvaise gouvernance, l’économie de Gaza est « au bord de l’effondrement » avec un chômage supérieur à 40 %. Le chômage global a également augmenté et se situe à environ 25 %.

« [Tony Blair] n'avait pas de mandat politique et un mandat économique limité – et il ne s'en est pas beaucoup servi », a déclaré Hanan Ashrawi, qui a dit par le passé que le seul résultat de Tony Blair pendant le temps qu'il a passé comme émissaire était d’avoir amassé des « points fidélité » auprès des compagnies aériennes.

« Il ne s’agit pas de rendre la vie des Palestiniens plus facile sur le plan économique, mais de mettre fin à l’occupation et à tous les abus qui vont avec : confiscations de terres, colonies, arrestations de masse. »

Tony Blair n’a jusqu’ici donné aucune raison officielle à son prochain départ. Il est difficile de savoir qui, ou même si quelqu’un, le remplacera, mais Tony Blair a promis de « continuer à travailler avec les principaux acteurs régionaux, les États-Unis et l’Union européenne », ce qui montre que huit ans de travail émaillés d’une longue liste de critiques n’ont pas encore tout à fait découragé cet « optimiste acharné ».

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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